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mardi, 07 décembre 2010
Sur le fil de la machette
Souvenez-vous, c’était en juin 2007, Quentin Tarantino et Robert Rodriguez décident de sortir un diptyque de film d’horreur-épouvante intitulé GrindHouse et composé de deux hommages aux vieilles séries B des années 70 : Boulevard de la mort de Tarantino et Planet Terror de Rodriguez. Le second étant nettement meilleur que le premier, Tarantino se faisant de plus en plus bavard dans ses films (comme en atteste Inglorious Basterds). Bref, ces deux bonnes parodies débutaient chacune par une flopée de fausses bandes-annonces dans le pur style GrindHouse et réalisée par des maîtres du genre comme Rob Zombie (La maison des 1000 morts, The devil’s rejects), Eli Roth (Cabin fever, Hostel), Edgar Wright (Shaun of the dead, Hot Fuzz, et le récent Scott Pilgrim) et Robert Rodriguez himself (El Mariachi, Une nuit en enfer, Sin city). Parmi ces petits chefs-d’œuvre figurait Machete qui fut tellement acclamé par les fans qu’ils réclamèrent un véritable long-métrage. C’est désormais chose faite.
Mais avant de vous parler plus en détail de l’un des meilleurs délires kitsch de l’année je vous propose de visionner lesdites fausses bandes-annonces GrindHouse, non seulement pour le plaisir, mais surtout pour se mettre dans l’ambiance franchement décalée du film de genre :
A tout seigneurs tout honneur, commençons par Boulevard de la mort et Planet Terror réunit dans une seule et même bande-annonce.
Continuons avec la formidable compilation des bandes-annonces GrindHouse avec au programme Werewolf Women of the SS, Don’t, et Thanksgiving
Poursuivons avec Hobo with a shotgun, en double exemplaire s’il-vous plait
Un p’tit bonus, au passage, qui ne figure pas dans le catalogue GrindHouse mais qui possède le titre le plus génial de l’histoire du cinéma d’horreur
Terminons enfin par ce qui nous intéresse, Machete dont vous pouvez vous amusez à déceler les différences entre la toute première bande-annonce et celle de 2010 pour le long-métrage.
Bien, vous voyez à peu près de quoi nous allons parler maintenant, non ? Je répète tout de même pour ceux du fond qui n’aurais pas compris : Machete est à la fois une parodie et un hommage aux films d’action de série B des années 70. En somme le 2nd degré règne en maître et c’est l’utilisation des grosses ficelles scénaristique d’antan (d’aujourd’hui aussi ? Oui… bon d’accord) ajoutée à la violence démesurée qui provoque le rire chez le spectateur connaissant par cœur les codes balisés des bons vieux nanars. En gros, un flic mexicain incorruptible voit sa famille détruite par un puissant baron de la drogue ; errant comme un vulgaire sans-papiers dans les rues du Texas, cette force de la nature se laisse embarquer dans une machination qui va lui permettre de régler ses comptes ; accompagné de ses fidèles machettes il va faire le ménage entre politiciens véreux, trafiquants de drogue et autres allumés de la gâchette racistes.
Pourtant si les scènes de violences sont légions (mutilations, décapitations, éviscérations, j’en passe et des plus joyeuses) l’hilarité dépasse totalement l’effroi et l’on rit de bon cœur à chaque démembrement. L’une des scènes à l’hôpital, particulièrement dégueulasse, est à s’en fêler les cotes. C’est le ressort même des films outrageusement gore qui n’ont plus grand-chose à voire avec l’horreur mais davantage avec le pastiche stupide et drôle à souhait. Par comparaison la violence présente dans Outrage, l’excellent dernier film de Takeshi « Beat » Kitano, est, en un sens, plus choquante, car froide, méthodique, réaliste et pince-sans-rire. Et puis si les yakusas de Kitano usent et abusent du téléphone portable, Machete « don’t text »…
Comme vous avez dû le remarquer Machete réuni un casting de haute volée, ce qui est à peu près le cas de tous les films GrindHouse. L’un des changements entre la version 2007 et celle de 2010 est l’apparition de l’immense Robert DeNiro en tant que sénateur ultraconservateur et pro-gun. Un bonheur que de voir l’éternel mafieux new-yorkais déblatérer des propos xénophobes et belliqueux envers les étrangers avec un accent du sud. Bien sûr le film vaut surtout pour la prestation de Danny Trejo (qui pour la première fois de sa longue carrière, à 66 ans, obtient le premier rôle) en mexicain hargneux, désireux de prendre sa revanche sur les salauds ayant tué sa famille et déchu de son poste de flic pour devenir un immigré sans le sou comme les autres. Ainsi, malgré le ton résolument parodique le film aborde clairement la question des étrangers aux Etats-Unis, de la frontière avec le Mexique qui se durcit, du fascisme des milices anti-immigrés, des discours politiques haineux envers les ouvriers mexicains, etc. L’histoire étant évidemment manichéenne (les gentils migrants face aux méchants comploteurs) la caricature bat son plein, tant au sein des rebondissements scénaristiques que des personnages : la flic latino (Jessica Alba) qui décide de faire ce qui est juste contre la loi ; l’extraordinaire (et trop peu exploité) prêtre Benicio del Toro (Cheech Marin) ; l’ancienne révolutionnaire She alias Michelle Rodriguez (qui n’est pas sans rappeler Cherry Darling de Planet Terror) ; le boss (Jeff Fahey) ; la fille (Lindsay Lohan repentie des ses déboires avec la coke) et la femme de ledit boss enfin, dont on se demande ce qu’elles foutent là si ce n’est pour agrandir le tableau de chasse sexuel du héros…
Voila pour les petits nouveaux, car, aux côtés de DeNiro, deux autres old guest stars viennent s’ajouter au casting : Don Johson (star des séries Miami Vice et Nash bridges) et Steven Seagal qu’on ne présente plus. On ressent la volonté chez Rodriguez de faire revivre d’anciennes stars du grand écran en leur accordant un rôle taillé sur mesure, comme avait pu le faire Tarantino avec John Travolta dans Pulp Fiction, Pam Grier dans Jackie Brown, David Carradine dans Kill Bill, et Kurt Russel dans Boulevard de la mort. Certes, autant de personnages accumulent les intrigues parfois inutiles (trahisons sur trahisons) mais quel plaisir jouissif de se croire devant un bon gros navet d’antan du dimanche après-midi, à l’action poisseuse, avec une image médiocre, des problèmes de synchronisation sonore, des effets de caméra excessifs, des sentences bien senties (« vous avez fait chier le mauvais Mexicain ») et un anti-héros à la gueule cassé mais au charisme indéniable. Vivement les deux (fausses) prochaines suites où Machete promet de tuer encore plus de vilains !
Bon… et maintenant on attend la réaction des Hutus et des Tutsis lors de la sortie du film à Kigali…
Sylvain Métafiot
03:10 Publié dans Cinéma | Tags : machete, grindhouse, film, second degré, parodie, violence, série b, mexicain, robert rodriguez, danny trejo, gore, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (0)
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