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samedi, 20 avril 2019
La pureté et la mort
HOEDERER
Pourquoi es-tu venu chez nous ? Si on n'aime pas les hommes, on ne peut pas lutter pour eux.
HUGO
Je suis entré au Parti parce que sa cause est juste et j'en sortirai quand elle cessera de l'être. Quant aux hommes, ce n'est pas ce qu'ils sont qui m'intéresse mais ce qu'ils pourront devenir.
HOEDERER
Et moi je les aime pour ce qu'ils sont. Avec toutes leurs saloperies et tous leurs vices. J'aime leurs voix et leurs mains chaudes qui prennent et leur peau, la plus nue de toute les peaux, et leur regard inquiet et la lutte désespérée qu'ils mènent chacun à son tour contre la mort et contre l'angoisse. Pour moi, ça compte un homme de plus ou de moins dans le monde. C'est précieux. Toi, je te connais bien, mon petit, tu es un destructeur. Les hommes, tu les détestes parce que tu te détestes toi-même ; ta pureté ressemble à la mort et la Révolution dont tu rêves n'est pas la nôtre : tu ne veux pas changer le monde, tu veux le faire sauter.
HUGO, s'est levé
Hoederer !
HOEDERER
Ce n'est pas ta faute : vous êtes tous pareils. Un intellectuel, ça n'est pas un vrai révolutionnaire ; c'est tout juste bon à faire un assassin.
Jean-Paul Sarte, Les mains sales, Folio Gallimard, p. 200
14:44 Publié dans Littérature, Politique | Tags : la pureté et la mort, jean-paul sarte, les mains sales, révolution, assassin, intellectuel | Lien permanent | Commentaires (0)
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