jeudi, 09 janvier 2020
Cimes cinéphiliques 2019
Qui succède aux Garçons sauvages de Bertrand Mandico au titre de meilleur film de l'année ? La réponse dans notre habituel top 10, suivi de son flop 10 tout aussi subjectif.
Au sommet cette année
1) Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino : preuve, une nouvelle fois, que l’art seul peut nous consoler et nous venger du réel.
2) Bacurau de Kleber Mendonça Filho : les furtifs prennent les armes.
3) An Elephant Sitting Still de Hu Bo : dépression en basse altitude dans la Chine moderne.
4) Sunset de László Nemes : la quête de la vérité est un labyrinthe vers la folie.
5) Parasite de Bong Joon Ho : la théorie du ruissellement jusqu’au débordement.
18:09 Publié dans Cinéma | Tags : sylvain métafiot, top 10, flop 10, cimes cinéphiliques 2019, j'ai perdu mon corps, liberté, ne croyez surtout pas que je hurle, une vie cachée, jeanne, traîné sur le bitume, parasite, sunset, an elephant sitting still, bacurau, once upon a time… in hollywood | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 29 décembre 2019
Les Furtifs : Bacurau de Kleber Mendonça Filho
Tout commence dans l’espace. La caméra en orbite autour de la terre se rapproche progressivement du sol, traverse les nuages vers la région du Nordeste du Brésil, suivant enfin la route d’un camion citerne slalomant entre des cercueils éparpillés sur le bitume (signe précurseur que la mort planera tout au long du film, prenant notamment les traits d’un drone aux allures SF des années 50). Perdu dans le Sertaõ, la commune de Bacurau manque d’eau, cette dernière étant retenue par un préfet corrompu et bedonnant qui a engagé des mercenaires américains (menés par le génial Udo Kier) pour soumettre les habitants du village.
D’une grande beauté plastique le troisième film de Kleber Mendonça Filho arrive à mêler génialement les différents genres (post-apocalyptique, chronique sociale, horreur furtive) pour finalement établir une ambiance fiévreuse de western en pleine pampa mélangeant l’archaïque et le futuriste dans une escalade de violence revancharde et implacable. La musique Night qui retentit au mi-temps du film lors d’une scène d’enterrement sous psychotropes ne doit rien au hasard : l’ombre tutélaire de John Carpenter plane sur tout le film (l’école est par ailleurs baptisée « João Carpinteiro »). Menacés de disparition, les habitants du village feront de leur invisibilité une stratégie de défense et de leur propre histoire une faculté d’attaque (le musée faisant office d’armurerie), organisant une fusillade mémorable face à une équipe d’américains puérils et arrogants considérant la guerre comme un jeu. À ce titre, le personnage de Lunga, gangster transgenre et ultraviolent organisant la résistance, fulmine de charisme et aurait mérité davantage de présence à l’écran.
À ce climat poisseux et explosif s’ajoute l’intransigeance du message politique (que l’on devine résonner avec la récente élection du président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro) : face à l’envahissante surveillance technologique et la logique libérale de privatisation de toutes les parcelles de vie sur terre menée par les politicards et les affairistes, Kleber Mendonça Filho montre que la communauté (village, famille, groupe) est une force, qu’elle peut se dissimuler aux yeux des puissants ou bien, si nécessaire, résister avec violence pour préserver ses traditions, sa culture et ses biens communs.
Sylvain Métafiot
Article initialement publié sur Le Comptoir
14:59 Publié dans Cinéma | Tags : le comptoir, sf, john carpenter, sylvain métafiot, les furtifs, bacurau, kleber mendonça filho | Lien permanent | Commentaires (0)