À l’instar d’Hippocrate de Thomas Lilti et des Combattants de Thomas Cailley, deux films sortis à la même période dans des genres différents, Bande de filles a su trouver un ton juste quant au traitement de son récit. Ces trois films portent en eux une vitalité bouillonnante qui transparaît dans l’énergie que les comédiens insufflent à l’écran.

Hippocrate n’est pas une comédie braillarde à la française, dont le schéma semble se répéter de films en films (Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?,Bon rétablissement !,Barbecue, Sous les jupes des filles…), mais une satire sociale du monde hospitalier du point de vue d’un jeune interne dont la naïveté va voler en morceaux aussi rapidement que la hanche de la vieille du 4^ème.

Les Combattants, de son côté, n’est pas un film de jeunes dans l’air du temps mais la lutte de deux amoureux maladroits contre la terre entière. Ceux qui, malgré les coups, reviennent plus forts, mieux armés, la rage en bandoulière et le sourire aux lèvres.

Dans le même élan, Bande de filles ne cède pas à la facilité du misérabilisme ou de l’enquête sociologique pour lecteurs de Télérama. Marieme mène un combat permanent pour se faire respecter, un combat contre la tyrannie de son frère, un combat pour la reconnaissance de ses pairs, un combat pour sa liberté.

Si son émancipation passe d’abord par la violence, par l’intégration dans la bande, elle se rend vite compte que loin de vivre une aventure nocturne elle s’enferme dans une impasse, tourne en rond et cogne les murs. Cherchant toujours plus à s’affranchir des contraintes de son quartier elle rejoint le camp criminel, celui qui domine et dicte les règles. Mais la volonté d’effacer toute féminité extérieure, tout comme celle de prendre part à l’humiliation de ses « sœurs », n’a qu’un temps : Marieme reste une femme et subit la violence des hommes.

On pourra néanmoins regretter que ces derniers ne soient pas filmés avec autant de nuance que leurs homologues féminins. Comme si pour renverser une « balance inégalitaire » où les hommes dominent les « films de banlieue », ils étaient désormais condamnés au hors-champ narratif.

La réalisatrice Céline Sciamma n'enferme pourtant pas ses personnages dans un réalisme sordide : le film baigne dans un lyrisme urbain peu répandu dans les récits de ce genre. Suivant la chronologie des chapitres figurant les différentes périodes de sa vie, l'on passe ainsi, le temps d'une ellipse, du quartier gris et froid de Marieme à un immeuble chic parisien, le rouge de sa robe épousant le velours des marches de la même couleur. Marieme semble se fondre dans son nouveau milieu mais le présupposé est balayé quelques plans plus tard…

La stylisation de la mise en scène passe également par l'excellente bande originale de Para One qui distille sa mélancolie électro tout au long du parcours émancipateur de Marieme. Ce sont aussi de francs instants de détente aux sons de Rihanna, J Dash ou Light Asylum. Ce qui pourrait passer pour du racolage clipesque de pop-culture relève plutôt d'une échappatoire à l’univers brutal des garçons : une soirée dans une chambre d'hôtel, une balade à Paris, un match entre copines.

Le collectif des filles se solde pourtant par un échec. Seule reste la flamme individuelle. Les larmes ont le goût amer d’un grand gâchis mais Marieme ne se résigne pas : pas le genre à se morfondre de la perte de ses amis et de sa famille en position fœtale, reniflant son désespoir. Elle avance, tête haute, regard fier.

Sylvain Métafiot