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samedi, 28 mai 2016
Tchaïkovski, la Mère-Russie, l’amour et la musique
Extrait d’une lettre de Piotr Illitch Tchaïkovski à Nadejda von Meck, mécène et bienfaitrice du compositeur auquel elle versait une rente régulière jusqu’en 1890 et ayant entretenu durant de longues années une relation épistolaire très étroite avec lui. Elle ne l’a jamais rencontré.
Florence, jeudi 21 février 1878,
10 heures du soir
Nous sommes arrivés ce soir à Florence. Une ville charmante et sympathique ! J’ai éprouvé une sensation agréable en y entrant, et je me suis souvenu de mon état il y a deux mois dans cette même ville. […]
Quelles lettres merveilleuses vous m’écrivez ! J’ai lu avec un plaisir immense votre missive d’aujourd’hui, si aimable et si riche de contenu. En la lisant, j’ai eu un peu honte que mes lettres soient si courtes et si peu intéressantes comparées aux vôtres ! Il est vrai que j’écris souvent, mais je ne suis en revanche pas capable d’écrire dans une seule lettre autant et aussi bien que vous. Le mérite d’une lettre réside toutefois dans le fait que la personne qui l’a écrite est restée elle-même et ne s’est pas donné un genre, ne s’est pas contrefait. J’appartiens à la catégorie de gens qui aiment terminer tout de suite les choses qu’ils entreprennent. Si j’ai commencé une lettre, je ne suis pas tranquille tant que je ne l’ai pas achevée et aussitôt envoyée.
18:06 Publié dans Musique | Tags : sylvain métafiot, piotr illitch tchaïkovski, nadejda von meck, musique, opéra, amour, russie, modest, lettre, échange épistolaire, florence, 1878 | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 19 mai 2016
Contes de la folie dystopique
Article initialement publié sur Le Comptoir
Après avoir navigué dans les eaux claires et bienveillantes des fictions utopiques, il est temps d’accoster son envers ténébreux, le sinistre continent carcéral des dystopies. Inspirées des satires du XVIIe siècle, les dystopies (ou contre-utopies) naissent à une période critique et anti-totalitaire survenant au lendemain de l’âge d’or du scientisme, du positivisme social et de la croyance dans le progrès élaborés durant le XIXe siècle.
Les progrès de la technique et de la science n’ont pas seulement permis l’industrialisation de l’Occident mais ont profondément transformé les rapports de l’homme à l’univers et à sa propre nature biologique. La Première Guerre mondiale et son cortège d’armes chimiques, l’échec des grandes idéologies, la montée du fascisme en Europe de l’Ouest et l’expérience des camps de la mort durant la Seconde Guerre mondiale sont les principales causes de la dégénérescence de l’utopie. Les nombreuses désillusions qui traversent le XXe siècle vont progressivement pousser les utopistes à changer leur conception de l’avenir de l’humanité. Ils imaginent un monde dans lequel l’homme, constitué entièrement par la science, verrait ses actes et ses pensées déterminés génétiquement. Pourtant, les prémisses de la critique du “totalitarisme utopique” avaient déjà vu le jour trois siècles auparavant.
13:24 Publié dans Littérature | Tags : sylvain métafiot, le comptoir, contes de la folie dystopique, continent carcéral, envers ténébreux, contre-utopie, nous autres, le meilleur des mondes, 1984, gilles lapouge, quand le dormeur s’éveillera, h. g. wells, nicolas berdiaeff, bronislaw backzo, evguéni ivanovitch zamiatine, raymond trousson, frédéric rouvillois, Éric faye, bernard mandeville, jonathan swift, abbé prévost, tiphaigne de la roche, emile souvestre, maurice spronck, comenius, joseph hall, le labyrinthe du monde et le paradis du cœur, mundus alter et idem, xixe siècle | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 11 mai 2016
Staline à l’opéra
En ce début d’année 1936, a lieu la représentation du nouvel opéra de Dimitri Chostakovitch au bolchoï de Moscou : Lady Macbeth. Le 26 janvier, sur un coup de tête, Staline et sa suite débarquent au théâtre, entraînant avec lui l’écrivain Mikhaïl Boulgakov. Ce dernier en a tiré un récit oral que sa femme a retranscrit dans son livre Journal & Souvenirs sur Mikhaïl Boulgakov. Un verbatim aussi stupéfiant que grotesque.
STALINE
… Eh, Mikho, Mikho !... Il est parti, il n’est plus là, mon Mikho [Mikhail Boulgakov] ! Qu’est-ce que je vais faire maintenant, quel ennui, c’est atroce ! Et si j’allais au théâtre ? Il y a Jdanov qui n’arrête pas de brailler : musique soviétique, musique soviétique ! Il faudrait que j’aille à l’opéra.
(Il prend son téléphone et se met à lancer des appels à la ronde.)
Vorochilov, c’est toi ? Qu’est-ce que tu fais ? Tu travailles ? De toute façon, que tu travailles ou pas, ça ne change pas grand-chose. Allons, ne tombe pas dans les pommes ! Prends Boudienny avec toi.
Molotov, viens tout de suite, on va à l’opéra ! Quoi ? Qu’est-ce que tu as à bégayer comme ça, je ne comprends rien ! Viens, je te dis ! Prends avec toi Mikoyan !
Kaganovitch, laisse tomber tes juiveries, viens, on va à l’opéra, à l’opéra !
Ah bien, Yagoda, tu nous as tous écoutés, j’en suis sûr, tu sais qu’on va à l’opéra. Prépare une voiture !
On avance une voiture. Tous y prennent place.
Au dernier moment, Staline se souvient de quelque chose :
Comment a-t-on pu oublier le spécialiste numéro un ? On a oublié Jdanov ! Qu’on le fasse chercher immédiatement à Léningrad avec le plus rapide de nos avions !
Dzzz !... Un avion décolle et revient quelques minutes plus tard. À son bord, Jdanov.
14:47 Publié dans Musique, Politique | Tags : staline à l’opéra, sylvain métafiot, mikhaïl boulgakov, dimitri chostakovitch, bolchoï, lady macbeth, terreur, kaganovitch, yagoda, boudienny, jdanov, melik, samossoud, opéra, musique soviétique | Lien permanent | Commentaires (0)