samedi, 14 février 2015
Il est difficile d'être un dieu
S'il est difficile d'être un dieu il est d'autant plus ardu d'écrire sur une œuvre dont l'histoire obscure invite à la glose infinie mais qui happe surtout par une puissance visuelle aussi sublime que répugnante.
À l'image du Faust d'Alexander Sokurov le film d'Alexeï Guerman est une danse infernale éprouvante dans laquelle s'entrechoque les corps sales, puants et dégoulinants d'une cour des miracles d'un autre monde illustrant « à merveille » notre propre enfer médiéval.
Ainsi, c'est aux visions diaboliques de Bosch et de Brueghel que cet univers de folie fangeuse fait songer...
Le Christ aux Limbes
Le jardin des délices (détail)
La Dulle Griet
Sylvain Métafiot
15:50 Publié dans Cinéma | Tags : il est difficile d'être un dieu, sylvain métafiot, alexander sokurov, alexeï guerman, faust, bosch, brueghel, enfer, glose, science fiction | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 13 mai 2013
Cinéma : l’immortalité à travers les âges
Article initialement paru sur RAGEMAG
Devenir immortel, traverser les siècles sans conscience du temps, naître à l’âge des premiers hommes et contempler la destruction de la Terre, noyée sous le feu de la géante rouge dans cinq milliards d’années, transcender sa condition et fusionner avec le divin, qui n’en a jamais rêvé ? Succédant à la littérature et à la philosophie, le cinéma a su exploiter et retranscrire ce rêve fou de l’Homme défiant la mort. Un thème fantastique incontournable engageant l’obsession métaphysique suivante : la vie vaut-elle la peine de ne connaître aucune fin ?
« Que risques-tu ? Mourir ? Alors tu ne risques rien ». Les stoïciens ont toujours été de grands blagueurs. Comme si cette sentence ataraxique pouvait nous débarrasser de la peur muette de la mort. N’est pas performatif qui veut. « Aimer la vie et regarder la mort d’un regard tranquille », proclame Jaurès ? Plus facile à dire qu’à faire, mon cher Jean ! Car, qu’on le veuille ou non, personne n’accepte la mort. Tout le monde sait qu’il va mourir mais personne n’y croit. Tout un chacun n’est-il pas « un pauvre homme, comme tous les autres, qui est venu sur la Terre sans savoir pourquoi et qui refuse de croire qu’il va mourir », comme l’énonce tristement Faust dans La Beauté du Diable ? Peu sont ceux qui osent affronter la grande faucheuse en face, la majorité des individus craignant plus le décès de leurs proches que leur propre mort. Ainsi, malgré notre admiration pour le grand homme qu’était Jaurès nous ne pouvons que donner raison à La Rochefoucauld qui affirmait que « rien ne prouve davantage combien la mort est redoutable que la peine que les philosophes se donnent pour persuader qu’on doit la mépriser. » De lui également cette célèbre maxime : « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. » Le contemporain chausse alors les lunettes postmodernes de l’hédonisme scientifique pour se protéger de l’incontrôlable tragédie qu’est la vie. Le vouloir-vivre ne saurait être indomptable. L’Homme a décidé de tromper la mort et va tout mettre en œuvre pour y parvenir, quitte à boire la tasse d’une soupe homogène et indifférente. Sans saveurs.
Pour oublier la mort, qui nous ronge inconsciemment, nous pouvons soit vivre intensément le présent, à l’infini, abolir le temps, aller vers l’anéantissement total et le nirvana des bouddhistes ; soit se lancer dans le travail sans fin, l’accumulation absurde d’argent et la frénésie consumériste. Succès incontestable et effets garantis de la méthode capitaliste tant l’abrutissement par le travail, le divertissement et la consommation sont d’une puissance incomparable. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir pu s’élever spirituellement aux côtés de Bouddha en personne, comme John Oldman, et nombreux sont ceux qui se retrouvent complètement dépourvus lorsque leur dernière heure est arrivée.
15:50 Publié dans Cinéma | Tags : ai, âme, amor fati, andrew nicol, annie le brun, antonin artaud, appel d'air, borgès, darren aronofsky, divin, dorian gray, espérance de vie, éternel retour, fantastique, faust, fontaine de jouvence, gérard philipe, hédonisme, highlander, immortalité, indiana jones, intelligence artificielle, jaurès, john boorman, john oldman, l'homme bicentenaire, la beauté du diable, la rochefoucauld, lucrèce, lyrisme, maladie, matérialisme, michel simon, mort, murnau, nosferatu, oscar wilde, pale rider, posthumanisme, postmoderne, rené clair, richard schenkman, saint graal, science fiction, sokurov, surhomme, sylvain métafiot, the fountain, the man from earth, time out | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 31 décembre 2012
Cimes cinéphiliques 2012
Un classement complètement subjectif, parfaitement arbitraire et, ma foi, sans grande utilité si ce n’est de jeter furtivement un regard en arrière sur cette année riche en œuvres magnifiques… mais aussi en beaux navets bien frais.
Sachant que je n’ai pas encore vu 4h44 d’Abel Ferrara et, qu’à mon humble avis, il s’immiscerait insidieusement dans cette liste.
Les liens renvoient soit à mes propres articles soit à ceux de bien plus estimables camarades de la Toile. (cliquez sur les affiches pour voir les bandes annonces)
Au sommet cette année
1) Take Shelter de Jeff Nichols : apocalypse anxiogiène et salvatrice
2) I wish d’Hirokazu Kore-Eda : mélancolie estivale
3) Oslo, 31 aout de Joachim Trier : limbes désespérées
4) Holy Motors de Leos Carax : libre !
5) Faust d’Alexandre Sokourov : enfer corporel
6) Le Sommeil d’or de Davy Chou : rêves intemporels
7) Les enfants de Belleville d’Asghar Farhadi : singularitées contre société
8) Moonrise Kingdom de Wes Anderson : amour aventureux
9) Une famille respectable de Massoud Bakhshi : chute de l'empire persan
10) Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais : magie !
17:34 Publié dans Cinéma | Tags : cimes cinéphiliques 2012, cinéma, top, flop, déceptions, occasions manquées, merveilles des merveilles, sylvain métafiot, critiques, take shelter, i wish, oslo, 31 aout, holy motors, faust, le sommeil d'or, les enfants de belleville, moonrise kingdom, une famille respectable, vous n'avez encore rien vu, amour, the detachment, prometheus, bellflower, de rouille et d'os, shame, chronicle, sherlock holmes, 2 days in new-york, argo, le carosse d'or, sciuscia, les enfants du paradis, le quai des brumes, les misérables, jack torrance, shinning, kubrick, guilty of romance de sono sion, duch, le maître des forges de l’enfer de rithy panh, tabou de miguel gomez, j. edgar de clint eastwood, augustine de alice winocour, les adieux à la reine de benoît jacquot, kill list de ben weathley, killer joe de william friedkin, la vie sans principe de johnnie to, les hauts de hurlevents de andréa arnold, la part des anges de ken loach | Lien permanent | Commentaires (10)
vendredi, 09 novembre 2012
Déambulation diabolique
« Pour lui comme pour Dieu sans doute, rien ne finit ou du moins rien ne se transforme que la matière, et les siècles écoulés se conservent tout entiers à l'état d'intelligences et d'ombres, dans une suite de régions concentriques, étendues à l'entour du monde matériel. Là, ces fantômes accomplissent encore, ou rêvent d'accomplir, les actions qui furent éclairées jadis par le soleil de la vie, et dans lesquelles elles ont prouvé l'individualité de leur âme immortelle. Il est consolant de penser, en effet, que rien ne meurt de ce qui a frappé l'intelligence, et que l'éternité conserve dans son sein une sorte d'histoire universelle, visible par les yeux de l'âme... »
Gérard de Nerval à propos de Goethe, dans son Introduction à l'édition de 1840 de Faust.
Lire les critiques de Christophe Lefevre et de Rémi & Goeffroy.
Sylvain Métafiot
12:43 Publié dans Cinéma | Tags : déambulation diabolique, faust, goethe, gérard de nerval, film, alexander sokourov, pacte avec le diable, un monde en noir et blanc et en couleur, christophe lefevre, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (0)