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vendredi, 27 novembre 2009
Ils en ont parlé
L'Identitétendard se pique au je-rejet,
Classes concassées en maints mesquins sujets.
P.S.: Le dessin en 2 parties de Caran d'Ache fut publié le 14 février 1898 dans le Figaro, première partie: "Surtout ne parlons pas de l'affaire Dreyfus !"
http://www.unsitesurinternet.
http://telex.blog.lemonde.fr
vous trouverez ci dessous en cliquant sur "Suite" l'explication et l'origine du dessin.
- Ils en ont parlé… , une présentation.
Ou pourquoi un petit dessin vaut (mieux) qu’un long discours.
Expliquer son dessin tient du constat d’échec, puisque l’image est censée se suffire, pour peu qu’on y prête attention.
Mais bon, le responsable du site tenait à joindre des précisions, internet peut accueillir un peu plus de texte et j’ai un après-midi à garder le fox de mes parents. En plus, ce type d’illustration naît de notes, alors pourquoi ne pas les partager, d’autant qu’il y a un contexte et des références, peut-être pas immédiates pour tout le monde ? Enfin, quoiqu’on en dise, on semble en effet baignés (ou baigner) non pas dans une société de l’image mais de la parole, et la plupart du temps on oublie qu’une image ça se lit. Alors pianotons.
Ca commence par une discussion autour d’un café (pas exactement, mais respectons le principe du site) avec mon voisin Veli. Veli est turc, enfin il est kurde, ce qui n’est pas exactement la tasse de café des turcs, enfin du gouvernement turc ; pour les français il est musulman, ou arabe, c’est du pareil au même… Surtout, Veli est un inépuisable interlocuteur. Ainsi la conversation aborde l’un des débats du moment, on n’y coupera pas, l’identité, les identités. Et là, illumination ! Bon sang mais c’est bien sûr : l’Affaire Dreyfus.
Pour ceux qui n’y étaient pas - j’en fais partie - Dreyfus fut un capitaine de l’armée française accusé de trahison, le Larousse de Veli précise « à tort » entre parenthèses, au profit du grand ennemi allemand d’alors. Ce qui en faisait le coupable idéal : Dreyfus était juif, donc moins français. Il avait trahi sa nation, son armée et sa fonction au profit de son peuple. L’affaire devint l’Affaire, chacun ayant et clamant son opinion sur ce procès, pour ou contre Dreyfus, l’Armée, la Patrie, le droit, et quoique l’ « intégration » ne fît peut-être pas partie du vocabulaire, le thème qui devait y ressembler. La Presse polémiqua à pleins rouleaux, des publications naquirent même pour l’occasion, Zola écrivit son « J’accuse », la justice et l’armée condamnèrent. Quelques années plus tard fut établi que la trahison n’était pas le fait du capitaine. Pardon pour ce raccourci approximatif qui n’a pour objectif que de rafraîchir la mémoire de quelques cours d’Histoire, pour les détails le Net en regorge sans aucun doute. L’important c’est que l’Affaire fit grand bruit et éclater au grand jour l’antisémitisme et la xénophobie français du moment. Au-delà cela résonne avec l’actualité, celle de l’identité française et celle des identités, notamment. En plus, alors qu’il est question de supprimer les cours d’Histoire-Géo (cf article d’Axeland), cela montre que le passé présente quelques similitudes, sinon leçons. Bref l’Affaire Dreyfus peut resurgir utilement.
En termes d’illustrations, l’Affaire fit couler et écouler beaucoup d’encre, des deux côtés (pro et anti, pro-anti et anti-pro, qui portent des noms confondants, dreyfusistes ou –ards, avec anti ou pas devant). L’une des plus célèbres consistait en un dessin en deux temps de Caran d’Ache, publié dans Le Figaro en 1898. Premier temps : une tablée de gens « comme il faut », un d’eux prononce « surtout ne parlons pas de l’Affaire Dreyfus ! ». Second temps : tablée retournée, convives en rixes, et légende : « Ils en ont parlé ». Mentionnée en PS du dessin, la pièce est consultable, sur Wikipedia par exemple à l’entrée Caran d’Ache. Au passage, Caran d’Ache défendait les antidreyfusards (anti-Dreyfus et antisémite), et soutenait l’armée et la Nation, pas exactement le beau rôle au vu de la vérité, qui allait se dévoiler par la suite. Son illustration devint quant à elle un classique du dessin de presse, pastichée régulièrement. Ainsi, l’illustration (ça y est, j’en parle enfin) reprend ce second dessin, pastiche pour la forme (c’et pratique : pas besoin de chercher une composition) elle s’appuie également sur le fond, ou le contexte original, pour ce qui précède.
Cependant, si la référence est utile, la scène « parle d’elle-même », les débats qui tournent au pugilat, les vives polémiques ne se limitent pas à ce « cas d’école ». Les personnes qui se crêpent sont ici vêtues de la même façon, une salopette de travail indiquant qu’il s’agit d’ouvriers, et sont de couleurs, donc (c’est du dessin) d’ « origines », différentes. Le premier plan, seconde couche par rapport à l’original, montre deux personnes dans l’obscurité mais vraisemblablement en costume, qui trinquent au champagne. Cadre du dessin premier et figuration d’une cabine d’observation, type miroir sans tain dans les commissariats, vu dans nombre de films. Opposition de deux classes sociales. A ce titre on peut noter que la notion de « Classes » et de « Lutte des Classes » a été bannie du vocabulaire actuel ; le Communisme a perdu, et ses idées, forcément mauvaises, ont été battues en brèche. Bref, j’ai pas fait sciences po, mais le message consiste en ce bon vieux « diviser pour régner » : « laissons les couches sociales « défavorisées » s’écharper sur la question de leurs identités, leurs différences, ou « diversité », et sur tous les sujets qu’on peut leur présenter, du moment qu’elles ne se liguent pas pour contester l’ordre en place, notre domination », peuvent se dire ceux qui en sont à sa tête.
Juste un petit mot de fin pour ne pas oublier que l’illustration se voit à l’écran, cadre autour du cadre, et qu’en l’occurrence, après pas mal d’heures à lire des commentaires sur différents blogs/sites, ce support semble particulièrement propice aux empoignades, où chacun s’affirme par ce qu’il affirme. Débats sans fin entre « moi-je », dont les politiques actuels se gorgent également. N’oublions pas ce qui nous unit et que la politique relève du nous (notes de violon). Quant aux « ils en ont parlé », n’est-ce pas devenu la règle, le but, le « buzz » ?
Bons débats et bonne continuation à vous (moi je vous recommande un détour par mon blog, sans texte c’est promis),
tOad
14:35 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
excellente illustration d'une société qu'on divise pour mieux controler...
Écrit par : didier | dimanche, 29 novembre 2009
Voila donc le fameux texte en pièce jointe que je n'arrivai pas à lire !
Tu as raison de dire qu'un dessin est censé parler de lui-même mais un texte n'est pas non plus un inconvénient.
C'est un autre style d'expression qui laisse par contre moins de place à la libre l'interprétation du lecteur, qui, face à un dessin, peut voir bien des choses que même le dessinateur n'aurait pas imaginé^^
Écrit par : axeland | mercredi, 02 décembre 2009
J'aime beaucoup vos caricatures cher Toad. Un vrai travail de pro.
Écrit par : Sylvain | mercredi, 02 décembre 2009
Réponse indirecte, puisque postée, à Axeland, et autres commentaires (2), de l'"auteur" en un merci-merci. D'accord avec Axeland: décrire c'est circonscrire, sauf à être écrivain ou philosophe (et encore).
Sur le fond je constate qu'il n'y a point ici de polémique, on ne peut en dire autant de certains des derniers commentaires sur d'autres articles. Et la polémique c'est bon pour la visibilité. Quelques dessins outranciers, tranchant les opinions rapporteraient peut-être plus... mouais.
Écrit par : tOad | jeudi, 03 décembre 2009
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