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mardi, 24 septembre 2013
Leviathan, l'océan de ténèbres
31. Il fait bouillir le fond de la mer comme une chaudière, Il l'agite comme un vase rempli de parfums.
32. Il laisse après lui un sentier lumineux ; L'abîme prend la chevelure d'un vieillard.
33. Sur la terre nul n'est son maître ; Il a été créé pour ne rien craindre.
Job - 41
Sylvain Métafiot
22:26 Publié dans Cinéma | Tags : leviathan, sylvain métafiot, cinéma, film, documentaire, océan, ténèbres, enfer, horreur, job, biblique, apocalypse, puissant | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 14 septembre 2013
Nous autres, enfants de la totalité
Article initialement paru sur RAGEMAG
Si Thomas More a créé l’œuvre utopique archétypale avec Utopia, le Russe Evguéni Ivanovitch Zamiatine peut être considéré comme son pendant contre-utopique avec Nous autres. La première grande contre-utopie du Xxe siècle est un monument de science-fiction politique, l'incarnation d'une nouvelle et radicale dimension romanesque contre le mythe du progrès.
Avant tout, quelques mots sur l'auteur, cet ingénieur russe qui donna ses « lettres de noblesse » ainsi que son essor au genre contre-utopique. Dans ses premiers écrits, Zamiatine, se livre à une description réaliste de la petite bourgeoisie. Ancien bolchevique, membre du Parti Social Démocrate, ayant participé avec enthousiasme à la révolution russe de 1905, persécuté par la police tsariste, il se détourne radicalement de la Révolution en 1917. Zamiatine est proche des frères Sérapion, un groupe littéraire formé à Petrograd en 1920-192 s'inscrivant dans le processus de renaissance de la prose, après les années de prépondérance de la poésie, et de recherche de voies nouvelles pour la littérature russe. Zamiatine est nommé conférencier à la Maison des Arts, où étudient et vivent les membres de la Fraternité. Comptant encore quelques amitiés et certains appuis intellectuels (Maxime Gorki), il fuit son pays en 1931 pour rejoindre Paris.
Retour au livre. Nous sommes au XXXVIème siècle, l’État unique règne sur une société parfaite, celle de la « dernière révolution », une ville monde où ni le plaisir ni la misère n'existent. Au sommet se trouve le Bienfaiteur (numéro d’entre les numéros), sinistre anticipation du stalinisme et caustique analyse de ce que, déjà, en 1920 recèle le système bolchevique. Le grand Guide est ainsi réélu tous les ans à la même date à l’unanimité et impose l’Harmonie à tous ses membres. L’ironie contre-utopique est de mise : là où règnent l’inversion et le faux-semblant, le Bienfaiteur est celui qui élimine les opposants, de la même façon que le « Big Brother » d’Orwell incarne l’espionnage et la répression.
15:56 Publié dans Littérature | Tags : utopie, contre-utopie, dystopie, nous autres, enfants de la totalité, evguéni ivanovitch zamiatine, thomas more, sylvain métafiot, ragemag, science-fiction, méphis, totalitaire, téléologie, révolution, lavage de cerveau, libertaire, etat unique, bienfaiteur, roman, george orwell, aldous huxley, 1984, le meilleur des mondes, intégral, taylor, 1917, transparence | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 07 septembre 2013
I Wish, l'éruption d'un miracle
Article initialement paru sur RAGEMAG
Sur l'île de Kyushu, au Japon, Koichi, petit garçon de 12 ans vit à Kagoshima avec sa mère et ses grands-parents, tandis que son frère Ryûnosuke vit avec son père dans un village du nord de l'île. Attristés par ce divorce, les enfants décident de se rendre au lieu où les deux premiers trains du Shinkansen se croiseront pour y exaucer le vœu de réunir leur famille. Paradoxe émouvant : c'est au sommet de la technologie, qui restreint de plus en plus notre liberté, que le miracle pourra se réaliser. En arrière-plan, un autre sommet gronde : le volcan Sakurajima.
Le dieu de la légèreté et de la grâce a touché ce film du doigt. Un dieu dansant qui a insufflé une énergie et une volonté indémontables à ces enfants agacés par l'apathie des adultes : la scène où Ryûnosuke fait la leçon à son père, bras et jambes croisées, l'air fier et autoritaire, est à la fois drôle et révélatrice d'un monde où les adultes fuient leurs responsabilités. La lucidité des cruautés de la vie est pourtant contrebalancée par une détermination et une espérance que même les plus âgés respectent et admirent. Quelle fougue, ces gosses ! Voir ces petits débrouillards élaborer minutieusement leur plan est proprement jubilatoire.
La grâce du film c'est aussi cette mélancolie estivale quelque peu caractéristique des productions japonaises : on songe à la famille atypique de The Taste of Tea de Katsuhito Ishii, à la plupart des films de Takeshi Kitano (Sonatine, L'été de Kikujiro, A Scene at the sea), ou, plus traumatisant, aux grillons perpétuels de la série Evangelion. Devant ces films, on expérimente le « bonheur d'être triste » selon la belle définition de Victor Hugo. Le quotidien de Koichi et de Ryûnosuke est ainsi sublimé par la poursuite d'un bonheur idéal, mais une poursuite à l'allure d'une marche joviale.
Le sourire aux oreilles et l’œil humide, le vent chaud et calme de l'été caresse délicatement les tourments et les peines des personnages. Rien d'excessif ni de grandiloquent mais des regards, des gestes, de brefs instants de rire ou de tristesse qui, davantage que la mélancolie, nous procurent ce sublime sentiment qu'est la joie. Koichi exprime ainsi le vœu secret que le monde ne soit pas détruit, qu'il nous survive, qu'on l'aime avec – et non pas malgré – ses pires et ses meilleurs aspects. Nul niaiserie béate et cotonneuse pour autant : le désenchantement fait partie du voyage mais ne donne pas raison aux résignés raisonnables du monde moderne.
I Wish c'est une aventure enfantine qui fait pleurer les grands, hantés par les réminiscences fugaces d'une quête aussi belle que titanesque (l'union dans l'amour), en enserrant leurs cœurs vides de rêves.
Sylvain Métafiot
"I Wish, l'éruption d'un miracle", article publié sur RAGEMAG, 07/08/2013, URL : http://ragemag.fr/cinema-la-selection-dete-de-la-redactio...
19:03 Publié dans Cinéma | Tags : i wish, l'éruption d'un miracle, ragemag, sylvain métafiot, cinéma, japon, merveille, koichi, enfants, kagoshima, shinkansen, sakurajima, ryûnosuke, dieu de la légèreté, fougue, jubilatoire, evangelion, the taste of tea, sonatine, kitano, désenchantement, aventure enfantine, coeurs, rêves, 2011, hirokazu kore-eda | Lien permanent | Commentaires (0)