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lundi, 16 mars 2020

Labyrinthe mental : Dédales de Charles Burns

Labyrinthe mental,Dédales, Charles Burns, Sylvain Métafiot, Le Comptoir, BD,

 

Attablé dans une cuisine, à l’écart de la fête battant son plein, Brian, un jeune homme dessine une étrange créature (« alien compressé« , poulpe astral) sur un carnet en observant, hébété, son reflet déformé dans le grille-pain posé devant lui. « Ça m’a pris du temps avant de me rendre compte que j’étais en train de dessiner un autoportrait« , comprend-t-il après un temps de latence hypnotique avant que Laurie vienne le rejoindre et trouble son univers psychique.

 

Dédales est sans conteste l’œuvre la plus autobiographique de Charles Burns. L’histoire d’un jeune homme enfermé en lui-même, déphasé, ayant du mal à communiquer avec les autres et n’ayant que le désir d’être compris à travers ses dessins ou les images de films fantastiques. Brian crée ainsi des petits court-métrages d’horreur en Super 8 avec son ami Jimmy (« le film parle de tous les trucs tordus qui se passent dans ma tête« ). Dans son enfance, Burns n’était pas indifférent à ce genre de production vidéos mises en avant dans Monster Magazine. Ce n’est donc pas un hasard si Brian emmène Laurie voir L’Invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel au cinéma et si, profondément ému, il verse des larmes durant la projection. Car comment être normal dans une société dépourvue de sens ? Ne sommes-nous pas comme les extraterrestres du film, possédant une forme humaine mais « privés de sentiments et d’espoir » ?

 

Charles Burns est coutumier du fait de nous entraîner dans de sombres terriers débouchant sur des univers cauchemardesques mettant à nu le caractère faussement familier de l’Amérique des années 50 / 60. Que l’on songe à la trilogie Toxic (mélange improbable entre Tintin et David Lynch) où entraîné – par un chat noir faisant office de lapin blanc – derrière la cloison d’une chambre se trouve un monde abject et fantastique reflétant les tourments psychologiques de son héros. Ou Black Hole dans lequel une sorte de malédiction mi-biologique mi-surnaturelle infecte monstrueusement les adolescents après chaque rapport sexuel (un thème qui sera repris dans le terrifiant film It Follows de David Robert Mitchell). Poursuivant ainsi son exploration du mal-être adolescent et du sentiment de perte (des personnes que l’on aime, des objets d’enfance, des lieux et leur histoire) nul doute que la suite de Dédales nous emmènera encore plus loin dans les recoins ténébreux de la quête d’identité.

 

Sylvain Métafiot

 

Article initialement publié sur Le Comptoir