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mercredi, 19 mai 2010

De part et d'autre de l'Atlantique (IV)

Chapitre 4

 

J'y étais, ma vieille valise à la main, celle que ma grand-mère avait si gentiment ressortie du grenier avant de rejoindre les ancêtres dans le caveau familial. La ville et ses immeubles se dressaient là, devant moi. En quelques minutes, mes espoirs s'étaient envolés. Une lourdeur vint se loger dans ma poitrine au point de me paralyser. Londres me regardait. J'entendais son rire narquois qui s'amplifiait. Je ne voyais plus que des jambes, des longues, des fines, portant des jeans ou des collants. Elles passaient toutes plus vite les unes que les autres, pas une ne s'arrêtait. Puis le noir.

 

Je me réveillai dans un endroit sombre, éclairé par une simple lampe à  huile dont la mèche s'éteindrait surement peu après la levée du jour. L'homme assis à mes côtés dégageait une odeur acre et m'observait comme une bête curieuse.

 

- Oh toi, ça ne va pas ! Tu veux une clope ?

J'attendis un instant que son halène fétide cesse de me tourner la tête pour lui prendre la dernière cigarette de son paquet de Marlboro.

 

Nous nous sommes quitté sans même avoir échangé plus de mots. Je ne l'ai pas revu. Je m'en moquais. J'aime ces gens qui ne te posent pas de question, qui ne te demandent pas d'où tu viens et surtout où tu vas.

 

Où j'allais ? Moi-même je n'en avais pas la moindre idée. Je ne savais plus ce que j'étais venu chercher dans cette capitale britannique. Autour de moi les gens marchaient vite, couraient presque pour sauter dans le métro. Je les retrouvais. Toujours ces mêmes hommes et femmes, si beaux, si actifs, si pressés d'accomplir leur devoir quotidien.

 

Après de longues pérégrinations dans le centre de Londres, je m'attablai dans un café à l'enseigne défraichie. Deux hommes seulement étaient entrain de jouer aux échecs. Ils avaient l'allure typique des joueurs de poker qui passent leurs nuits autour de la table à espérer empocher des liasses de billets qui leur permettraient d'offrir un beau collier à leur épouse qui les attendait patiemment à la maison. Je commandai un sandwich au jambon et une Guinness, puis pris le journal posé sur la chaise voisine.

 

Avec les quelques livres que j'avais en poche, je pu me payer une chambre d'hôtel le temps de trouver un endroit où m'installer. Finalement c'était peut-être simplement parce que je n'avais pas le courage de repartir. J'approchais maintenant de la trentaine. Mes parents avaient cessé de me parler tout pendant que je ne trouvais pas de femme avec qui me marier et fonder cette charmante petite famille qu'on attendait.

 

Mes amis eux étaient tous de beaux parents, attentionnés et occupés par la vie familiale et ne trouvaient plus intéressant de fréquenter un trentenaire célibataire, fumeur et buveur de bière. Je ne voulais pas de leur vie aseptisée, maîtrisée, programmée. Je n'hésitais pas à répondre par la négative lorsqu'on me demandait si j'avais une petite amie. Je n'étais pas bien fier, peut-être envieux parfois.

 

Allongé  sur mon lit, le regard dirigé vers le plafond tel un adolescent rêveur voulant s'isoler de tout ce qui l'entoure. Je pensais à Rosie. Je pensais à ses petites fesses rondement serrées dans son jean. Je voyais sa poitrine s'avancer lentement vers moi. Mon sexe se dressait sous les draps. Ce n'était pas désagréable. C'était tout. Rosie ne viendrait pas, je ne toucherais pas son corps, je ne caresserais pas ses seins, je ne baiserais pas ses lèvres.

 

Elsa Massart

 

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