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dimanche, 29 mai 2011
Sade, la chèvre et le p’tit n’enfant
Diantre, tous les ans c’est le même dilemme. La date approche à grand pas et cette sensation de tiraillement qui me reprend. Argh… que faire ? Me voila bien embêté, chers lecteurs, car, voyez-vous, d’ici quelques jours ce sera mon anniversaire. Et à chaque époque je ne sais que choisir : cette année, vais-je m’offrir Luca, un petit garçonnet tout rose, pour une nuit de délices ou vais-je m’adonner aux plaisirs charnels en compagnie d’une coquine chèvre du Pakistan au doux nom de Biquette ? Etant attaché au principe d’alternance, je jette mon dévolu sur la belle pakistanaise avec toute l’ardeur d’un légionnaire en rut. Le petit Luca attendra l’année prochaine pour connaître les joies de la stimulation prostatique.
Les coincés du cul bonnes âmes dégoutées par ces quelques lignes les trouveront aussi gentillettes que Martine à la plage après avoir entrevues le supplice d’Augustine dans Les cent vingt journées de Sodome de Donatien Alphonse François de Sade : « Elle avait le cul très conservé, on la fouette, puis chacun l’encule sans décharger ; ensuite le duc lui fait cinquante-huit blessures sur les fesses dans chacune desquelles il coule de l’huile bouillante. Il lui enfonce un fer chaud dans le con et dans le cul, et la fout sur ses blessures avec un condom de peau de chien de mer qui redéchirait [sic] les brûlures. » Et le pire n’est pas cité… Sade, donc. La face obscure des Lumières, le blasphémateur, l’anti-idéologue, le damné, l’infréquentable, le libertin, le joueur, l’irrécupérable, le matérialiste, l’aristocrate, l’excessif, l’athée, ce « bloc d’abîme » enfin, pour reprendre le titre de l’essai d’Annie Le Brun.
La chèvre de Mr Seguin, version X
Il paya ses atteintes aux bonnes mœurs et ses attaques contre la religion (« Dieu est le seul tort que je ne puisse pardonner à l’homme ») par trente ans d’emprisonnement (Vincennes en 1778, la Bastille en 1784, puis Charenton, l’asile pour malade mentaux, en 1801). C’est du fond de ses cachots qu’il rédigea certaines de ses œuvres les plus fameuses : Voyage d’Italie, Dialogue entre un prêtre et un moribond, et surtout Les cent vingt journées…, vaste catalogue de crimes et de sévices, où sont mis en scène les fantasmes les plus extrêmes. Pasolini s’en inspira pour peindre le portrait monstrueux de la modernité et ses relativismes dans Salo. Il publiera La Philosophie dans le boudoir en 1795 et les dix volumes de la Nouvelle Justine en 1797. Que de braves gens qui ont voulu le voir pendu, décapité, écartelé, brulé, bref faire preuve d’un sadisme sans borne ! Sade ou la littérature anti-sociale.
Ce sont certainement les sadiques conscients de l’être qui ont contribué à ce qu’il y ait moins de sadisme dans le monde, et ce sont toujours les gens « sains » qui, précisément parce qu’ils ne sentent pas le sadisme, y consentent. Joseph de Maistre est mille fois plus abject que Sade lorsqu’il défend la justice divine et les supplices infligés par le bourreau, dans une rhétorique moraliste, anti-érotique, et désespérément naïve. Mieux vaut se délecter des Cent vingt journées… où l’on peut lire : « 5. Il veut dépuceler trois filles de suite, une au berceau, une à cinq ans, l’autre à sept. » et encore : « Pour réussir l’inceste, l’adultère, la sodomie et le sacrilège, il encule sa fille mariée avec une hostie. » « Un maximum de sens dans un minimum de mots » qui permet de « faire remonter les corps à la surface des idées » selon le sadien Pierre Cormary.
On savait s'amuser en ce temps-là
Après tout, pour en revenir à l’actualité, et puisque nous sommes dans la provocation (bête et méchante ? Si vous voulez…), on pourrait se demander pourquoi, de nos jours, condamne-t-on les détenteurs d’images pédophiles. Attention, je parle bien de personnes n’ayant jamais violé un enfant, pas de Gégé Bouchard, le désanusseurs de Montargis, à qui je ne confierais même pas mon caniche de peur qu’il s’amuse à lui creuser un 2ème tunnel sous la Manche. Bref, des personnes, disais-je avant de m’interrompre moi-même, qui ont pour unique fait d’arme de « simplement » posséder des photos de tels crimes pédophiles. Certes, on peut légitimement penser que ces amateurs de chair fraiche d’enfants nus sur Internet passent, un jour, du spectacle pervers aux actes (non moins pervers) mais, en attendant, leur seul crime est d’avoir fantasmé un de ces actes obscène. En somme, si l’on condamne les gens AVANT qu’ils aient commis des crimes – crimes que l’on SUPPOSE qu’ils commettraient dans le futur – cela nous plonge en pleine science-fiction sécuritaire et paranoïaque. Je ne vous fais pas un dessin, vous connaissez tous Minority Report, et la rétention de sureté de Rachida Dati (mais si, vous savez, l’ancienne Garde des sceaux qui passait plus de temps sur son smartphone que sur ses dossiers). Soyons clair : loin de moi l’idée de cautionner l’existence et l’usage de telles photos scabreuses, mais de m’en servir pour une simple expérience de pensée : seriez-vous d’accord pour supprimer tous les radars automatiques des routes en échange d’un implant dans votre cerveau qui vous verbaliserait à chaque fois que vous songez à dépasser les limites de vitesse autorisées ? Sauf masochisme excessif, et après quelques secondes de réflexions, la réponse logique devrait être « non », car le fait est que nous ne contrôlons pas totalement nos pensées : la plupart se déclenchent avant qu’on est eu le temps d’y réfléchir. Et les plus sulfureuses ne sont pas exclues…
Une bouille pareille j'appelle ça du racolage
Ce petit filou de Sade – qui mit à nu la cruauté du bien et s’opposa à la peine de mort – ne s’y trompait pas en s’attaquant aux idées auxquelles recourt la fausse conscience pour camoufler les incohérences qui la fondent. On pense aux incessantes diatribes moralistes d’aujourd’hui contre l’invasion de la pornographie, alors même que le désir de transparence absolu se répand de façon obscène, que ce soit dans les émissions de télé-réalité, dans les magazines people, des romans ou dans certains blogs. Et, comme le dit l’écrivain Annie Le Brun « n’en va-t-il pas ainsi de la diabolisation de la pédophilie qui sert à couvrir le gigantesque détournement de mineurs avec lequel se confond la prise en otage de l’enfance par les marques et le racket des jeux vidéo ? » Ce ne sont pas les curés amateurs d’enfants de chœur qui vont contredire cela.
Mais, au fait, et la zoophilie dans tout ça ? Eh bien, dans la passion 34 de la troisième partie des Cent vingt journées… on trouve cette belle poésie du blanc : « Il encule un cygne, en lui mettant une hostie dans le cul, et il étrangle lui-même l’animal en déchargeant ». Même si, personnellement, tout ce qui a trois plumes au derrière ne m’a jamais émoustillé. Pour ce qui est des séances de saphisme, de nécrophilie et de scatophilie je vous convie à la lecture de… A la feuille de rose, la pièce de Maupassant narrant l’éducation décadente de deux jeunes mariés, les Beauflanquet, dans une maison close “où officie un ancien séminariste affecté à l’entretien du stock de capotes [sic]”.
Nicolas S. lubrique kidnappeur de chevreaux
Finalement, chers lecteurs, vous n’êtes pas obligés d’être en accord avec tout ce qui fut dit, car comme l’écrit ce bon vieux marquis en préambule des Cent vingt journées… « Choisis et laisse le reste, sans déclamer contre ce reste, uniquement parce qu’il n’a pas le talent de te plaire. Songe qu’il plaira à d’autres, et sois philosophe. »
Bon, ce n’est pas tout ça mais où ais-je bien pu égarer ma chèvre ? Ce maudit ongulé n’en fait qu’à sa tête. Gare à sa croupe ! Biquette, viens voir papa ! Biquette !
Sylvain Métafiot
(article également paru dans la Gazette n°16 de Mankpad'ere)
11:41 Publié dans Insolite | Tags : sade, la chèvre et le p’tit n’enfant, les cent vingt journées de sodome, annie le brun, pasolini, pédophilie, zoophilie, sadisme, chèvre, biquette, juliette, sarkozy, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
L'article est très interessant, je suis née dans l'année de la chèvre
Écrit par : term paper | mardi, 14 juin 2011
La chèvre est un mammifère ruminant de l'ordre des ongulés et non un bovidé. Conférer dernier paragraphe.
Écrit par : Gustav Tollak | vendredi, 08 juillet 2011
Au temps pour moi. Correction effectuée.
Écrit par : Sylvain | vendredi, 08 juillet 2011
il est 14h56 et je peine toujours à revendre notre chèvre. Votre blog me semble très à propos pour en faire la publicité. merci de nous écrire à mon amant et moi à cette adresse.: http://lesloisduminimalisme.blogspot.com/2009/01/annonce.html.
Écrit par : Jack | mercredi, 28 septembre 2011
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