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jeudi, 05 février 2009

Orpaillage clandestin (2ème volet) : l'Opération Harpie

Cet article traite de l'opération Harpie, visant à contrer l'orpaillage clandestin en Guyane. A ce sujet, veuillez lire le premier volet de cet article qui nous apporte des informations souvent méconnues de la métropole française...

operation harpies guyane orpaillage.jpg

2008, le président de la république, Nicolas Sarkozy, invente, au cours de sa visite dans le département, l'opération « Harpie » du nom de ce grand rapace peuplant le ciel guyanais. Les serpents constricteurs laissent donc la place à leurs collègues les rapaces. Des renforts de gendarmeries sont envoyés en Guyane pour y rétablir l'ordre et y faire règner la loi jusqu'au fin fond de la jungle. Certains hôtels de la préfecture y trouvent leur compte, ils affichent complets grâce à tous ces nouveaux fonctionnaires.


Monsieur le président rencontre le maire de Camopi, bourgade en limite de zone interdite sur le fleuve Oyapock qui fait office de frontière avec le puissant voisin brésilien. Il lui fait don d'un moteur hors-bord pour lui permettre d'aider ses administrés. 6 mois plus tard le scandale éclate, le moteur offert par l'Elysée sert à ravitailler les orpailleurs clandestins en passant des marchandises de contrebande au nez et à la barbe du barrage de gendarmerie installé sur le fleuve. En effet qui irait soupçonner un maire français de se livrer à de la contrebande de nourriture et carburant avec les orpailleurs clandestins qu'il disait tant haïr ?

 


Nicolas Sarkozy rencontre aussi son homologue brésilien avec lequel il veut jeter les grandes lignes d'une collaboration anti-clandestins en même temps qu'il promet l'ouverture du pont sur l'Oyapock pour 2010 au plus tard. Pont qui devrait désenclaver toute cette région amazonienne située entre Macapa et Cayenne. Jusqu'à aujourd'hui, les travaux se font à sens unique, le Brésil fournit sa part, la France dort du sommeil du juste. De l'autre côté du fleuve, des kilomètres de piste sont goudronnés, en Guyane rien n'est commencé !
Mais le président français a profité de cette rencontre pour jeter les grandes lignes d'accords militaires plus que milliardaires (en euros) avec le président brésilien. Ces accords comprennent l'aide à la construction de sous-marins traditionnels, des ventes d'avions Rafale et autres armements de haute technologie et très grande valeur.

 


De l'autre côté du département, sur la rivière Inini qui se jette, juste en amont du bourg de Maripasoula*, dans le fleuve Lawa (ou Maroni), fleuve frontière avec le Suriname, la gendarmerie a établi un autre barrage, au lieu dit Saut Sonnelle, village touristique tenu de longue date par la famille Lassort. Dans le ciel de la Guyane les avions Transall jouent le rôle d'avion ravitailleurs et les hélicoptères pumas le rôle d'espions. Piètres espions qui sont repérables à des kilomètres à la ronde, mais nos gendarmes ne se déplacent pas à pied en forêt, trop dangereux. La plupart du temps leurs opérations se soldent donc par des échecs retentissants !

 


Ces deux barrages ont pour but d'interdire l'approvisionnement de l'intérieur du département au départ des deux pays voisins. C'est en effet en cet endroit, le centre de la Guyane que se développe la plus grande activité clandestine jamais enregistrée en territoire français : l'extraction de l'or, qu'il soit alluvionnaire ou primaire par plus de 10000 personnes sans papiers, sans autorisation et sans toit ni loi.
Pendant que la DRIRE (Directions Régionales de l'Industrie de la Recherche et de l'Environnement) est occupée à réglementer la profession et à l'asphyxier avec l'assentiment de Nicolas Sarkozy et de son "schéma minier". Pendant que les sociétés légales avec pignon sur rue et payant des impôts sont tyrannisées de façon incroyable par ses sbires, monsieur L. en tête.( Imaginez vous Bernard Blier dans les « Tontons Flingueurs » et vous verrez à quoi ressemble ce brave « m'sieur L. ».) Pendant que les demandes de permis se succèdent mais que pas une seule ne reçoit d'approbation des services de l'état. (Depuis que la société Iamgold a été déboutée, tous les acteurs miniers restent tranquilles, plus personne n'ose investir car le schéma minier est une espèce de piège mal défini où ils vont se retrouver prisonnier.) 
Pendant tout ce temps là le clandestin sourit, se joue des gendarmes et s'enrichit sur le compte de la Guyane.

 


Le site de Dorlin a été abandonné depuis peu par la dernière société encore présente et laissé aux clandestins. L'opération Harpie n'a servi à rien, ils ont déplacés les clandestins de site en site. De Guérilla à Dorlin en passant par Florida les clandestins ont promené les forces de l'ordre, parfois ils y ont laissé quelques plumes, se sont fait détruire les moteurs de production, mais dans l'ensemble ils sortent grands vainqueurs de la bataille ! Et les gendarmes sont repartis, abandonnant ce vaste territoire aux mains des illégaux, qui il faut le souligner sont aidés par des familles guyanaises bien intentionnées et manoeuvrant dans les hautes sphères politiques et économiques régionales.
Les légaux sont virés par les services de l'état, les terres restent libres pour les clandestins. En décembre 2007 lorsque j'ai quitté Dorlin il devait y avoir 400 ou 500 clandestins dans les environs, ils venaient s'y approvisionner à 2 curuteis. Aujourd'hui, en septembre 2008, les deux curuteis ont fusionné en une méga-curutel du type de celle brulée en 2004 et c'est plus de 1500 clandestins qui y transitent, s'y restaurent ou y épanchent leur longue solitude avec des jeunes femmes accortes à défaut d'être sentimentales.

 


Les meurtres y sont un peu plus fréquents qu'en 2007, les tarifs ont encore augmenté et plus rien ne les retient de travailler, les terres sont vides d'exploitants légaux et les gendarmes sont de retour dans leur métropole adorée. 
En trois mois deux sites légaux, l'un dans la région de Saint Elie*, l'autre près de la petite commune de Régina, ont été attaqués, chacun à 3 reprises, par des individus fortement armés et vêtus de gilets pare-balles, c'est aussi l'un des résultats de l'opération Harpie ! Ou plutôt la preuve de son manque de résultats.

 


Bien à l'abri des murs de leur caserne chérie, tous ces braves mobiles en ont des choses à raconter à leur famille, ils ont vécu l'Aventure avec un grand « A », on connu l'excitation de la marche en forêt et de la rencontre avec des gens hostiles et armés. 
Sans doute remercieront-ils longtemps le président de leur avoir offert un si beau séjour en Guyane.
Sans doute le président s'enorgueillit-il de cette superbe opération qui aura démontré sa vanité et fait perdre un peu plus d'argent à l'état français.

 


Entre temps, les clandestins ont ouvert d'autres voies d'accès vers les sites d'orpaillage, ont acheté des moteurs plus puissants pour leurs pirogues et se permettent de franchir les barrages fluviaux au nez et à la barbe des rares mobiles encore en place. Et nous, opérateurs miniers légaux, nous continuons à fuir les services de l'état car ils nous bombardent de règles toutes plus draconiennes et déplacées que les autres. Ce département qui pourrait être un paradis, qui pourrait se révéler riche en possibilité d'emploi pour ses enfants, ce département d'outre-mer d'où part la fusée Ariane et ses satellites bourrés d'électronique reste l'enfant mal aimé du gouvernement.

 


*Maripasoula ou Maripa-Soula est la commune de France la plus étendue, avec environ 20000 Km² pour une population de plus ou moins 5000 habitants déclarés. Elle se situe sur le fleuve Lawa, à la frontière avec le Suriname et sa population déclarée est composée d'Amérindiens, de noirs marrons, de quelques créoles et de blancs. A Maripa-Soula vous pouvez encore fréquenter des maisons closes sans vous cacher et payer vos marchandises en or.
*J'étais présent personnellement à la fin de la 3eme attaque.

 

Axel

07:00 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (2)

 

Commentaires

 

Ce qui me choque le plus dans ton récit Axel, c'est le fait que la France ait laissé ce DOM en plan, c'est à dire qu'il pourrait y avoir de l'emploi etc... et des possibilités infinies de développement, rendez vous compte, la France a une frontière physique avec le Brésil c'est ENORME !!!
On oublie trop souvent ce département, qui plus est les "légaux" sont soumis à des règles draconiennes et on dépense de l'argent pour rien !
Absolument incroyable ! :-s

 

Bonjour Didier,

en fait je ne peux pas affirmer que ce DOM soit rentable, hormis les satellites on y importe tout, seule la production de rhum semble bien se porter. Le riz est importé du Suriname ou Guyana, le suvre vient de Martinique, Guadeloupe ou pire de la Réunion. Les agriculteurs sont des Hmongs, originaires du Laos ils se sont établis en Guyane et y tiennent des cultures maraichères.
L'or est un problème à part, mais il est vrai que si l'état laissait se développer cette industrie en essayant de l'encadrer au mieux côté écologique il y aurait sûrement plusieurs centaines d'emplois directs et indirects créés.
Mais il faut savoir aussi que les élus locaux ne manquent pas d'air, la mairie de Maripa-Soula nous demande une charte de collaboration avec ses services voirie et mécanique. Tout cela est valable en métropole où l'on a une bretelle d'accès à la zone industrielle, un service de déchets triés, l'accès au réseau électrique et à l'eau, VRD et tout et tout. Mais ici que dalle, les subsides passent on ne sait où et en plus nous devons aider ces braves gens qui nous conspuent plus ou moins ouvertement dès que l'occasion leur en est donnée. Imaginez une ville dans un pays tropical où il n'y a aucune infrastructure pour accueillir les morts ! Suite au décès d'un ami dernièrement je me suis rendu compte que cela crée de vrais problèmes, rapatriement du corps en avion, mais pas de cercueil disponible etc ... ! Pas une once d'aide de la mairie, leur réponse démerdez-vous ! Par moment je craque, j'en ai plein les bottes de leur foutoir. Mais ce soir ce sont les vœux du maire, alors en tant que responsable du site minier j'y suis inviter et je vais y aller de ma plus belle hypocrisie déguster des 'tits punchs sur le compte du maire. Pt'être même qu'il y aura des acras* à grignoter.


*Les acras sont de petits beignets servis en apéritif ou en entrée. Les plus connus sont les acras de morue mais il y en a bien d'autres.

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