lundi, 18 janvier 2016
Les esclaves de l’électronique
Article initialement publié dans Le Comptoir
« Croissance, ton nom est souffrance », la maxime du PDG de Foxconn, Terry Gou, pourrait à elle seule résumer cet ouvrage. Bienvenue dans l’antre de la superpuissance industrielle qui broie ses salariés pour satisfaire la jouissance technologique des Occidentaux en fournissant iPhone, Kindle, Playstation pour Apple, Amazon, Sony, Nokia, Microsoft, etc. Bienvenue au pays des iSlaves, ces travailleurs migrants sans avenir ni espoir qui triment soixante heures par semaine sur des chaînes de production, alternant les horaires de nuit et de jour, gagnant à peine 500 euros par mois, constamment surveillés et humiliés, et logeant dans des dortoirs sans intimité souvent insalubres et grillagés. Des travailleurs/esclaves qui n’ont parfois que le suicide pour échapper à la vie misérable qu’on leur propose. La vague de suicides ayant eu lieu en 2010 a ainsi permis une plus grande médiatisation des conditions de travail désastreuses au sein de cette ville-usine qui emploie 1,4 million de travailleurs déracinés. Et c’est grâce au travail de traduction de Célia Izoard, au sein de la collection Cent mille signes des éditions Agone, que ce document a pu franchir les frontières.
Le livre s’articule autour des témoignages de trois ouvriers de Foxconn ayant fait les frais de sa politique managériale rationalisée à l’extrême et proprement inhumaine :
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Yang, étudiant et ouvrier de fabrication : « Les machines dépossèdent les ouvriers de leur sentiment que la vie a une signification et une valeur. Le travail n’exige aucune capacité de réflexion par soi-même. Les mêmes gestes simples sont répétés chaque jour, de sorte que les ouvriers perdent peu à peu leur sensibilité et deviennent apathiques. […] Nous avons perdu la valeur que nous devrions avoir en tant qu’être humains, et nous sommes devenus une prolongation des machines, leur appendice, oui, leur domestique. »
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Tian Yu, ouvrière migrante ayant survécu à une tentative de suicide mais qui demeure paralysée à cause de multiples fractures : « En mars, j’ai été affectée à un poste de nuit. Vérifier les écrans des produits me faisait très mal aux yeux. Quand on travaille douze heures par jour avec un seul jour de congé toutes les deux semaines, on n’a pas de temps libre pour utiliser les piscines, ou pour faire du lèche-vitrine dans les boutiques de smartphones qu’on voit dans les centres commerciaux de l’immense complexe. […] J’avais l’impression d’être condamnée à vérifier des écrans pour toujours. »
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Xu Lizhi, travailleur migrant et poète, s’étant donné la mort en octobre 2014 et dont voici un des derniers poèmes : « J’ai avalé une lune de fer / Qu’ils appellent une vis / J’ai avalé ces rejets industriels, ces papiers à / remplir pour le chômage / Les jeunes courbés sur les machines meurent / prématurément / J’ai avalé la précipitation et la dèche / Avalé les passages piétons aériens / Avalé la vie couverte de route / Je ne peux plus avaler / Tout ce que j’ai avalé s’est mis à jaillir de ma / gorge comme un torrent / Et déferle sur la terre de mes ancêtres / En un poème infâme. »
Foxconn reflète, en somme, le contre-champ cauchemardesque et honteux des doucereuses industries de conception de la Silicon Valley qui, à l’instar de Google, Facebook ou Apple, bichonnent leurs salariés au maximum (salaire médian de 100 000 euros par an, salles de gym et restaurants gratuits…). Dans ces environnements ultra privilégiés, les ingénieurs ont la conviction de « fabriquer un monde meilleur par la technologie » sans comprendre, ou en l’oblitérant consciemment, que la fabrication de leurs instruments technologiques produit non pas Le Meilleur des mondes, mais 1984 : « Un dirigeant doit avoir le courage d’être un dictateur pour le bien commun », philosophe l’inénarrable Terry Gou. En substance, des millions d’individus vivent un véritable cauchemar pour concrétiser notre rêve délirant, issu de la révolution informatique, que la technologie sauvera le monde. Mais simuler un sabre laser sur son iPhone, ça n’a pas de prix.
Sylvain Métafiot
19:00 Publié dans Actualité, Economie, Politique | Tags : sylvain métafiot, le comptoir, facebook, google, apple, sony, foxconn, terry gou, iphone, 1984, silicon valley, les esclaves de l’électronique, xu lizhi, tian yu, yang, célia izoard, éditions agone, collection cent mille signes, la machine est ton seigneur et ton maître, islaves, kindle | Lien permanent | Commentaires (1)
mardi, 20 mai 2014
Bernanos et l’illusion de la liberté
« La Machinerie est-elle une étape ou le symptôme d'une crise, d'une rupture d'équilibre, d'une défaillance des hautes facultés désintéressées de l'homme, au bénéfice de ses appétits ? Voilà une question que personne n'aime encore à se poser. »
Georges Bernanos aimait le peuple. Cet amour transpire dans ses romans. Et c’est à la faveur des humbles contre les puissants que sa férocité pris corps. C’est pour défendre ce peuple modeste contre la barbarie de la technique, de l’argent et de la production illimitée que ses pamphlets virent le jour.
Si trois de ses œuvres romanesques furent adaptées au cinéma (Journal d’un curé de campagne de Robert Bresson en 1951, Mouchette du même Bresson en 1967, et le scandaleux Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat en 1987), la déclinaison théâtrale fut plus rare.
Grâce soit donc rendue à Jacques Allaire pour l’audace de mettre en scène, au théâtre de la Croix-Rousse, deux essais trop méconnus de l’écrivain afin de « réveiller l’inquiétude » de nos contemporains : La liberté, pour quoi faire ? et La France contre les robots. Des textes politiques qui frappent à la gorge par leurs interrogations perçantes sur la société moderne. Bernanos nous heurte par ses remises en questions sur notre mode de vie effréné qui a détruit toute vie intérieure donc toute liberté. Son style flamboyant ne pouvait être déclamé que lors du bien nommé festival Les Grandes Gueules.
08:07 Publié dans Actualité | Tags : le comptoir, 1789, apple, avenir, chant, civilisation, courage, croix-rousse, démocratie, encyclopédie des nuisances, facebook, foi, gazettarium, georges bernanos, google, grandes gueules, guerre, homme libre, illusions, imbéciles, jacques allaire, jean-pierre baro, la france contre les robots, la liberté pour quoi faire, le mal, machine, modestes, passé, peuple, poésie, progrès, puissants, révolution, rêve, rimbaud, servitude, smartphones, société industrielle, sylvain métafiot, technique, technologie, théâtre, theodore kaczynski, vitesse | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 09 mai 2014
Gharraa Mehanna : « La révolution égyptienne a été annoncée par les écrivains »
Ancienne étudiante de Lyon 2, Gharraa Mehanna est professeur émérite à l’université du Caire au département de français de la faculté des lettres, spécialiste de littérature maghrébine d’expression française et de jeunesse. Elle est actuellement conseillère du ministre pour l’UFE (Université française d’Égypte). À côté de son travail académique, elle écrit des contes pour enfants. Elle a notamment publié cinq recueils en arabe classique et plus d’une soixantaine d’articles ayant trait à la littérature arabe en Thaïlande, aux États-Unis, en Belgique, en France, au Maroc, en Égypte et au Liban.
Entretien sur le témoignage romanesque de la révolution égyptienne.
13:15 Publié dans Actualité | Tags : ezzedine choukri fishere, abou el kacem chebbi, araba, écrivains, egypte, facebook, gharraa mehanna, interview, la porte de sortie, langage, les ailes du papillon, littérature, lyon 2, mohamed salmawy, morsi, place tahrir, plus lourde que radwa, poèmes, radwa achour, révolution, romans, sylvain métafiot, témoignage, tunisien, twitter. | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 18 août 2013
Solange Bied-Charreton : « L'individu contemporain est un enfant gâté insupportable. »
Article initialement paru sur RAGEMAG
Dans son premier roman, Solange Bied-Charreton fait un compte-rendu acide de l’inconsistance d’une génération post-moderne qu’elle juge composée d’individus gâtés, égocentriques et insupportables, éblouissant d’une lumière noire les illusions de cette société désœuvrée et narcissique. Une auteur qui semble faire sienne l'exigence nietzschéenne de « Vaincre son temps et donc de soutenir le plus rude combat avec ce par quoi [elle] est l'enfant de son temps ».
Enjoy brosse le portrait de Charles, jeune bourgeois calquant son existence par rapport au réseau social ShowYou, un mélange entre Facebook et YouTube. Pour vous, exister socialement, est-ce désormais exister sur Internet ?
Non, je ne pense pas. Mais je possède et maintiens mes comptes Facebook et Twitter pour des questions professionnelles. Je fais de ces réseaux sociaux un usage de promotion, de manière complètement cynique. J’ai parfois la tentation de supprimer mon compte Facebook mais quand je vois ma liste d’amis, je fais marche arrière en me disant que c’est tout de même utile pour diffuser des liens. Cela dit, il y a très peu de données sur ma vie privée. J’ai écrit Enjoy parce que j’ai commencé à avoir cette envie de faire disparaître ma vie intime sur Internet. J’étais effarée de voir les autres étaler leurs photos de vacances, leur vie de famille, leur vie amicale, etc. et j’y ai puisé une source romanesque incroyable. Il fallait que j’écrive là-dessus. Le roman doit rendre compte de la réalité, c’est un compte-rendu sociologique. Il se doit de soulever le problème de la modernité. Il faut écrire dessus. Il faut dire le rien, dire qu’il ne se passe rien.
Une tâche ô combien difficile, d’écrire sur le rien.
Il faut procéder par élimination, se poser la question mallarméenne de la poésie de l’objet. Étudier ce que l’objet veut dire : telle fille est rentrée chez elle, a allumé son ordinateur, a regardé une photo de ceci ou une vidéo de cela, voilà ce qui sert de matériau à la construction de mon roman. C’est une histoire qui est basée sur l’observation de l’inconsistance. Cela me fait d’ailleurs plaisir d’en parler très librement parce qu’une des raisons pour lesquelles ce livre s’est vendu est que les gens ont cru que c’était un roman branché, notamment à cause de certains mots-clés associés : génération Y, réseau social, etc. Ces deux mots-clés ont fait en sorte qu’une certaine partie de la population s’est totalement détournée de ce livre, croyant que je faisais l’apologie de cette génération branchée.
Votre roman fut mal compris avant même d’être lu ?
Oui, mais j’ai beaucoup joué sur l’argumentaire de promotion. Je me souviens d’un reportage sur France 3 sur la génération Y où le présentateur n’avait, bien évidemment, pas lu l’ouvrage, ce qui explique la méprise médiatique suscitée à sa sortie. À la limite on s’en fout… Non seulement les journalistes télé ne lisent pas les livres, mais ils ne lisent même pas les résumés que les éditeurs leur envoient. Ils s’en foutent royalement.
On songe à Olivier Pourriol, ex-chroniqueur littéraire du Grand Journal de Canal+, à qui l’on conseillait de lire la première, la 100e et la dernière page d’un livre pour en parler et qui avait l’interdiction de citer des auteurs morts.
Autant avant je me méfiais des gens qui ne lisaient que des auteurs morts, autant aujourd’hui je lis très peu de littérature contemporaine. Les auteurs actuels ne me semblent pas vivants. Ce qui m’inspire c’est le réel. Et mes références sont Gustave Flaubert et Georges Perec. Les deux premiers livres de Perec surtout, l’Oulipo beaucoup moins, ce jeu sur la langue m’emmerde. Très peu d’écrivains contemporains comptent pour moi parce qu’il y en a trop. J’attends qu’ils meurent pour les lire.
Lesquels voudriez-vous voir mourir pour pouvoir enfin les lire ?
Comme je vous l’ai dit, je lis des auteurs morts, et pour certains autres de ma connaissance j’adorerais qu’ils soient morts et ne les avoir jamais lus. À part peut-être Michel Houellebecq, mais c’est une découverte assez récente. En réalité je n’aime pas les vivants.
Un des personnages de votre roman, Anne-Laure, affirme d’ailleurs qu’« être mort [est] un gage de qualité. »
Oui, elle ressemble à ce que j’étais quand j’avais vingt ans, en forçant certains traits. Elle est un peu paumée et caricaturale. Je voulais raconter le vide mais j’ai de la tendresse pour certains de mes personnages. Ce qui n’est pas le cas de mon prochain roman…
18:33 Publié dans Actualité | Tags : solange bied-charreton, l'individu contemporain, enfant gâté, insupportable, entretien, ragemag, littérature, enjoy, poésie, sylvain métafiot, art contemporain, autofiction, bonbon, critique, encyclopédie des nuisances, ennui, époque, facebook, fluo, génération y, georges orwell, georges perec, gustave flaubert, homo festivus, interview, jaime semprun, michel houellebecq, nouveau roman, philippe muray, rien, rose, showyou, société, spectacle, spectatrice, vide, morgan sportès, stéphanie says, velvet underground, causeur, narcisse | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 05 décembre 2011
L'identité ou l'altérité comme frontière intérieure
Si certaines conférences (car peu étaient de vrais débats) furent quelque peu soporifiques durant le forum Libération, tel ne fut pas le cas de celle intitulée « Peut-on se construire sans frontières ? » réunissant la musicienne Keren Ann et le philosophe Raphaël Enthoven.
Force fut de constater que face à Raphaël Enthoven, la pensée autobiographique de Keren Ann fit un peu pâle figure (pour ceux qui ne la connaitraient pas, c'est une sorte de Carla Bruni avec un cerveau, du talent et une très belle voix, bref le contraire d'« une pute à frange au bras d'un beauf à gourmette » comme dirait Gaspard Proust) tant le déroulement de la pensée de l'ancien présentateur de France Culture était fluide, accessible et bien construit.
17:58 Publié dans Actualité | Tags : l'identité ou l'altérité comme frontière intérieure, raphaël enthoven, keren ann, forum libération, little brother, bardamu, démondialisation, facebook, langue, cosmopolite, proust, zola, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (3)
samedi, 23 octobre 2010
Oh oui, Facebook-moi !
Un film sur Facebook donc. LE film sur Facebook dont on parle tant. Heureusement, non, mais nonusverrons cela plus bas, en détails. Quoi qu’il en soit, l’évènement était d’autant plus attendu qu’on retrouve le doué David Fincher aux manettes et Aaron Sorkin (créateur de la série The West Wing) au scénario. Après un décevant Benjamin Button, allions-nous retrouver l’excellence d’un Zodiac ? Pas si sûr…
09:57 Publié dans Cinéma | Tags : the social network, facebook, mark zuckerberg, oh oui facebook-moi, film, amis, trahisons, david fincher, aaron sorkin, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (20)
jeudi, 30 septembre 2010
Vu sur les réseaux sociaux ! "Pourquoi j'irai manifester !"
J'irai manifester...
" A deux jours du rassemblement contre les réformes, un article paru sur un réseau social m'a paru très intéressant, le voici pour vous !"
Et qu'est ce qu'on fait hein ? qu'est-ce qu'il se passe ? On "share" des liens, on "like" des infos...
On masturbe notre cérébral via le flux d'une info répugnante, qui en fait sourire plus d'un...
Notre république bafoue un peu plus chaque jour les droits de l'Homme, droit du travail, droit au logement, droit à la santé, droit à l’éducation, droit à la dignité… et nous... On débat, on critique, on regarde, on crie parfois, on se dégoute d'autres fois... et après, il se passe quoi ? Nous, devant nos écrans, à participer finalement indirectement...puisqu'on ne manifeste pas notre désaccord, alors on participe d'une certaine manière à ce déluge qui fait de notre hexagone un exemple de régression démocratique.
11:41 Publié dans Actualité | Tags : manifestation, réseaux sociaux, facebook, retraite, précarité, lutte, peuple, démocratie, réforme de la retraite, paris | Lien permanent | Commentaires (3)
samedi, 29 novembre 2008
Surfer avec les cons
L’article sur la notation (le système digg-like) de Google m’a rappelé l’expérience de Patrick Pelloux, le médecin urgentiste ayant tirer la sonnette d’alarme lors de la grande canicule de l’été 2003 :
« J’ai refusé d’appeler une ambulance pour un titulaire de la CMU qui peut marcher sans problème mais qui a découvert que tous ses déplacements pouvaient se faire gratuitement. Zéro ? Avec un psychiatre, nous avons tenté d’empêcher une femme de vingt ans de se suicider mais sa famille nous a engueulés et a refusé son hospitalisation alors qu’elle se noyait dans une dépression majeure. Zéro ou vingt sur vingt ? Un généraliste qui ne sera pas complaisant, zéro ? Un chirurgien qui refusera de refaire les seins d’une ado frustrée, zéro ? Mais ceux qui diront oui à tout ce que demandent les malades, vingt sur vingt !
Un site de notation des médecins va être mis en pla ce sur le Net, sur le modèle de celui qui a été fait contre les enseignants. Comme si la vie, l’éducation, les avancées de notre civilisation, les relations avec les professionnels ne devaient être considérées que du point de vue de la concurrence.
Et le singe découvrit Myspace
A travers ces jugements d’internautes anonymes, c’est l’humiliation des personnes qui est recherchée. Souvenez-vous de Laure Manaudou, ou même de Carla Bruni, ou encore de simples anonymes que la mode du happy slapping a jetés en pâture aux surfeurs du Web. Nous avons des technologies ultramodernes, mais des mentalités de néandertaliens.
La notation sur le Net, c’est la vindicte du minable érigée en principe. Noter nominativement les toubibs, ce n’est rien d’autre que de s’attaque au savoir, et à la relation intime entre le médecin et son malade. Même si elle est conflictuelle, elle est intouchable.
Désormais, plus besoin de lire la presse, d’écouter la radio, Google vous informe, sous licence américaine. Peu importe que l’info soit vraie ou complètement bidonnée. Plus besoin de séduire, puisque le romantisme est remplacé par Meetic. Quand aux dictionnaires, aux travaux universitaires, pffff…. Wikipédia est là, avec des pages entières d’informations souvent fausses. Mais, encore une fois, qu’importe. Ce qui compte, c’est le fantasme qui veut que la vraie vie, les vrais rapports sociaux, la vraie vérité – pas celle de ceux-qui-nous-cachent-tout -, c’est sur la Toile qu’on les trouve.
Le dossier médical ? Depuis presque cinq ans, l’Etat entretient une commission qui planche sur le « dossier médical partagé », mais Google et Myspace vont le mettre en ligne dans les mois qui viennent. La France invente la trottinette pendant que les autres en sont déjà à la navette spatiale. Navette qui conduit directement à la planète paranoïa. Car la notation de tout et de tous sur la Net, ce n’est pas autre chose.
La technologie et la communication doivent concourir au progrès de l’humanité, dans le respect des lois. C’est sans doute ce qu’a voulu rappeler le justice en condamnant les auteurs du site de notation des enseignants. Et c’est heureux qu’elle l’ait fait, car un jour ce sera toute notre existence qui sera évaluée : « M. Machin est mort, et ce n’est pas une grosse perte, car sa vie valait 3/20… » Alors, les ex-singes que nous sommes n’auront plus qu’à remonter dans leur arbre, voir si les bananes sont meilleurs sur Internet."
Sylvain Métafiot
07:00 Publié dans Economie | Tags : digglike, notation sur internet, digg, surfer avec les cons, sylvain métafiot, le singe découvrit myspace, facebook, wikipédia, technique, déshumanisation, perte des repères, postmodernité, meetic, google, carla bruni, laure manaudou, voyeurs, net, samu, suicide, cmu | Lien permanent | Commentaires (1)
mercredi, 13 août 2008
Super, Facebook m'a présenté ma mère !
Voici un article d’Alain Monnier déniché sur Marianne2.fr
"Fer de lance des nouveaux « réseaux sociaux » d' Internet, Facebook offre une nouvelle manière de vivre ensemble. Assez peu réjouissante.
Peut-être n'avez-vous point encore entendu parler de la dernière trouvaille du marketing informatique qui hante les Marchés ? Je veux parler des réseaux sociaux, et de son fer de lance le plus médiatisé Facebook. Ne vous réjouissez pas, ça ne saurait tarder. La preuve ici même, mais pour la bonne cause, celle du sens commun à toujours conforter.
A l'origine du réseau social
Les réseaux sociaux, ça sonne si bien qu'on n'ose même pas demander ce qui se cache là-dessous. Point de fausse honte, il ne faut jamais rougir devant les suffisants qui vous snobent à coup de concepts aussi creux qu'arrogants ! Les réseaux sociaux sont cet ensemble de relations qui sont tissées autour de chacun de vous, ces échanges courants entre vos amis, vos parents, vos voisins, vos collègues… ces échanges gratuits, généreux, parfois névrotiques ou amoureux, les petits services, les coups de mains, les coups à boire… Bref tout ce qui fait qu'on se sent de manière évidente, sans avoir à se le dire chaque matin, homme parmi les hommes ou parité oblige, femme parmi les femmes. Ce n'est rien de vraiment intellectuel, c'est le quartier, trois phrases dans un bus, une confidence plus intime, l'heure à laquelle je rentre, les amis qui viennent manger demain, les courses de la voisine malade, des nouvelles de votre meilleur pote… Bref toutes ces choses qui échappent au nouvel ordre marchand et procédurier du monde. Toutes ces choses que le libéralisme combat de manière insidieuse, puisqu'il a été décrété une fois pour toute que l'individu prime sur tout le reste et que l'égoïsme féroce est seul apte à rendre compte du monde. C'est ainsi qu'au nom de la sacro-sainte liberté individuelle et de la régulation des sociétés par l'ordre marchand auront été dynamités la famille (qui tente vainement de se recomposer), les quartiers populaires des centres villes, les bistrots systématiquement remplacés par des opticiens et des banques… la liste est longue. Tu veux être mon facebook friend ?
Mais il ne faut pas désespérer, car les penseurs du Net ont repéré, - sont-ils futés les bougres ! -, l'importance de ces petits riens, de ces liens qui tissent la société, et ils se font forts de les recréer grâce au prodige des nouvelles technologies de l'information. Et vous voilà donc, à vous connecter chaque jour, que dis-je à chaque heure, sur une plate-forme telle Facebook, où vous retrouvez tous les gens que vous connaissez, où vous découvrez tout ce qu'ils font, leurs nouveaux amis qui peuvent aussitôt être vos amis (c'est pas beau la vie ?), leur emploi du temps, leurs états d'âme du moment… Et tout ça, miracle des miracles, sans les avoir en face. Mais comment ça marche ? Là on atteint la force du concept : vous donnez à Facebook tous les noms et adresses de vos relations. Facebook les enregistre et recherche ceux qui, parmi eux, sont déjà inscrits dans Facebook, et…il vous les présente. Si par exemple vous lui donnez le nom et les coordonnées de votre mère et que celle-ci par chance soit inscrite sur Facebook, il vous présente votre propre mère et vous propose d'établir un lien avec elle, ce qui est n'en doutons pas une force de la modernité ambiante.
Une communauté de 40 millions d'amis !
Evidemment Facebook conserve toutes les adresses et s'enrichit au fur et à mesure des nouveaux arrivants pour former aujourd'hui une communauté de 40 millions de personnes. C'est impressionnant, et en plus c'est gratuit… dès lors que vous vous infusez toute la publicité que l'on déverse sur vous, tels des tombereaux de purin, à longueur de connexion. Eh quoi, le gratuit doit se financer, le gratuit ne peut pas être gratuit ! De temps en temps, la communauté s'en émeut. Elle en devient touchante. Voilà des gens qui confient sans la moindre retenue leurs goûts, leurs projets, le nom de leurs relations à des entreprises de marketing…et qui s'offusquent que l'on puisse s'en servir ! Passons.
Avoir son réseau social sur Internet évite de se coltiner ses relations tout en étant systématiquement avec elles. Que c'est bon de vivre ensemble ! De toute façon les trois quarts ont mauvaise haleine, les deux tiers sont des radins, les trois huitièmes mettent leur doigt dans le nez, il y aurait bien cette jolie petite Mina (ou ce beau Jules, parité oblige) qu'on regrette de ne pas voir pour de vrai et pour de près, mais bon, la technologie va bien trouver une solution pour qu'on se touche ou qu'on se caresse à distance sans vraiment être là ! Attention c'est un tuyau que je vous passe : la caresse à distance pèsera lourd, très lourd, à la Bourse de New York, n'hésitez pas à investir ! "
Sylvain Métafiot
Un p'tit lien pour se marrer en anglais : http://www.youtube.com/watch?v=t_ax0e7RXj8&feature=re...
02:05 Publié dans Economie | Tags : web 2.0, réseaux sociaux, facebook, my space, internet | Lien permanent | Commentaires (2)