Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« Il est difficile d'être un dieu | Page d'accueil | Dieu cinématique »

jeudi, 05 mars 2015

Kingsman : le beauf s’habille chez Henry Poole

 

Les gentlemen seraient-ils devenus vulgaires ? Telle est la question qui nous titille l’occiput durant le visionnage du dernier film de Matthew Vaughn, réalisateur de l’excellent Kick-Ass (2010) et du très correct X-Men : First Class (2011). Si incongrue que ce soit cette question sa réponse n’en est pas moins malséante : oui, en flattant un public nourrit au relativisme culturel contemporain, l’alliance du beauf et du dandy est réalisée.


Kingsman_Handshake_html.jpeg

 

A priori fidèle au principe premier du dandysme, à savoir le culte de l’apparence, le film se concentre principalement sur son efficacité formelle : mise en scène stylisée, rythme trépidant n’accusant aucun temps mort, déluge d’effets spéciaux amusants, bastons homériques, costumes impécables, etc. Mais il en oublie totalement la noblesse d’âme car si une certaine désinvolture imprègne le flegmatique comportement des agents secrets, on est loin de la légèreté grave, de la hauteur de vue et du bon goût propres au dandy. C’est parfois même l’inverse : le mauvais goût de certaines situations, sous couvert de mélange des genres, est en totale contradiction avec l’élégance revendiquée des espions anglais. Comme si, aujourd’hui, « avoir la classe » consisterait à déguster un Big Mac accompagné d’un whisky Dalmore 1962 / porter une casquette avec un costume sur-mesure de Savile Row.

 

Néanmoins, Colin Firth est bien meilleur que dans le surestimé Discours d’un roi ; l’arme secrète du grand méchant Valentine est écologiquement perverse et délicieusement anti-moderne ; et la violence graphique est plus grand-guignolesque que gore, permettant de savourer un carnage démentiel et parfaitement chorégraphié dans une église de bigots bas du front. Cependant, le second degré permanent devient vite lassant dans sa volonté de prendre du recul sur son propre objet filmique (pour parler comme les cuistres).

 

601px-KingsmanTSS_414.jpg

 

Car l’ironie post-moderne est également présente à travers un métadiscours sur le cinéma qui se résume à citer explicitement quelques films connus (Pretty Woman, My Fair Lady…), à faire deux références à Stanley Kubrick (Shining lors de la folie de la mère ; Docteur Folamour lors du joyeux, et réussi, feux d’artifice encéphalique), et surtout à affirmer, en parlant des vieux films d’agents secrets de type James Bond, qu’ « on n’est pas dans ce genre de films ». Soit une manière de démontrer, en rigolant grassement, que le temps des intrigues tarabiscotées où le gentil s’en sort toujours est révolu.

 

Pourtant, en termes d’incohérences scénaristiques, Kingsman se pose là, pour peu que l’on se demande pourquoi sur les douze Kingsman seuls trois sont actifs, où et quand notre agent en herbe a appris à se battre comme Jet Li, comment un produit commercial peut inonder le monde sans passer par une quelconque agence de contrôle et une simple douane, pourquoi les gardes ont zéro à chaque œil, où est passé l’adorable petit chien (censé ne jamais quitter son maître) dans le dernier tiers du film, etc.

 

Kingsman.jpg

 

D’aucuns pourraient prétendre que la saga Austin Powers jouait sur le même mode satirique vulgaire. Certes. À la différence notable que les films de Mike Myers n’avaient pas la prétention de mettre en scène le summum de la classe à l’anglaise et assumaient leur mauvais goût prononcé et hilarant. Mais « on n’est pas dans ce genre de films », répète le héros après avoir sauvé le monde. James Bond est ringard, Jason Bourne trop sérieux. Kingsman se regarde comme on écoute une blague graveleuse de fin de soirée : légèrement amusé et franchement gêné.

 

Sylvain Métafiot

 

Commentaires

 

Ah mais oui il est où le toutou ? Je croyais qu'il était resté dans l'avion ?

Bon je suis d'accord que ce second, troisième, millième degré peut constituer une échappatoire pour un cinéaste qui aurait trop peur de devoir assumer un divertissement trop plombant.

 

Eh oui, j'étais déçu de ne pas avoir une baston finale avec le fidèle compagnon canin !

Après, pour préciser mon sentiment, je ne suis pas allergique au second degré ni à l'humour potache mais quand on m'annonce un film de super espions gentlemen, cultivant la classe et le bon goût avec autant d’ardeur que le close-combat et le maniant des armes, je ne m'attends pas à recevoir un jet de vomi en plein écran ni à supporter des blagues graveleuses.

Les commentaires sont fermés.