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samedi, 20 juin 2009
Un Johnny peut en cacher un autre
Titre énigmatique ? Les cinéphiles auront compris qu'il est question du dernier film de Johnnie To (une cinquantaine de films au compteur) avec notre Johnny Halliday national en tête d'affiche : Vengeance (Revenge). N'étant absolument pas fan du chanteur fatigué qui se prend pour un rocker mais complètement accro du cinéaste Hongkongais, je me suis empressé de découvrir la nouvelle réalisation d'un des maîtres du genre. Le scénario ? Johnnie To travail parfois sans, non sans succès, tant il est vrai que sa spécialité réside dans l'excellence de sa mise en scène dynamique et stylisée. Celui de Vengeance pourrait se résumer à son titre : « Après le massacre de sa famille (Sylvie Testud, son « mari » et ses « gosses »), un cuisinier français, ex-tueur à gages, Francis Costello (Johnny Halliday), engage trois hommes pour l'aider à se venger. Dans une ville qu'il ne connaît pas, il va tout faire pour s'organiser et retrouver le goût des armes. »
Histoire simpliste ? Certes, mais songez à Kill Bill de Quentin Tarantino dont l'intrigue se résumait également au titre du film. Résultat ? La meilleure œuvre de Tarantino parmi tous ses chefs-d'œuvre. Revenons à Vengeance : les non-habitués au genre apprécieront surement ; les amateurs de To et du polar made in Hong-Kong en général seront, en revanche, déçu.
La façon de faire de Johnnie To ? Un scénario minimaliste servant de prétexte à de splendides gunfights portés par une famille d'acteurs au sommet de leur art, le plus souvent des gangsters ultraclasses, poseurs et bien sapés. Ici même, on s'aperçoit, encore une fois, que ce n'est pas un guignol derrière qui tient la caméra. La maîtrise formelle ainsi que le rythme trépidant sont au rendez-vous. Certaines scènes témoignent de l'élégance du cinéma de To et de son inventivité permanente : une fusillade au clair de lune dans les bois dévoilant un jeu d'ombre et de lumière, une autre dans une décharge de Macao en forme de bataille de cubes où la tension monte admirablement, des autocollants désignant un ennemi que l'oubli peut effacer d'une seconde à l'autre, etc. Pourtant, malgré son savoir-faire indéniable, Vengeance - qui est une commande pour la sélection du festival de Cannes - reste inférieur aux autres réalisations du maître : les géniaux The Mission (le film qui l'a fait connaître en occident), Exilé, Fulltime killer, Election 1 & 2, Sparrow, P.T.U., Breaking News. La plupart viennent, d'ailleurs, de ressortir en dvd. Une occasion à ne pas louper !
Le problème - vous l'aurez deviné - c'est Johnny. La star frenchie à beau faire tous les efforts possibles pour ressembler à l'archétype du tueur froid et solitaire, chapeau mou et imper Burberry, mâchoire serrée et gun prêt à dégainer, rien n'y fait, la mayonnaise ne prend pas. A la manière de Francis Costello affirmant qu'il est un étranger dans cette ville, Johnny Halliday semble réellement s'être égaré dans ce long-métrage même si To essaye de l'aider à sa manière en l'entourant d'une bande d'acteurs parfaits (Suet Lam, Lam Ka-Tung et Anthony Wong toujours magistral), en épurant au maximum les scènes de dialogues et de narration (« assez de parlote. Les dialogues m'ennuient. Je préfère les acteurs muets » selon To), préférant laisser parler la poudre, ou cadrer sa silhouette et ses yeux bleus de serpent au ralenti ou en gros plan (« Le regard de Johnny est l'un des plus étranges qu'il m'a été permis de croiser » dixit To). On a donc du mal à adhérer à la vendetta personnelle de ce sombre protagoniste malgré le rebondissement scénaristique au milieu du film lorsque celui-ci avoue un problème de mémoire, apportant un certain sens à ce revenge movie : « Que signifie se venger quand on a oublié pourquoi ? » La dernière scène du film semble la seule où Johnny fait preuve d'humanité et imprègne l'écran, lorsqu'il rigole en compagnie d'enfants. Le reste fait peine à voir et c'est bien dommage.
En fin de compte, Johnny joue comme il chante : mal. La liste de ces précédentes « prestations » parle pour lui : Le Spécialiste, Terminus, Détective, Wanted, la série David Lansky, Love me, L'Homme du train. Et ne parlons pas des insupportables pubs pour Optic 2000. Noir c'est noir il n'y a plus d'espoir...
Quand on songe que To avait préalablement proposé à Alain Delon le rôle titre (c'est une divinité en Asie), et que ce dernier à refusé à cause, entre autres, de la maladie d'Alzheimer dont souffre le héros, le regret nous étreint de plus belle. Si le grand Delon avait accepté on aurait peut-être eu droit à un certain remake du légendaire Samourai de Jean-Pierre Melville (Francis Costello de Vengeance renvoyant directement au Jef Costello du Samourai) mais cela aurait eu, tout de même, plus de gueule que le vieux chanteur poussif. Johnny Halliday qui se prend pour Alain Delon, c'est Samy Nacéri qui se prend pour Robert De Niro : risible et pathétique. To prépare d'ailleurs un remake du Cercle rouge. Espérons que le résultat sera plus concluant que Vengeance. C'est tout le mal qu'on souhaite à ce réalisateur passionné et passionnant qui a l'habitude de renouveler avec grâce un genre codifié et déjà vu. Même si là, il se contente de recycler ses propres artifices, non sans talent. Et puis, mieux vaut un mauvais Johnnie To qu'un bon Luc Besson (cette formule s'appliquant à bon nombre de réalisateurs, dans un sens comme dans l'autre).
Sylvain Métafiot
03:06 Publié dans Cinéma | Tags : vengeance, revenge, johnnie to, johnny halliday, gunfights, fusillades, polar, hong-kong, melville, gangsters, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (0)
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