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jeudi, 04 décembre 2014
Le Geek, un libertaire révolutionnaire dans une âme d’enfant
Défendre le geek semble une tâche ardue. Il est aujourd’hui épars : du geek branché au nolife de South Park en passant par le collectionneur de figurines de mangas et le lecteur compulsif de comics, les déclinaisons sont nombreuses.Il semble aussi être l’individu issu de la matrice d’un monde dominé culturellement par les Américains et qui produit des êtres se ressemblant dans leurs désirs, leurs rêves, leurs passions…
Pourtant, le geek possède un pouvoir qui lui est particulier. Il se déplace dans l’univers virtuel comme un prédateur alpha dans la nature, seul maître de la toile, des jeux, des forums.
Bien qu’extrêmement formaté à l’origine, le geek, dès qu’il se connecte, hack le système et répand sur la toile un doux esprit d’insurrection, de liberté de pensée, d’anarchie. Le geek ne respecte rien et grâce à cela, il déconstruit tout un système.
Pour essayer de faire vulgairement le tour de la question, abordons le geek sous trois de ses aspects : le geek culturel (gamer/série/BD/comics), le geek scientifique et le geek politique.
Le geek culturel
Ce geek semble le plus difficile à défendre tant il absorbe la production américaine comme un porc mangerait du Nutella. Il n’y réfléchi presque pas et semble adorer tout ce qui montre suffisamment de corps nus, de sang et (un brin) de maladie psychologique. Pourtant le geek culturel, par sa consommation, n’est pas uniquement soumis. En tant que client roi, il soumet. Il a donc un pouvoir très fort d’influence. Car oui, la consommation dans un système réellement libéral est aussi soumis à la demande, n’en déplaise aux journaux qui vivent des subventions de manière tout à fait anti-libéral alors même qu’ils soutiennent cette idéologie. Mais passons.
Qu’aime-t-il ce geek ? Des séries profondément anarchistes, révolutionnaires. Des séries où le pouvoir vacille et retourne vers des unités humaines plus proches de son quotidien. Ainsi, il a une vraie passion pour les films et séries post-apocalyptiques comme Walking Dead. Des séries/films où l’homme se retrouve face à lui-même et à la nature.
Et quand il s’écarte des genres de la science-fiction et du fantastique, que regarde-t-il ? Des séries où un ensemble de bons amis reproduisent une tribu : Friends, How I met you mother, The Big Bang Theory. Grâce à sa consommation, le geek produit un discours en creux, il élabore son désir de société et le diffuse.
Mais le geek culturel montre aussi par sa « purgation des passions » les manques de notre société. Et on découvre ainsi que le geek est carencé en sexe, en violence, en modèle et en intelligence. Oui, en intelligence, car le geek a bon goût.
Le manque de sexe est évident quand plus une seule série ne peut se passer de montrer une paire de sein (même imparfaite, et c’est tant mieux !). Le geek commence à avoir un souci d’authenticité, de réalisme. Bien que piégé dans l’univers virtuel, le geek désir plus de concret.
Le manque de violence traduit une frustration qui montre l’inconscient révolutionnaire étouffé, car le geek ne se veut pas juste violent gratuitement : il veut voir des têtes tombées et voir symbolisé la violence sociale dont il souffre. Car le geek n’est pas obligatoirement un bobo, il n’est pas forcément riche.
Le manque de modèle est aussi très clairement illustré par un individu issu des couches basses de la société, ou un personnage méprisé, mais qui, à la différence du self made man américain, n’a pas pour objectif une réussite personnelle mais entraîne avec lui toute une société. Bref, le geek se cherche une figure de la révolution comme Katnis dans Hunger Games, Daenerys dans Game of Thones, Ragnar dans Vikings, etc. L’exemple ultime reste John Connor dans Terminator, le geek résistant à la machine, au logiciel et enfin de compte à ce système froid, efficace et calculateur qui broie l’humanité.
Côté jeu vidéo, c’est encore plus bluffant. À l’exception des joueurs de FPS qui ne sont pas forcément des geeks pur-sang, les geeks jouent à des jeux proposants des endroits de pure liberté et d’anarchie comme le sont les mondes persistants et les jeux sans buts comme Minecraft. Jouer à être Dieu ? Non pas vraiment. Jouer à être un homme face à son environnement, sans truchement, oui. Les jeux font exploser les civilisations pour les faire renaître.
Mais ce geek culturel est mondialisé, comme on a pu le voir en Thaïlande où le peuple a mené une révolte en reproduisant le signe des rebelles dans Hunger Games (Cf. illustration ci-dessous). La crainte est donc que la culture geek soit un pis-aller du système, un espace de purgation pour le contenir. Pourtant un élément semble déterminant : le geek communique. Nous y reviendrons.
Le geek scientifique
l’origine même du geek : la science, les trucs de nerds que personne ne comprend. Le geek adore ça, il regarde tous les documentaires de vulgarisation et il est souvent spécialiste sur un domaine scientifique ce qui lui permet d’échanger des expertises entre « initiés ». Mais le geek est un fils du web, il y traine en tant que bon fan de sci-fi (et notamment de X-Files/Fringe). Il est donc vite attiré par tout ce qui se rapporte aux fameuses « conspirations ».
C’est un domaine un peu spécial, presque mystique, où le geek se perd entre le fantasme de voir se produire ses scénarios de science-fiction et un sérieux doute par rapport aux versions officielles. Des lanceurs d’alerte comme les Anonymous, Julian Assange ou Edward Snowden sont des figures rebelles auxquelles le geek va forcément s’identifier.
L’intérêt pour des conspirations invérifiables semble faible, tout cela ressemble surtout à une perte de temps devant des vidéos de portable flous et peu convaincantes, des sites plus que douteux, et des heures à essayer de décrypter des théories folles et paranoïaques.
Pourtant, cet attrait pour les conspirations est un signe de bonne santé. Une étude montrerait d’ailleurs que ce genre de geeks est plus sain que les autres. Pourquoi ? Parce que le geek discute, entre experts, et cherche constamment quinze milles solutions pour améliorer le monde de façon simple, économique, écologique et éthique.
Mais, s’il y a tant de solutions, pourquoi ne sont-elles pas choisies ? À cette question le geek ne trouve qu’une réponse : le pouvoir est corrompu. Il cherche alors comment et par qui, quitte à s’emmêler les pinceaux et à finir chez des infréquentables.
Le geek politique
Le geek communique, c’est le premier élément de réussite d’un esprit politique. Pour faire de la politique, il faut discuter, débattre, palabrer, beaucoup, encore et encore. Ça tombe bien, le geek aime ça ! Facebook et Twitter croulent sous des avalanches de lien vers des articles, des pétitions, des groupes de soutien…
Clément Sénéchal dans son livre Médias contre Média montre bien comment l’horizontalité du web permet aux individus de reproduire eux-mêmes du politique et des échanges d’arguments comme anciennement dans l’Agora. En résumé, le geek fait sien le véritable débat démocratique.
Il est néanmoins difficile d’établir un profil politique du geek, car le pouvoir de représentation des partis, des ONG et des associations est encore très fort et parasite autant qu’elle alimente cette dynamique du web. Un profil peut se dessiner : le geek est abstentionniste, écologiste, techniciste, universaliste et anti-mondialiste. Il reste pourtant profondément libéral... Ou plutôt : le geek est libertaire. Il sait très bien que les seuls aspects positifs de cette société sont la liberté de ton, de parole et de comportement. Le geek est un peu un sale gosse pourri gâté mais il n’est pas sans valeur. Il est chevaleresque : seul, libre et indépendant comme ses modèles, les super-héros (y compris les Jedi).
En termes de genre, le geek est également intéressant. Les jeux-vidéos ont participés de l’émancipation de la femme, car la force physique n’ayant pas d’intérêt dans cette pratique (seul compte le skill, l’habilité) la femme a pu montrer son équivalence et le geek masculin l’a finalement très bien accepté.
D’une manière générale, le geek transcende les catégories, les bougent mais ne les nient pas pour autant. Le geek n’est pas nihiliste, il est scientifique donc sceptique. Il aime l’innovation, mais pas l’aveuglement. Il reste hermétique à tout discours vertical venant de la télévision, de l’école ou du gouvernement. Le geek s’informe et se forme lui-même, il est donc une puissante arme politique au sein du peuple pour produire un discours horizontal et rassembler.
Car au fond, le geek a gagné la bataille culturelle. Il y a dix ans, il était méprisé, rejeté, aujourd’hui il est presque la norme. Le vote lui-même, qui est un exercice du pouvoir vertical, l’exècre. Il faut ainsi voir, en partie, la hausse de l’abstentionnisme comme une hausse de la geekerie.
Pour l’instant le geek n’a pas encore trouvé le visage de la révolution qu’il mérite. Sa traduction concrète est donc très difficile, surtout que le geek, dans son universalité, n’a pas envie de s’installer à travers une forme archaïque du pouvoir que représente les nations mais surtout l’État.
« L’universel, c’est le local moins les murs » semble l’expression la plus à même de correspondre au geek politique. Après avoir investi l’esprit du monde par Internet, le geek doit désormais s’attaquer IRL (in real life) au local. Et cela a déjà commencé. Ainsi les sites permettant une solidarité active et parfois locale font floraison pour du covoiturage, du coachsurfing ou du crowdfunding.
En définitive, le geek, individu au premier abord méprisable, immature et formaté, est animé en lame de fond par un esprit profondément en feu, avide de découvrir par lui-même, de redonner un sens à son existence et d’emmener son prochain avec lui.
Finalement, est-ce que ce grand gamin qu’est le geek, ne serait pas l’Enfant dont nous parle Nietzsche : « L’enfant est innocence et oubli, un renouveau et un jeu, une roue qui roule sur elle-même, un premier mouvement, une sainte affirmation. »
Vincent Froget
17:40 Publié dans Actualité, Politique | Tags : geek, libertaire révolutionnaire, vincent froget, âme d’enfant | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
c'est un bon pour des geeks culturel XD
Écrit par : badi21 | lundi, 08 décembre 2014
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