mercredi, 27 février 2013
Vice des belles âmes
« Sur quelque préférence, une estime se fonde,
Et c’est n’estimer rien, qu’estimer tout le monde. »
Alceste, acte I, scène I
C’est une légèreté grave qui parcourt Alceste à Bicyclette de Philippe Le Guay. Une comédie dramatique qui alterne les émotions comme les deux acteurs alternent les rôles d’Alceste et de Philinte. Une mise en abyme aussi drôle que mélancolique, taillé sur mesure pour un Fabrice Luchini ivre du texte classique, malicieux et d’une profonde tristesse résignée. Ainsi, Gauthier Valence (Lambert Wilson), acteur star d’un téléfilm ringard, se rend à l’île de Ré pour proposer à son vieil ami Serge Tanneur (Luchini), ancienne gloire du cinéma, de monter Le Misanthrope de Molière. Alternant les deux rôles principaux, les deux acteurs répètent pendant une semaine avant que Serge, hésitant, prenne sa décision.
01:30 Publié dans Cinéma | Tags : le misanthrope, molière, fabrice luchini, lambert wilson, alceste, bicyclette, philinte, langue française, beauté, empire du bien, hypocrisie, philippe le guay, île de ré, sylvain métafiot, cinéma, être contradictoires, tristesse, légèreté grave, comédie, dramatique, théâtre, joutes verbales, maya sansa, amour, amitié, egos, moeurs perfidies, paraître existentiel, fausse modestie, digne, plage | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 19 février 2013
Ennui sans fin
Jean Dujardin est en forme ces derniers temps. Après son affligeante émission « comique » sur Canal+ où, avec l'aide de sa bande de potes, il nous a gratifié du pire sketch au monde (« l'ours »), l'acteur JT-able par excellence récidive en jouant un espion russe portant un nom juif traquant une trader américaine à Monaco dans le navet d'Eric Rochant, Möbius. Pour être plus clair, Grégory Lioubov (Dujardin donc), un officier des services secrets russes est envoyé à Monaco afin de surveiller les agissements d'un puissant homme d'affaires, Rotovski (Tim Roth). Dans le cadre de cette mission, son équipe recrute Alice (Cécile de France), une surdouée de la finance. Soupçonnant sa trahison, Grégory va rompre la règle d'or et entrer en contact avec Alice, son agent infiltré. Naît entre eux une passion impossible qui va inexorablement précipiter leur chute.
Disons-le d'entrée de jeu, ce film est nul, plat, laid et prévisible. À l'instar du ruban qui inspire le titre, l'intrigue tourne en rond, se perdant en d'interminables va-et-vient entre des personnages aussi charismatiques que des endives au jambon. Autant Dujardin endosse à merveille le costume de cet espion tellement français qu'est OSS 117, autant les rôles dits « sérieux » où il campe des personnages torturés ne convainc absolument pas. Désolé, mais son rôle de Grégory Liubov, espion beauf tatoué au Club Med, on n'y croit pas une seconde. C'est surfait, surjoué, surinterprété, super chiant ! Lorsque Dujardin, fixe la caméra de son regard triste et anxieux on s'attend à ce qu'il nous sorte une vanne assortie d'une grimace afin de se dépêtrer de cette mare de sérieux dans laquelle il patauge, mais non ! Rien à faire, la mayonnaise ne prend pas. Son personnage est, par ailleurs, encore plus stupide que son équipe de bras cassés qu'il dénigre à tout bout de champ. Chapeau l'artiste !
Et que dire de sa partenaire Cécile de France, aussi mauvaise actrice derrière un ordinateur qu'en amazone sur le corps poilu de Moïse ? Rarement une scène de cul n'aura été si ridicule et si peu excitante. Il paraît qu'à la fin, Alice devient un légume suite à un empoisonnement : elle échappe à la mort mais ses yeux de veau reflètent une absence de conscience manifeste. Je dis « paraît » parce que je n'ai guère vu de différences avec son jeu durant tout le film.
Selon des sources inconnues, Émilie Dequenne jouerait également un rôle dans ce naufrage mais je n'en ai aucun souvenir. Quant à Tim Roth, outre le fait qu'on se demande ce qu'il vient faire là avec son ridicule accent russe, on sent vraiment qu'il s'emmerde à mourir, ne forçant absolument pas son jeu une moindre seconde. Je viens, je joue, je prends mon chèque, je me casse. Attitude la plus lucide à adopter sur ce tournage.
Ce film se prend tellement au sérieux qu'il est plus lourd qu'une bille sur une étoile à neutron. Et nous ne nous attarderons pas sur la référence, bâclée et insistante, à l'actualité politico-économique quant aux malversations des marchés financiers. Le pseudo message d'indigné du dimanche fait clairement déborder la coupe de l'exaspération.
Non vraiment, si vous voulez du bon Moebius, plongez-vous dans les superbes bandes-dessinées de Jean Giraud et rayez ce film de votre mémoire.
Une seule chose m'a mis du baume au cœur lors de cette éprouvante séance : ne pas avoir payé ma place.
Sylvain Métafiot
(cliquez sur l'image pour voir la bande-annonce)
15:25 Publié dans Cinéma | Tags : ennui sans fin, dujardin, nul, naze, sérieux, prétentieux, mobius, tim roth, eric rochant, cécile de france, espions, russie, monaco, lourd, mauvais, jean giraud, oss 117, cia, fsb, sylvain métafiot, cinéma | Lien permanent | Commentaires (5)
mercredi, 06 février 2013
Sans prendre de gants
N’en déplaise au père Spielberg mais son dernier film, Lincoln, sonne creux comme une poupée de porcelaine.
Trop hagiographique, trop lisse, trop désincarné, trop morne, trop long, trop de barbes touffues, trop trop !
Abraham Lincoln est représenté tel un héros sacrificiel se salissant les mains dans la fange et la corruption politicienne pour le bien de tous en faisant voter le XIIIe amendement interdisant l'esclavage. Mais si Daniel Day-Lewis assure une composition sans fard, l’intrigue n’est pourtant guère palpitante et manque singulièrement d’épaisseur politique. Plonger dans les méandres complexes de l’univers législatif américain, avec tout ce que cela comporte de technicité juridique et de stratégie politique, c’est ce qu’à réussit la série The West Wing de manière autrement plus passionnante (même s’il est difficile de comparer les 2h30 du film aux 110h cumulées de la série).
Un (petit) point positif tout de même : Lincoln aura eu au moins le mérite de briser la représentation manichéenne que l’on peut avoir sur le spectre politique aux Etats-Unis en rappelant, pour ceux qui l’ignorait, qu’au XIXème siècle le parti démocrate était esclavagiste. Le même parti qui fera élire Barack Obama deux siècles plus tard… Le film fait néanmoins l'impasse sur l'influence du socialisme utopique envers le seizième Président américain.
L’œuvre se veut donc plus pédagogique que filmique au sens où plutôt que de raconter des personnages, Spielberg donne à voir des symboles fédérateurs. Soit l’Histoire filmée à la manière d’un livre d’école par un élève trop bien appliqué. À l’instar de son héros, Spielberg aurait dû ôter ses gants, prendre plus de risques et moins de précautions.
Une bonne chose pour l’éducation historique. Moins pour le cinéma.
Sylvain Métafiot
(cliquez sur l'image pour visionner la bande-annonce)
01:56 Publié dans Cinéma | Tags : sans prendre de gants, sylvain métafiot, steven spielberg, hagiographique, lisse, froid, précautions, guerre civile, esclavage, noirs, film, cinéma, histoire, parti démocrate, obama, the west wing, daniel day-lewis, 13e amendement, stratégie politique, juridique | Lien permanent | Commentaires (4)
lundi, 04 février 2013
Orwell sur pellicule
Article initialement paru sur RAGEMAG
Œuvre contre-utopique par excellence, 1984 de George Orwell a depuis longtemps connue une prospérité indéniable dans les salles obscures. Pas tant en termes d'adaptation qu'en celui d'influence. D'Alphaville de Jean-Luc Godard à Matrix des frérots Wachowski, en passant par Brazil de Terry Gilliam et Equilibrium de Kurt Wimmer, petite virée dans le cauchemar orwellien sur grand écran. Mais pas que...
15:13 Publié dans Cinéma | Tags : orwell sur pellicule, 1984, aldous huxley, alpha 60, alphaville, bienvenue à gattaca, big brother, brazil, cauchemar, cinema, contre-utopie, dictature, equilibrium, george orwell, jean-luc godard, logique libérale, matrix, novlangue, pellicule, rationalité, science fiction, soleil vert, soma, sylvain métafiot, terry gilliam, thx 1138, totalitarisme, ragemag | Lien permanent | Commentaires (3)
samedi, 26 janvier 2013
En chute libre
« À condition de se poster aux bons endroits, le touriste est plus facile à exterminer que la vipère »
Jonathan Swift
Quel animal plus pernicieux et répugnant que celui de touriste ? Cet être vulgaire et cuistre ayant comme unique but de comparer les merveilles qu’il visite au guide de voyage qu’il trimbale partout, au lieu de les contempler. Ce lourdaud pathétique s’extasiant devant les devantures en toc des magasins censés reproduire la « culture d’origine » du pays qu’il visite. Ce beauf fatiguant, trépignant d’inquiétude s’il ne retrouve pas son McDo et son feuilleton préféré à l’autre bout du monde ; parce que le pauvre bichon est perdu sans les repères qui servent de boussoles à sa vacuité existentielle. Bref, cette part honteuse de l’être humain dont il serait bien prétentieux de s’exclure.
Ben Wheatley semble partager cette opinion puisqu’il nous gratifie, après le terrifiant Kill List, d’une savoureuse comédie, noire comme la gueule d’un mineur d’un film de Ken Loach, drôle comme un sketch de Benny Hill sous acide et méchant comme une rombière un samedi de soldes : le bien nommé Touristes.
14:12 Publié dans Cinéma | Tags : en chute libre, touristes, ben wheatley, kill list, comédie noire, cruelle, gore, violence, médiocrité, god bless america, sylvain métafiot, drame anglais, steve oram, alice lowe, beaufs, mesquins, rouge sang, bêtise ambiante, cinéma, film salvateur, décence ordinaire, orwell, hécatombe, antipathiques, daily mail, ken loach, jonathan swift | Lien permanent | Commentaires (2)
mardi, 15 janvier 2013
Miroir cinématique
Voici ma participation au narcissique questionnaire du miroir de l'excellent cinéphile Ludovic Maubreuil. Un exercice plus difficile qu'il n'y paraît mais ô combien excitant.
1) Avez-vous déjà accroché chez vous une affiche de film ?
Oh que oui ! Et pas qu'un peu. Adolescent, les murs de ma chambre se couvraient du Seigneur des Anneaux, Matrix, Spiderman, La Guerre des mondes, Signes, Minorty report, Charlie et la chocolatrie, Sin City, Alexandre, Les Infiltrés, etc.
Désormais, Le Kid de Chaplin veille dans mon couloir et Harold Lloyd, dans Safety Last, est suspendu dans ma chambre. Mais, la plus belle est celle de La Dolce Vita de Fellini au-dessus de mon lit. Un beau cadeau.
2) Quelle affiche, placardée à l'intérieur d'un film, préférez-vous ?
Je dirais la pochette de disque de 2001, L'Odyssée de l'espace dans Orange Mécanique. Bon, ce n'est pas une affiche mais là, à brûle-pourpoint, je sèche.
00:36 Publié dans Cinéma | Tags : miroir cinématique, ludovic maubreuil, sylvain métafiot, narcissique, questionnaire, affiche de film, seigneur des anneaux, matrix, spiderman, la guerre des mondes, signes, minorty report, charlie et la chocolatrie, sin city, alexandre, les infiltrés, le kid, chaplin, la dolce vita, cinéma, fellini, 2001 l'odyssée de l'espace, orange mécanique, eyes wide shut, stanley kubrick, cyrano de bergerac, holy motors, leos carax, méliès, comoedia, lyon, effroyables jardins, pélussin, claudia cardinale, oslo 31 août, taxi driver, travis bickle, anders, les révoltés du bounty, noodles, robert de niro, sergio leone, il était une fois en amérique, citizen kane, orson welles, david boreanaz, angel, nathan scott, gérard philipe, spiderman sueding | Lien permanent | Commentaires (4)
lundi, 31 décembre 2012
Cimes cinéphiliques 2012
Un classement complètement subjectif, parfaitement arbitraire et, ma foi, sans grande utilité si ce n’est de jeter furtivement un regard en arrière sur cette année riche en œuvres magnifiques… mais aussi en beaux navets bien frais.
Sachant que je n’ai pas encore vu 4h44 d’Abel Ferrara et, qu’à mon humble avis, il s’immiscerait insidieusement dans cette liste.
Les liens renvoient soit à mes propres articles soit à ceux de bien plus estimables camarades de la Toile. (cliquez sur les affiches pour voir les bandes annonces)
Au sommet cette année
1) Take Shelter de Jeff Nichols : apocalypse anxiogiène et salvatrice
2) I wish d’Hirokazu Kore-Eda : mélancolie estivale
3) Oslo, 31 aout de Joachim Trier : limbes désespérées
4) Holy Motors de Leos Carax : libre !
5) Faust d’Alexandre Sokourov : enfer corporel
6) Le Sommeil d’or de Davy Chou : rêves intemporels
7) Les enfants de Belleville d’Asghar Farhadi : singularitées contre société
8) Moonrise Kingdom de Wes Anderson : amour aventureux
9) Une famille respectable de Massoud Bakhshi : chute de l'empire persan
10) Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais : magie !
17:34 Publié dans Cinéma | Tags : cimes cinéphiliques 2012, cinéma, top, flop, déceptions, occasions manquées, merveilles des merveilles, sylvain métafiot, critiques, take shelter, i wish, oslo, 31 aout, holy motors, faust, le sommeil d'or, les enfants de belleville, moonrise kingdom, une famille respectable, vous n'avez encore rien vu, amour, the detachment, prometheus, bellflower, de rouille et d'os, shame, chronicle, sherlock holmes, 2 days in new-york, argo, le carosse d'or, sciuscia, les enfants du paradis, le quai des brumes, les misérables, jack torrance, shinning, kubrick, guilty of romance de sono sion, duch, le maître des forges de l’enfer de rithy panh, tabou de miguel gomez, j. edgar de clint eastwood, augustine de alice winocour, les adieux à la reine de benoît jacquot, kill list de ben weathley, killer joe de william friedkin, la vie sans principe de johnnie to, les hauts de hurlevents de andréa arnold, la part des anges de ken loach | Lien permanent | Commentaires (10)
mardi, 27 novembre 2012
Pourquoi bosser quand on peut aller au ciné ?
« L'homme n'est pas fait pour travailler, la preuve c'est que cela le fatigue »
Voltaire
« Travail », c'est-à-dire, étymologiquement, tripalium : instrument de torture à trois pieux. C'est de cette souffrance fondamentale que traite la grande majorité des films liés à lui. Des Temps modernes de Charlie Chaplin à La question humaine de Nicolas Klotz en passant par The Navigators de Ken Loach et L'Adversaire de Nicole Garcia, tous critiquent, d'une façon ou d'une autre, cette nécessité économique soit-disant incontournable de la vie.
03:38 Publié dans Cinéma | Tags : pourquoi bosser quand on peut aller au ciné ?, tripalium, les temps modernes, charlie chaplin, la question humaine, nicolas klotz, the navigators, it's a free world, ken loach, l'adversaire, nicole garcia, le couperet, costa-gavras, boris vian, déshumanisation, meutre, fascisme, société de consommation, salo ou les 120 journées de sodome, pier paolo pasolini, nazisme, postmoderne, gilles lipovesky, le crépuscule du devoir, ecrits corsaires, gazette, mankpad'ère, voltaire, travail, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (4)
vendredi, 09 novembre 2012
Déambulation diabolique
« Pour lui comme pour Dieu sans doute, rien ne finit ou du moins rien ne se transforme que la matière, et les siècles écoulés se conservent tout entiers à l'état d'intelligences et d'ombres, dans une suite de régions concentriques, étendues à l'entour du monde matériel. Là, ces fantômes accomplissent encore, ou rêvent d'accomplir, les actions qui furent éclairées jadis par le soleil de la vie, et dans lesquelles elles ont prouvé l'individualité de leur âme immortelle. Il est consolant de penser, en effet, que rien ne meurt de ce qui a frappé l'intelligence, et que l'éternité conserve dans son sein une sorte d'histoire universelle, visible par les yeux de l'âme... »
Gérard de Nerval à propos de Goethe, dans son Introduction à l'édition de 1840 de Faust.
Lire les critiques de Christophe Lefevre et de Rémi & Goeffroy.
Sylvain Métafiot
12:43 Publié dans Cinéma | Tags : déambulation diabolique, faust, goethe, gérard de nerval, film, alexander sokourov, pacte avec le diable, un monde en noir et blanc et en couleur, christophe lefevre, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 27 octobre 2012
Epuration festive
« La culture, devenue intégralement marchandise, doit aussi devenir la marchandise vedette de la société spectaculaire. »
Guy Debord, La Société du spectacle
Que celui qui n’a jamais eu envie de prendre un flingue et de shooter dans le tas, à la manière surréaliste, me tire la première balle ! Franchement, qui n’a ressenti le goût du meurtre devant un enfant pourri-gâté, une vieille acariâtre, un adepte du tunning, un porteur du tee-shirt du Che, un intello sectaire, un élève d’école de commerce, un hippie, une racaille, une journaliste de mode, un fanatique religieux, un accro au portable, un supporter, ou Jean-Marc Morandini ? Cette sensation d’être constamment cerné par des cons. Franck, lui, a ressenti cette envie de carnage. Et il a décidé de l’assouvir, jusqu’à satiété. Voici le point de départ de God Bless America de Bobcat Goldthwait.
03:00 Publié dans Cinéma | Tags : epuration festive, god bless america, ak-47, massacre, cons, bobcat goldthwait, joel murray, tara lynne barr, téléréalité, bigots, fachos, impolitesse, incivilité, abrutis, décérébrés, american idol, rebelle-attitude, elephant, catharsis, guy debord, société du spectacle, andré breton, tirer dans le tas, comédie macabre, humour noir, famille sacrée, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (2)