Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 12 décembre 2013

Gravity : la grâce de l'apesanteur

 

Article initialement paru sur RAGEMAG

 

L’angoisse du vide a happé nombre de spectateurs déplorant avec rage que Gravity, le dernier film d’Alfonso Cuaron, ne sorte pas en IMAX à cause d’une embrouille avec Jean-Pierre Jeunet. Priver un tel spectacle des meilleures conditions de visionnage semble être un affront à l’impressionnant déluge visuel du film… Laissons donc à d’autres le soin de clore le débat et intéressons-nous plutôt à l’union intersidérale de la science-fiction et de la métaphysique au cinéma.

 

2001,alfonso cuaron,armageddon,blade runner,cinema,crash,david cronenberg,deshumanisation,espace,georges méliès,gravity,hal,kant,la mouche,le voyage dans la lune,locke,métaphysique,moon,nietzsche,paradoxes temporels,pascal,roy batty,science fiction,sf,solaris,stanley kubrick,star trek,star wars,ragemag,techniqueÀ défaut d’enfoncer une nouvelle fois la même porte ouverte, rappelons que l’IMAX ne remplace pas un scénario. D’autant plus quand celui-ci n’accorde aucune place réflexive à la technique alors que le réalisateur se gargarise de sa prodigieuse utilisation dans la création de son œuvre. Drôle de paradoxe où la densité technique de production éclipse toute analyse intrinsèque de cette même technique au sein du film.

 

Pour accéder à cette dimension spéculative, il convient de basculer dans le genre de la science-fiction, ce jeu d’extrapolation qui, selon l’écrivain Gérard Klein : « décrit de manière réaliste ce qui n’existe pas. » Il convient néanmoins de distinguer deux grandes orientations : celle de la SF classique techno-scientifique, à travers les thèmes des voyages dans le temps et dans l’espace, ayant un rapport idéaliste et métaphysique à la philosophie, et interrogeant le devenir de l’humanité (destruction totale ou accession à la divinité) ; et celle de la SF dite d’anticipation, émergeant dans les années 1960, projetant la société dans des futurs souvent cauchemardesques, étant en cela proche des utopies et des contre-utopies techno-scientifiques.

 

Vers le cosmos et retour

 

Les films de science-fiction sont des explorateurs spéculatifs de l’innovation mettant en scène des nouveautés techniques (téléportation, cryogénisation, trous de ver intergalactiques, voitures volantes, etc.) et les façons dont ces nouveautés vont transformer la façon de vivre, de percevoir. Ils ont aussi le mérite, contrairement aux sciences, d’exposer les problèmes, les risques et les possibilités d’imaginer au plus grand nombre.

 

2001,alfonso cuaron,armageddon,blade runner,cinema,crash,david cronenberg,deshumanisation,espace,georges méliès,gravity,hal,kant,la mouche,le voyage dans la lune,locke,métaphysique,moon,nietzsche,paradoxes temporels,pascal,roy batty,science fiction,sf,solaris,stanley kubrick,star trek,star wars,ragemag,techniqueLe Voyage dans la lune, de Georges Méliès (1902), s’il fut l’un premiers films de science-fiction synthétisant avec brio les meilleures techniques de production de l’époque (substitution par arrêt de prise de vues, surimpression, effets pyrotechniques, personnages maquillés, prise de vues subjectives) ne parvint cependant pas à développer une idée nouvelle, ce qu’Elie During nomme des conjonctures, dont l’effet propre est de « remettre en jeu des visions du monde, en testant la consistance des univers qu’elles produisent : non pas simplement des constructions « imaginaires », aussi profondes soient-elles, mais des procédures de variation destinées à révéler les présupposés latents de nos propres schémas de pensée, à mettre à l’épreuve la fermeté ou la cohérence de certaines doctrines, la nécessité ou la contingence de leurs catégories ou de leurs principes, pour autant qu’ils prétendent configurer un monde en général » (Matrix, machine philosophique, 2003).

 

En effet, à défaut de produire systématiquement un discours scientifique ou pseudo-scientifique, la science-fiction, genre très prisé sur nos terres occidentales, en reproduit la philosophie dominante, fondée sur une approche matérialiste et rationnelle du réel. Méliès insère des éléments fantastiques dans son film, lui conférant ainsi une dimension onirique rafraîchissante. Depuis, les voyages dans l’espace ont bien évolué.

Lire la suite

mardi, 27 novembre 2012

Pourquoi bosser quand on peut aller au ciné ?

les-temps-moderne.jpg


« L'homme n'est pas fait pour travailler, la preuve c'est que cela le fatigue »

Voltaire

 

« Travail », c'est-à-dire, étymologiquement, tripalium : instrument de torture à trois pieux. C'est de cette souffrance fondamentale que traite la grande majorité des films liés à lui. Des Temps modernes de Charlie Chaplin à La question humaine de Nicolas Klotz en passant par The Navigators de Ken Loach et L'Adversaire de Nicole Garcia, tous critiquent, d'une façon ou d'une autre, cette nécessité économique soit-disant incontournable de la vie.

Lire la suite

samedi, 29 novembre 2008

Surfer avec les cons

L’article sur la notation (le système digg-like) de Google m’a rappelé l’expérience de Patrick Pelloux, le médecin urgentiste ayant tirer la sonnette d’alarme lors de la grande canicule de l’été 2003  :

« J’ai refusé d’appeler une ambulance pour un titulaire de la CMU qui peut marcher sans problème mais qui a découvert que tous ses déplacements pouvaient se faire gratuitement. Zéro ? Avec un psychiatre, nous avons tenté d’empêcher une femme de vingt ans de se suicider mais sa famille nous a engueulés et a refusé son hospitalisation alors qu’elle se noyait dans une dépression majeure. Zéro ou vingt sur vingt ? Un généraliste qui ne sera pas complaisant, zéro ? Un chirurgien qui refusera de refaire les seins d’une ado frustrée, zéro ? Mais ceux qui diront oui à tout ce que demandent les malades, vingt sur vingt !

Un site de notation des médecins va être mis en pla ce sur le Net, sur le modèle de celui qui a été fait contre les enseignants. Comme si la vie, l’éducation, les avancées de notre civilisation, les relations avec les professionnels ne devaient être considérées que du point de vue de la concurrence.


Et le singe découvrit Myspace



A travers ces jugements d’internautes anonymes, c’est l’humiliation des personnes qui est recherchée. Souvenez-vous de Laure Manaudou, ou même de Carla Bruni, ou encore de simples anonymes que la mode du happy slapping a jetés en pâture aux surfeurs du Web. Nous avons des technologies ultramodernes, mais des mentalités de néandertaliens.

La notation sur le Net, c’est la vindicte du minable érigée en principe. Noter nominativement les toubibs, ce n’est rien d’autre que de s’attaque au savoir, et à la relation intime entre le médecin et son malade. Même si elle est conflictuelle, elle est intouchable.

Désormais, plus besoin de lire la presse, d’écouter la radio, Google vous informe, sous licence américaine. Peu importe que l’info soit vraie ou complètement bidonnée. Plus besoin de séduire, puisque le romantisme est remplacé par Meetic. Quand aux dictionnaires, aux travaux universitaires, pffff…. Wikipédia est là, avec des pages entières d’informations souvent fausses. Mais, encore une fois, qu’importe. Ce qui compte, c’est le fantasme qui veut que la vraie vie, les vrais rapports sociaux, la vraie vérité – pas celle de ceux-qui-nous-cachent-tout -, c’est sur la Toile qu’on les trouve.

Le dossier médical ? Depuis presque cinq ans, l’Etat entretient une commission qui planche sur le « dossier médical partagé », mais Google et Myspace vont le mettre en ligne dans les mois qui viennent. La France invente la trottinette pendant que les autres en sont déjà à la navette spatiale. Navette qui conduit directement à la planète paranoïa. Car la notation de tout et de tous sur la Net, ce n’est pas autre chose.

La technologie et la communication doivent concourir au progrès de l’humanité, dans le respect des lois. C’est sans doute ce qu’a voulu rappeler le justice en condamnant les auteurs du site de notation des enseignants. Et c’est heureux qu’elle l’ait fait, car un jour ce sera toute notre existence qui sera évaluée : « M. Machin est mort, et ce n’est pas une grosse perte, car sa vie valait 3/20… » Alors, les ex-singes que nous sommes n’auront plus qu’à remonter dans leur arbre, voir si les bananes sont meilleurs sur Internet."

Sylvain Métafiot