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lundi, 23 novembre 2020
La mystique appelle la mécanique : La petite peur du vingtième siècle d'Emmanuel Mounier
dimanche, 15 novembre 2020
Poète, rêveur et troubadour
« Ce n’était pas un ravissement fugitif, une ivresse éphémère ou l’illusion d’un moment, car de ce jour et jusqu’à sa fin, François resta, au milieu de bien des souffrances et en des temps d’amères et lourdes épreuves, un bienheureux et un élu qui entendait la voix de Dieu résonner en tout brin d’herbe et tout ruisseau et sur lequel la douleur et le péché n’avaient aucun pouvoir. Pour cela justement, au long des siècles, les artistes, des poètes et des sages n’ont cessé de le représenter et de le raconter et de le chanter et de le peindre et de le sculpter comme ne l’ont jamais fait ni les portraits ni les tableaux des hauts faits d’aucun prince ni d’aucun puissant, et son nom ainsi que sa réputation sont parvenus jusqu’à nous comme un chant de vie et une consolation de Dieu, et tout ce qu’il a dit et fait résonne aujourd’hui avec autant de force qu’en son temps, il y a sept cents ans. Il y eut d’autres saints dont l’âme ne fut pas moins pure et noble, et pourtant l’on ne souvient à peine d’eux ; mais lui, il était enfant et poète, un maître enseignant l’amour, un ami humble et le frère de toutes créatures, et si jamais les hommes l’oubliaient, alors les pierres et les sources, les fleurs et les oiseaux devraient parler de lui. Car en poète authentique, il a retiré la malédiction de toutes ces choses, quels que fussent les péchés et la déraison pesant sur elles, et les a renouvelées sous nos yeux dans la pure beauté de leur origine. »
[…]
« Ah, il est tant d’écrivains et de poètes célèbres qui ont composé des œuvres merveilleuses ! Mais il en est peu qui grâce à l’intensité et à la braise qui les animait au plus profond d’eux-mêmes ont jeté, semblables à des messagers et des semeurs célestes, des paroles et des pensées de l’éternité et de l’immémoriale quête humaine au milieu des peuples. Et il en est peu qui sont aimés et admirés pendant des siècles uniquement pour leur vie pure et noble, et non pas uniquement pour leurs paroles et leurs œuvres bien tournées : comme des étoiles bienheureuses, ils se tiennent au-dessus de nous dans les hauteurs éthérées, pilotes et guides en or, le sourire aux lèvres et la bonté offerte, pour les errements des hommes titubant dans les ténèbres. »
[…]
« Dans ce profond sentiment de la nature réside aussi le sortilège mystérieux que François exerce encore aujourd'hui, même sur des indifférents religieux. Le sentiment de joyeuse gratitude rendue à la vie, qui lui fait saluer et aimer toutes les forces et toutes les créatures du monde visible comme des frères et des sœurs et des êtres apparentés, ce sentiment-là n'est lié à aucune symbolique d'Eglise marquée, elle appartient, dans son éternelle humanité et beauté, aux phénomènes les plus remarquables et les plus nobles de tout ce monde du Moyen Âge tardif. »
Hermann Hesse, François d’Assise, Editions Salvator, p. 37, 83 et 100
13:02 Publié dans Littérature | Tags : françois d'assise, hermann hesse, christ, poète, rêveur et troubadour, moyen âge, sylvain métafiot, noble | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 09 novembre 2020
Le progrès incertain : l’idée de révolution selon Kant et Volney
Alors que le XVIIIe siècle finissant est parcouru des soubresauts de la Révolution française, le comte Volney, philosophe, député et orientaliste français, ainsi que le philosophe allemand Emmanuel Kant élaborent des théories sur le caractère nécessaire, mais parfois funeste, des révolutions, à la croisée des passions naturelles, de la morale et du droit rationnel.
Une première caractérisation de la révolution revient à la distinguer de la révolte et de la réforme. Ces trois termes entretiennent un rapport intime avec l’idée de progrès. On propose de se révolter, de réformer ou d’opérer une révolution dès lors que l’on considère l’insuffisance et l’injustice de la situation actuelle, et que l’on juge nécessaire de la modifier. (Ou plutôt ce sont les défauts de la situation actuelle qui déclenchent une envie de révolte, de révolution ou de réforme). Ceci vaut bien sûr dans le domaine politique, mais aussi, dans une certaine mesure, dans le domaine scientifique et même philosophique (certains proposant une réforme de l’entendement, d’autres plutôt une révolution dans la manière de penser).
À première vue, la révolution semble se rapprocher davantage de la réforme par son souci de transformation effective et (donc) collective du monde. La révolte, elle, se caractérise par une indignation morale et individuelle. En un sens, elle est simplement critique et demeure en quête de prolongement dans l’action. Se révolter, ce n’est pas encore agir. Il s’agit plutôt d’un sursaut existentiel circonscrit dans l’intimité de la conscience individuelle. Et lorsque la révolte devient visible, elle se fait insurrection, contestation, protestation, elle prend la forme de l’opposition opiniâtre mais sans déboucher sur une transformation pratique du monde. Elle fait figure d’opposition critique, mais son efficacité politique semble moindre que celle que permet la révolution.
La révolution ainsi semble se situer entre la révolte et la réforme, ou plutôt au-delà de ces deux formes d’action politique, puisqu’elle concilie l’intransigeance de la première et le souci d’efficacité de la seconde, se présentant ainsi comme la voie la plus tentante sur le chemin du progrès.
10:05 Publié dans Politique | Tags : le conflit des facultés, vers la paix perpétuelle, qu’est-ce que les lumières ?, les ruines ou méditation sur les révolutions des empires, le comptoir, sylvain métafiot, le progrès incertain, l’idée de révolution selon kant et volney, révolte, réforme, 1789 | Lien permanent | Commentaires (0)