mardi, 12 août 2014
À rebours avec Huysmans
« C'est l'histoire d'un misanthrope qui se coupe du monde pour se nourrir de son propre fonds (l'histoire d'un homme assis, dira-ton, à la manière d'André Gide). C'est aussi l'histoire d'un malade que sa névrose contraint à vivre en vase clos. L'histoire d'un aristocrate en rupture avec ses contemporains qui se consacrent au culte de l'argent. L'histoire d'un esthète qui amasse des valeurs dont il perçoit les dividendes sous les espèce d’œuvres d'art et d'ouvrages littéraires. L'histoire d'un amateur d'autres mondes, qui s'exile derrière le miroir afin de se laisser porter par ses rêveries, ses rêves, ses souvenirs ou ses réflexions. Ou encore celle d'un homme qui, ayant la conviction de vivre une période de « décadence », l'incarne dans son propre corps, dans chacun de ses goûts, chacune de ses activités, transformant une conception de l'Histoire en art de vivre. »
Présentation de Daniel Grojnowski
19:31 Publié dans Littérature | Tags : À rebours, huysmans, sylvain métafiot, xixe siècle, décadent, baudelaire, roman, daniel grojnowski, dandy, schubert, des esseintes, l'antienne de pantin, l'apparition, gustave moreau, dégoût, misanthrope, névrose, art, littérature, aristocrate, esthète | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 18 septembre 2008
Vive les sophistes !
A travers ce titre j’aimerais réhabiliter un courant philosophique antique dénigré par le plus célèbre des philosophes de cette époque, le bien nommé Platon. Etant personnellement matérialiste cela me permet de lancer une pique sur le courant idéaliste (tous les deux au sens philosophique du terme et non au sens vulgaire).
Le nom de sophiste a été de la part de Platon l’objet d’une manipulation qui a particulièrement bien réussi puisqu’elle continue de fonctionner de nos jours. En grec, « sophiste » est un terme qui, dérivé de celui de sage (sophos, le radical qui figure dans philosophos) signifie à peu près la même chose que lui. Un terme valorisant, par conséquent. Aujourd’hui, un sophiste est quelqu’un qui, par ses paroles et ses écrits, cherche à tromper les autres pour obtenir un avantage moral ou matériel. Un sophisme est un paralogisme (un faux raisonnement) volontaire, délibéré, donc conscient (le sophisme est au paralogisme ce que le mensonge est à l’erreur).
Comment est-on passé du sage au tricheur ? La faute en revient à Platon qui poursuivait les sophistes d’une véritable haine. Ces hommes ont été dans l’histoire de l’Antiquité les premiers professeurs d’art oratoire et de philosophie. Certains d’entre eux ont acquis une renommée et une fortune considérables. Aujourd’hui cette place est prise par les chanteurs et les sportifs. On venait de très loin pour suivre les leçons des sophistes.
Platon est un aristocrate qui a une vision inspirée, quasi mystique de la philosophie. Pour lui, faire de la philosophie un objet d’enseignement – payé qui plus est – est un avilissement, un véritable crime contre l’esprit. Le débat, on le sait, est loin d’être clos entre ceux qui font de la philosophie un exercice gratuit de l’esprit et ceux qui y voient un métier. Il y a ceux, par exemple, qui font une conférence sur le bonheur payée 3 000 euros devant 500 personnes et ceux qui font une communication gratuite devant leurs collègues sur l’idéalisme transcendantal. Encore qu’un mélange des deux n’est pas impossible…
Pour les sophistes, la parole et la pensée sont des pratiques qu’une technique appropriée peut entraîner, au sens également sportif du terme. De plus, ces hommes – Protagoras, Gorgias, Hippias, Prodicos – que Platon met en scène dans ses dialogues en prenant soin de forcer le trait jusqu’à la caricature, avaient des prétentions d’habilité et de connaissances exorbitantes. Ainsi, Hippias se vantait-il de pouvoir tout faire et de tout savoir.
Mais Platon avait un autre grief contre les sophistes, et peut-être était-ce le plus important : politiquement, les sophistes appartenaient au camp des démocrates. Ils croyaient sincèrement que n’importe quel citoyen pouvait accéder aux plus hautes charges de la cité comme accéder au savoir le plus noble. Platon avait une conception ultra-élitiste et hiérarchique de la connaissance et du pouvoir (eugéniste également) ; pour lui, un démocrate est forcément un démagogue et seul un philosophe mérité réellement de gouverner la cité (le philosophe-roi).
Enfin, Platon, qui dans ses dialogues fait de Socrate (qui n’a jamais rien écrit) non seulement le personnage central mais son porte-parole, a besoin pour l’économie de sa propre pensée de séparer radicalement son maître Socrate du groupe des sophistes auxquels les contemporains l’assimilaient sans difficulté. Il y a d’ailleurs, plus d’un trait commun entre le Socrate, même idéalisé, que Platon met en scène dans ses dialogues et les sophistes présentés comme des repoussoirs, des modèles d’anti et de non-philosophie.
Des travaux récents ont rendu justice à ces hommes qui, pour les modernes, présentent cette originalité d’avoir été les premiers à considérer la pensée comme un fait de langage et non comme une force métaphysique qu’il s’agirait de capturer dans un moment d’illumination. Le relativisme et le scepticisme des sophistes, que Platon combattait avec la dernière énergie, en font à nos yeux des contemporains.
Deux idées les rendent particulièrement actuels : celle de la séparation de la loi humaine et de la nature et celle du caractère conventionnel de la loi. Y a-t-on suffisamment songé ? Avec les sophistes, les mythes ne servent plus qu’à illustrer les idées, ils ne les disent plus.
Afin de continuez l’aventure de ce courant de pensé je vous proposerais prochainement quelque uns des sophismes les plus connus.
Sylvain Métafiot
18:39 Publié dans Insolite | Tags : sophistes, aristocrate, philosophie, grece, antiquité | Lien permanent | Commentaires (1)