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vendredi, 14 octobre 2011
A l’aube d’une nouvelle physique ?
Depuis le début du XXème siècle, deux modèles physiques coexistent : la relativité et la mécanique quantique. Einstein est mort en cherchant une « théorie du tout », c'est-à-dire une unification de ces deux pans de la physique. Et depuis 80 ans, tout les gros cerveaux se coltinent le même problème. L’Organisation européenne pour la recherche nucléaire - que tout le monde désigne par son ancien acronyme CERN, parce que OERN ça le fait pas - s’est fixé pour mission de faire le tri dans ce jus de cerveaux par des vérifications expérimentales. Et des résultats surprenant commencent à tomber, comme l’annonce le 23 septembre dernier de neutrinos plus rapide que la lumière dans le vide (c)[1].
[1] La vitesse de la lumière varie en fonction du milieu dans lequel elle se propage. Dans l’eau, elle est de 225km/s, ce qui explique par exemple l’effet Vavilov-Čerenkov (le joli bleu fluo au fond des centrales nucléaires).
Passé le whaaa enthousiaste ou sceptique, la question est : Qu’est-que ça change ?
En fait, si c n’est pas une constante, c’est qu’il n’existe peut être pas une Histoire unique, et là c’est le drame. En effet toute la physique c’est construite sur quelques principes de base (au sens philosophique fort de Premier). Ces principes sont par définition invérifiables de façon absolue par la mesure. Par exemple : les lois physiques sont les mêmes partout. Ou encore, l’univers n’a qu’une Histoire et il a la même forme quelque soit l’endroit d’où on l’observe. Commencer à toucher aux constantes fondamentales revient à ébranler ces principes, et donc à revoir le cadre général des conditions pour que la physique soit seulement possible. Et voici pourquoi :
La relativité pour les nuls
Pour Newton, l’univers est un théâtre, et tous les spectateurs peuvent voir les mêmes phénomènes sur scène. Il n’y a pas de vitesse limite, au contraire les vitesses s’additionne (F=ma, l’accélération a dépend des forces F exercé sur l’objet divisé par sa masse m). Newton va même avancer (à contrecœur) l’existence d’action instantanées à distance. Cela permet entre autre de sauvegarder la causalité, afin que tout le monde puisse voir Juliette se percer la poitrine après la mort de Roméo.
Pour Einstein, l’univers est un objet déformé par ce qu’il contient. Pour épuiser la métaphore du théâtre jusqu’à l’os, l’univers est une scène sphérique en caoutchouc lubrifié qui gonfle. Les observateurs seraient collés sur sa face interne, avec leur chaise et tout le reste. En fonction de leur vitesse et de leur position sur le caoutchouc, ils peuvent voir que c’est Juliette qui embrasse Roméo en premier, ou l’inverse, ou bien les voir s’embrasser simultanément. Par contre, l’ordre de leur mort reste inchangé, en raison du postulat d’une vitesse limite de propagation de l’information : c. Voici des exemples.[1]
Expérience n°1 : Imaginons deux lampes qui s’allumeraient simultanément :
Pour Newton, chaque spectateur (A, B ou C) voir les lampes s’allumer en même temps.
Pour Einstein, si l’on arrive de la gauche (A), on reçoit une information, véhiculé à la vitesse de la lumière par les photons, que la lampe de gauche c’est allumé en premier. Puis on reçoit l’information que la seconde lampe est allumé. Si l’on arrive de la droite (C), l’ordre d’allumage des lampes sera inversé. Si l’on arrive en face (B), les lampes s’allumeront en même temps.
Mais Einstein ne nous condamne pas à un relativisme / subjectivisme absolu, ou ne serait vrai que ce que chacun observe. Ajoutons de la causalité dans notre expérience.
Expérience n°2 : Les 2 lampes s’allument successivement :
Que l’observateur soit en A, B ou C, il verra toujours la lampe 1 s’allumer avant la lampe 2. La condition essentiel est que c (lumière dans le vide ou vitesse de transport maximal d’information) soit constante et indépassable. La causalité (succession des évènements dans le temps) repose donc sur la vitesse de la lumière. Si la perception des évènements est relative, l’ordre de leur succession est absolu. Sans cette condition de vitesse limite, l’univers n’aurait pas d’histoire unique, il serait seulement un amas d’évènement observable. Nous pourrions avoir accès à n’importe quels évènements, passé ou futur, pour peu que l’on ait la bonne vitesse et le bon angle. Et donc la relativité n’aurait plus de garde fou.
Mais si les résultats sur la vitesse des neutrinos sont surprenants, il y a peu de chance qu’ils remettent en cause à ce point la causalité.
1) Un siècle de confirmation expérimentale de la valeur de c font que les équations d’Einstein seront toujours « vrai » et utilisé dans 1000 ans, tout comme celles de Newton sont utilisées pour mettre en orbite nos satellites et calculer les prochaines éclipses avec une marge d’erreur insignifiante. E=mc² n’est pas faux, la relativité restreinte ou général d’Einstein n’est pas et ne sera pas contredit comme on peut le lire un peu partout dans la presse, mais tout juste affiné ; ou dans le cas extrême, englobé dans une théorie plus vaste.
2) Les neutrinos sont des particules mal connu, ce qui ouvre la porte à presque toutes les spéculations. Elles n’interagissent que par interaction faible, et elles oscillent dans différentes saveurs. C'est-à-dire qu’elles traversent tout sans laisser de trace, sauf lorsqu’elles tombent droit sur un nucléon (probabilité infime). [2] L’expérience au Gran Sasso avait pour but de départ de « gouter » les neutrinos, pour mieux comprendre l’une de ses saveurs. La mesure de leur vitesse n’était que secondaire.
3) Presque personne n’avait construit de théories avec des neutrinos plus rapide que c. Mais il existe déjà certaines interprétations de l’expérience du cern ou la violation de c ne remettrait pas en cause la théorie, si par exemple il n’y a pas eu transport d’information (la mesure serait celle de la vitesse de phase du faisceau, et non de la vitesse d’un neutrino en particulier).
4) Dirac avait prédit l’anti matière en ajoutant au burin la causalité dans ces équations. La confirmation expérimentale de l’existence d’anti particule dans les années 1940 (contre toute attente) à été la première preuve positive de la causalité. La causalité ne tombera pas si facilement sans c.
Conclusion :
Si cette découverte est confirmée, les physiciens ont deux options :
- Élaborer un nouveau modèle qui prédirait, au passage, le comportement des neutrinos conformément à l’expérience, au risque de changer (encore) notre appréhension de l’espace et du temps.
- Mettre à jour le modèle standard en prenant en compte un particularisme propre aux neutrinos.
Si elle est infirmée, la correction de la cause de l’erreur augmentera la précision de nos outils de mesure du temps et de l’espace.
Pierre Alhammoud
[1] L’exemple des lampes est inspiré d’une conférence d’Etienne Klein au cern en 2008.
[2] Pour en savoir plus, regardez la conférence l’astrophysique naissante des neutrinos, cern, 2003.
13:54 Publié dans Actualité | Tags : physique, relativité, neutrinos, mécanique quantique, einstein, newton, vitesse de la lumière, cern, etienne klein, pierre alhammoud, meow | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Merci beaucoup pour cet article d'une grande clarté :). Bienvenue à toi Pierre sur mapausecafe.net !
Nous avions parlé des neutrinos dans une édition du petit journal des grandes découvertes cela avait d'ailleurs donné lieu à quelques commentaires qui t'intéresseront surement :
http://www.mapausecafe.net/archive/2011/09/26/le-petit-journal-des-grandes-decouvertes-5eme-edition.html
à très bientôt sur mapausecafé :)
Écrit par : Didier | samedi, 15 octobre 2011
Les commentaires sont fermés.