Les idées monstrueuses ne fonctionnent que déguisées en banalités. Les vieux et les nouveaux fascismes ont un point commun solide et éternel : ils cultivent la peur dont la cause restera toujours l'anti-France qui prospère sur le laxisme de la démocratie. Le politiquement incorrect, ça commence avec la réconciliation incestueuse de ce que ses défenseurs appellent le pouvoir avec le peuple. L'alliance d'une certaine élite avec la racaille. Car il y a une élite d'extrême droite, que l'on cherche à dissimuler - c'est un must du politiquement incorrect - en mettant toutes les élites dans le même panier de mépris.

L'extrême droite d'aujourd'hui, celle qui ne se déguise plus en nazi, mais porte le jean ou la cravate, fuit les symboles criards de la vieille garde - racisme et antisémitisme caricaturaux - pour mieux attaquer la démocratie sur son apparente contradiction : poser des règles afin que la liberté puisse s'exprimer. C'est le discours "politiquement incorrect" qui appelle à la transgression des règles, au nom de la liberté que la démocratie prétend prôner. L'ennemi éternel de la démocratie c'est la peur.

Le 20 avril 1982, Drumont, l'auteur de La France juive, lance un journal qui deviendra célèbre et qui pose les premières pierres de l'antisémitisme idéologique qui conduira, 40 ans plus tard, à la Shoah. Le titre de ce journal était La libre parole, qui se traduit dans la langue d'aujourd'hui, exactement par "politiquement incorrect". Déjà, Drumont prétendait y défendre la "vraie liberté". Après avoir dénoncé les multiples complots dont le valeureux peuple est victime, Drumont déclare ceci, qui est une constante du politiquement incorrect d'aujourd'hui : "Malgré le silence d'une presse vénale, malgré la complicité de la droite et de la gauche qui s'entendent fraternellement pour ne pas porter ces faits à la tribune, tout se sait, se raconte entre Français, circule de bouche en bouche" (base de la théorie du complot et notamment celle du 11 septembre 2001).

Le politiquement incorrect est donc une sorte de langue que vocifère l'espèce qui proteste contre les adoucissements que lui impose la civilisation, et qui défend les intérêts de la race et sa perpétuation. Si les animaux en rut avaient un langage, ils parleraient le politiquement incorrect. Ce discours est désormais tendance, bien porté, bien vu et banal. Politiquement correct, en revanche, est devenu une insulte, une marque d'infamie. Il se définit par l'exigence du respect des droits de l'autre.
Le politiquement incorrect veut pouvoir donner du sens au nombre de Juifs dans les médias ou au nombre d'Arabes dans les prisons, le but étant d'en déduire la nature manipulatrice des uns ou la nature délinquante des autres, ou les deux. Le politiquement incorrect se reconnaît aussi à ce que, bien sûr, il condamne un peu Le Pen, mais accuse beaucoup les médias de l'avoir fabriqué (même si au cours des 5 années où les médias l'ont ignoré - entre 1998 et 2002 - Le Pen est arrivé au 2nd tour de la présidentielle). Les médias sont une autre métaphore du mal que le politiquement correct dénonce, comme les Juifs, les Américains et les étrangers.

Le politiquement incorrect, qui se pique toujours de style et de littérature, n'est qu'un conformisme radical. Céline, qui est le maître à penser de tous les politiquement incorrects, passe pour un modèle d'originalité et de liberté, alors que sa grande idée n'a consisté qu'a mettre son style haut de gamme au service du discours bas de gamme de la paranoïa ordinaire.

Mais grâce au récent exemple de Vanneste (et de celui encore plus récent d’un soi-disant comique, voir plus bas) c’en est enfin fini du politiquement correct, cette aberration liberticide, cette dictature de la pensée unique inventée par le lobby des bobos droits-de-l’hommistes germanopratins. Nous allons pouvoir dire à nouveau ce qu’on pense des homosexuels, des femmes, des Juifs, des immigrés… Pardon, je voulais dire des pédés, des salopes, des youpins, des négros, des bougnoules et autres faces de citron, ou encore de parler de « race blanche » et « race noire » comme notre cher ami Eric Zemmour. Ou professer une misogynie crasse comme notre bien aimé Alain Soral

Le politiquement incorrect en somme ? L’ignoble rhétorique que les fascistes utilisent pour proclamer et propager leurs idées puantes, tout en se prétendant de pauvres victimes. Le dernier exemple en date n’est autre que l’antisémite à la mode, Dieudonné (l’humoriste Dieudonné étant mort depuis belle lurette). Lors de son dernier spectacle, celui qui a choisi comme parrain de sa fille le président du Front National, a tout simplement invité sur scène le négationniste Robert Faurisson sous les applaudissements nourris de son public d’abrutis (dont ceux de Jean-Marie Le Pen et d’un certain nombre de membres du Front national, ainsi que du « nazi noir » Kémi Séba et de la militante pro-palestinienne Ginette Skandrani). Puis il lui a fait remettre le “Prix de l’infréquentabilité et de l’insolence” par son régisseur travesti en déporté, pyjama à étoile jaune présenté par Dieudonné comme “son habit de lumière”. Aboyant « liberté d’expression » à tout va, Dieudo le facho est le plus bel ambassadeur du politiquement incorrect actuel. Grâce lui soit rendue, à lui et à tous ces semblables.

Sylvain Métafiot