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vendredi, 09 mars 2012
Les bidouilleurs anonymes
Qui sont ces joyeux drilles ?
Un groupe, formé en 2003, sur le forum d’images 4chan, décentralisé, sans hiérarchie établie, informel et sans structure, qui a l’habitude de croiser le fer avec les ayants-droits des studios hollywoodiens et l’industrie de la chanson, au nom du droit au partage de fichier. Ce collectif, de plus en plus associé à la collaboration d’hacktivistes internationaux, lutte pour la défense de la liberté d’expression par tous les moyens, y compris illégaux, tout en conspuant l’autoritarisme. C’est en s’attaquant à la secte l’église de scientologie, en 2008, qu’ils commencent se faire connaître du grand public. Mais c’est en soutenant Wikileaks que le groupe fit réellement son entrée dans l’arène médiatique internationale. Anonymous s’est engagé pour les révolutions arabes et s’est violemment opposé aux lois, jugées liberticides, PIPA (Protect Intellectual Property Act), SOPA (Stop Online Piracy Act) et ACTA (accord commercial anti-contrefaçon) en attaquant divers sites institutionnels et d’entreprises privées.
Un groupe de hackers bien sympathiques me direz-vous. Il est certain que prendre pour cible la secte de Ron Hubbard et les serveurs gouvernementaux tunisiens et égyptiens ne peut recueillir que notre bénédiction. Mais de là à les louanger… Car, par exemple, lutter contre la pensée unique et s’attaquer à une secte pour en reprendre ensuite « l’habillage » paraît contradictoire : uniformisation vestimentaire (censée représenter l’anonymat du cadre moyen) et volonté de se battre au nom de la justice, de la liberté, du Bien, etc. De fait, leur discours est assez intriguant : « nous sommes légion », « nous sommes le peuple », « nous ne sommes qu'une idée », « nous sommes votre idée », « nous sommes vous », « nous ne pardonnons pas », « nous n'oublions pas », « redoutez-nous ». Je ne me souviens pas qu’ils m’aient demandé mon avis avant d'être moi. Ni le vôtre il me semble. Mais la politesse de nos jours…
Prépares-toi à mourir Néo(libéralisme) !
Arrêtons-nous un instant sur le masque qu’ils arborent (et que les Indignés ont repris à leur compte). Ou comment un visage est devenu un masque. Sous l’hilarité inquiétante de cette gueule cireuse se cache l’artificier anglais Guy Fawkes, exécuté au début du XVIIème siècle pour une trahison et une tentative de régicide sur la personne de Jacques 1er (Fawkes était à l’origine de la Conspiration des poudres : une protestation contre la politique du roi en matière de religion). Depuis 1605 l’échec de Fawkes est célébré en Angleterre la nuit du 5 novembre. Nul doute que porter ce masque donne la sensation à nos hackers d’être des conspirateurs, agissant dans l’ombre, contre les puissants. Le héros de la BD d’Alan Moore, V pour Vendetta, luttant contre une Angleterre fasciste, se revendique également de Fawkes mais s’il porte ce masque, c’est d’abord par pudeur que par subversion, car il n’a pas de visage. Enfin, Fawkes se réclamait de l’anonymat en se faisant appeler John Johnson. Brandir l’anonymat derrière la cause que l’on défend juxtapose l’esprit de révolte et l’oubli de soi, le refus d’être dupe et l’art de se fondre dans la masse. C’est aussi un peu embêtant pour qui prône la transparence… L’ennemi des Anonymous n’est-il pas, lui aussi, sans visage : le Marché. Le masque des Anonymous est cependant bien différent de L’Homme qui rit de Victor Hugo, condamné à rire même lorsqu’il pleure. Car ce dernier arrive à ne pas rire pour annoncer aux puissants la venue d’une justice neuve et ne donne pas à son indignation un aspect rigolard et menaçant, ironique et insolent.
Et puis, merde !, j’aimerais tout de même revenir sur ce mythe de la culture gratuite que nos fieffés pirates défendent. Pourquoi, ô grand pourquoi, la culture devrait-elle être gratuite ? Parce que c'est un idéal humaniste ? Parce que c'est être vraiment de gauche ? Parce que cela va rendre l'Homme bon et l’humanité meilleure ? Kaing Guek Eav, un des génocidaires khmers rouge, cite Alfred de Vigny et on jouait du Schubert à Auschwitz... Bizarrement, personne ne rechigne devant les prix des produits des entreprises commerciales. Ainsi, les mêmes qui voudraient ne pas payer le ciné trouveront normal de payer un iPhone 300 euros. Et puis d’où vient ce besoin vorace général de culture ? Tout le monde n'a pas besoin d'écouter Haydn ni de voir Rubens. Ceux qui le voudront viendront au musée quoi qu’il en soit. Pour éviter l'aliénation "culturelle" il ne faut pas créer de fausses envies chez les gens.
On t'a reconnu Francis Lalanne
Comme le disait George Orwell, dans la préface inédite à Animal Farm : « Le remplacement d’une orthodoxie par une autre n’est pas nécessairement un progrès. Le véritable ennemi, c’est l’esprit réduit à l’état de gramophone, et cela reste vrai que l’on soit d’accord ou non avec le disque qui passe à un certain moment. » Les Anonymous forment un groupe d’activistes très intéressants, parfois enthousiasmants. Mais ne perdons pas notre sens critique sous prétexte que la chanson qu’ils nous chantent est plus harmonieuse.
- Quand l'Odieux Connard se moque des Anonymous il touche juste.
Sylvain Métafiot
22:59 Publié dans Actualité, Economie | Tags : anonymous, bidouilleurs anonymes, hacker, guy fawkes, internet, culture gratuite, l'homme qui rit, victor hugo, pirates, secte, néolibéralisme, masque, v por vendetta, george orwell, animal farm, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
La culture devrait être gratuite sur Internet, c'est tout, enfin elle devrait être accessible à tous sans discrimination fondée sur l'argent... mais si toi tu as les moyens de te payer tous les cinés que tu veux, tous les livres que tu aimes, et tous les cd que tu aimes, tant mieux, mais laisses ceux qui n'ont ni le temps, ni surtout l'argent d'avoir cela au moins virtuellement...
quant à ce groupe de "fieffés pirates" au moins ils existent, et même s'ils ne sont pas parfait très cher ami, au moins ils se bougent pour notre internet, et comme tu es le premier à changer d'avis ce qui est ta qualité, je suis sur que bientôt tu reconnaîtra qu'ils sont meilleurs que ce que tu crois...
Quant à ne pas perdre notre esprit critique, cela sera de plus en plus difficile si internet est censuré...mais bon comme tu semble pour... on fait quoi pour mapausecafé ? on le ferme directement ?
Écrit par : Didier | lundi, 12 mars 2012
Peut-être vaudrait-il mieux fermer le site, en effet.
Le FBI et la CIA nous surveillent depuis longtemps : ce site diffusant d'importantes et cruciales informations compromettantes relevant du secret d’État nous risquons la prison dans la plupart des pays du monde.
D'ailleurs, plusieurs mandats d'arrêts internationaux ont été lancés contre Ma Pause Café.
Soyons prudents, restons sur nos gardes et nous renverserons le système !
Écrit par : Sylvain | lundi, 12 mars 2012
Bon et puis la culture gratuite, je veux bien (tout comme je voudrais bien que les cascades soient en chocolat et les nuages en barbapapa) mais quid de la survie des artistes, auteurs, musiciens, réalisateurs, etc. sans qui ladite culture n'existerait pas ?
Écrit par : Sylvain | lundi, 12 mars 2012
Justement, uniquement sur internet cette culture gratuite, il y a un modèle à trouver.
Des chansons diffusées en bonne qualité mais pas en entière, ou avec une pub avant
des films en qualité moyenne sur internet avec pub
et une "redevance" que l'on payera sur l'achat de produit technologiques (une sorte de taxe)
je peux pas te sortir un modèle économique comme ça, mais les idées existent je pense
quand à ma pause café pour ma part je suis parti au Pérou m'exiler c'est pas pour rien ! brrrr s'ils viennent me chercher je leur envoie un serpent à épine dans la gueule !
Écrit par : Didier | lundi, 12 mars 2012
L'idée de la licence globale était une bonne solution, il me semble.
Mais ces abrutis de politicards de droite ont préféré cette stupide loi Hadopi.
Ceci-dit, mettre de la pub dans les films et les chansons (ou avant) c'est avilir la création artistique. La polluer ignoblement.
Bref, ramène-moi un serpent à épine, j'en aurais besoin.
Écrit par : Sylvain | lundi, 12 mars 2012
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