mercredi, 23 mars 2022
Gloire à Dionysos
« Ce à quoi mon père, en son temps, n’avait pas réussi, cette détresse amoureuse y parvint : elle fit de moi un buveur.
Ce fut là, pour ma vie et mon caractère, chose plus importante que tout ce que j’ai raconté jusqu’ici. Le dieu fort et doux devint pour moi un ami fidèle et il l’est resté. Qui donc est aussi puissant que lui ? Qui est aussi beau, aussi fantasque, aussi enthousiaste, joyeux et mélancolique ? C’est un héros et un magicien. C’est un séducteur, frère d’Eros. L’impossible est en son pouvoir. Il emplit de pauvres cœurs humains de beaux et merveilleux poèmes. Du paysan, du solitaire que j’étais, il a fait un roi, un poète, un sage. Il charge de nouveaux destins des barques qui se sont vidées sur le fleuve de la vie et ramène les naufragés dans des courants qui les emportent, à toute vitesse, à travers l’existence.
C’est tout cela, le vin. Mais il en est de lui comme de tout ce qui a du prix, dons et arts : il veut être aimé, recherché, compris et conquis à grand effort. Bien peu en sont capables, et c’est par milliers qu’il mène les hommes à leur perte. Il en fait des vieillards, il les tue et éteint en eux la flamme de l’esprit. Mais ses favoris, il les invite à ses fêtes et leur construit des arcs-en-ciel, des ponts qui mènent aux îles fortunées. Il glisse des coussins sous leurs têtes, quand ils sont las et les enserre, quand ils sont en proie à la tristesse, de ses bras doux et bons, comme un ami et comme une mère qui console. Il transforme les embarras de la vie en mythes sublimes et joue sur sa harpe puissante le chant de la création.
Et puis, c’est aussi un enfant aux longues boucles soyeuses, aux épaules étroites, aux membres frêles. Il se serre sur votre cœur, levant son pâle visage vers le vôtre, vous regardant de ses bons grands yeux naïfs et rêveurs, au fond desquels ruissellent, au sein de la primitive innocence, les souvenirs enfantins du Paradis du Bon Dieu, dans toute leur fraîcheur et tout leur éclat, comme une eau qui vient de sourdre au fond des bois.
Et il ressemble aussi, ce dieu délicieux, à un fleuve qui s’écoule profond et tumultueux à travers la nuit de printemps. Et il ressemble à une mer qui berce sur la fraîcheur de ses vagues le soleil et la tempête.
Quand il s’entretient avec ses favoris, alors déferle en eux, parmi les frissons, la mer en furie du mystère, du souvenir, de la poésie, des pressentiments, dominant tous les autres bruits. Le monde connu devient minuscule et perd sa réalité et l’âme se précipite, tremblante de joie et d’angoisse, dans les espaces vierges de l’inconnu où tout est étranger et pourtant familier et dont la langue est celle de la musique, celle des poètes et du rêve. »
Hermann Hesse, Peter Camenzind, Editions Le livre de poche, pp. 90-91
16:47 Publié dans Littérature | Tags : hermann hesse, peter camenzind, vin, poésie, rêve, musique, fête, gloire à dionysos | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 28 mai 2016
Tchaïkovski, la Mère-Russie, l’amour et la musique
Extrait d’une lettre de Piotr Illitch Tchaïkovski à Nadejda von Meck, mécène et bienfaitrice du compositeur auquel elle versait une rente régulière jusqu’en 1890 et ayant entretenu durant de longues années une relation épistolaire très étroite avec lui. Elle ne l’a jamais rencontré.
Florence, jeudi 21 février 1878,
10 heures du soir
Nous sommes arrivés ce soir à Florence. Une ville charmante et sympathique ! J’ai éprouvé une sensation agréable en y entrant, et je me suis souvenu de mon état il y a deux mois dans cette même ville. […]
Quelles lettres merveilleuses vous m’écrivez ! J’ai lu avec un plaisir immense votre missive d’aujourd’hui, si aimable et si riche de contenu. En la lisant, j’ai eu un peu honte que mes lettres soient si courtes et si peu intéressantes comparées aux vôtres ! Il est vrai que j’écris souvent, mais je ne suis en revanche pas capable d’écrire dans une seule lettre autant et aussi bien que vous. Le mérite d’une lettre réside toutefois dans le fait que la personne qui l’a écrite est restée elle-même et ne s’est pas donné un genre, ne s’est pas contrefait. J’appartiens à la catégorie de gens qui aiment terminer tout de suite les choses qu’ils entreprennent. Si j’ai commencé une lettre, je ne suis pas tranquille tant que je ne l’ai pas achevée et aussitôt envoyée.
18:06 Publié dans Musique | Tags : sylvain métafiot, piotr illitch tchaïkovski, nadejda von meck, musique, opéra, amour, russie, modest, lettre, échange épistolaire, florence, 1878 | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 08 novembre 2013
Lionel-Edouard Martin : « La poésie doit transformer la chose vue en musique »
« Il n'est d'écriture que dans un ressenti particulier de l'univers, où les mots appellent, au-delà des êtres et des choses, un monde épuré de substance, où les corps sont de gloire et tiède la pierre – abolies frondes et catapultes. »
Lionel-Édouard Martin, Brueghel en mes domaines
Vous êtes l'auteur d'une vingtaine de livres et malgré une reconnaissance critique indéniable vous demeurez quasiment inconnu du grand public. Comment expliquez-vous cela ?
Je crois qu'il y a plusieurs raisons à cela. La première serait de dire que je n'écris pas pour le grand public. L'autre raison est que je publie dans des maisons d'éditions qui, sans être confidentielles, sont moins distribuées que certaines autres maisons de plus grande importance. Sur la vingtaine de livres que j'ai écrits il doit y avoir pour moitié des romans, qui sont ce qu'ils sont. L'autre moitié on peut les appeler des poèmes s'il l'on veut. Moi j'appelle ça des proses poétiques courtes. La poésie actuelle en France est peu lue, méconnue, les maisons d'édition peinent à faire connaître les auteurs. Évidemment, on peut citer quelques poètes contemporains qui ont une petite notoriété auprès du grand public. À côté de ce qu'on peut appeler « les grands ancêtres », comme Yves Bonnefoy, les gens de ma génération sont un peu méconnus.
Cela est-il dû à la rigueur et la richesse, peu communes, de votre prose ?
C'est toujours difficile pour un auteur de se prononcer par rapport à cela. J'aurais tendance à dire que je ne sais pas écrire autre chose que ce que j'écris. Je n'ai pas envie d'écrire autre chose que ce que j'écris. Cela ne pose pas, a priori, d'état d'âme. Cela en pose, en revanche, pour mes éditeurs quant aux retours sur investissements [rires]. Pour un auteur c'est tout de même un souci que certaines maisons d'édition acceptent de prendre le risque de publier ce qu'il écrit. Toute la question est là. J'ignore si c'est à cause de la difficulté de mon écriture qui tranche un peu par rapport à d'autres écritures contemporaines sans doute plus simples ou plus faciles à lire. Aujourd'hui on aime une écriture plus compacte. Mais ce n'est pas pour autant que tous les auteurs se conforment à cette espèce de moule que l'on veut imposer, c'est-à-dire sujet/verbe/complément et c'est tout. Il semblerait que cela soit plus facile à lire, qu'un certain vocabulaire pauvre doive s'imposer s'il l'on souhaite toucher un public plus large. Moi je ne sais pas faire cela. J'ai besoin d'avoir un vocabulaire précis. Le français est une langue riche autant faire avec. Certes, en employant une métaphore musicale on pourrait me demander : pourquoi ne pas jouer de plusieurs instruments ? Le flûtiste que je suis répondrait : il faut quasiment toute une vie pour maîtriser toutes les possibilités d'un instrument. Par exemple, si l'on veut passer au jazz il y a des sonorités improbables que l'on découvre par soi-même. Pour la langue française c'est la même chose. On peut s'en servir de façon simple mais on a un instrument d'une telle richesse qu'on pourrait l'exploiter et le découvrir de toutes autres façons. Je ne vois pas pourquoi un joueur de jazz devrait jouer des mélodies simples.
14:31 Publié dans Actualité | Tags : lionel edouard martin, lecture, nativité cinquante et quelques, claude aufaure, poésie, jazz, nourriture, matériel, musique, littérature, sylvain métafiot, vampire actif, marc villemain, emmanuel ruben, lyon, enfance, gracq, giono, bosco, pierre michon, proust, à la recherche du temps perdu, bergotte, guerne, valéry, claudel, eschyle, les bucoliques, traduction, autofiction, kaddish, moron, humaniste, conservateur, fioraso, toubon, martinique, latin, emaz | Lien permanent | Commentaires (2)
samedi, 30 juillet 2011
La Belle Soirée à Vienne : J’y étais aussi ! Rodrigo y Gabriela + Selah Sue + Yodelice !
Le 29 juillet à partir de 19h ce sont d’autres travées que nous sommes allés arpenter !
Sous un soleil rayonnant, par une douceur méridionale, et dans un théâtre antique fabuleux (mieux que Lyon et paf ! :p) avait lieu « La Belle Soirée » !
Première surprise en arrivant et non des moindres : la venue de Yodelice en plus des deux autres invités prestigieux !
Ainsi, avec un léger retard mais avec une ambiance extraordinaire, c’est la jeune Selah Sue (22 à peine) qui nous permis de nous emballer !
Dotée d’une voix hors du commun et d’un sens du spectacle innée cette petite blonde aux yeux bleus magnifiques nous a fait vibrer.
23:42 Publié dans Actualité, Musique | Tags : musique, concert à vienne, rodrigo y gabriela, yodelice, selah sue, la belle soirée, théâtre antique de vienne, 29 juillet 2011, isère, festival | Lien permanent | Commentaires (4)
mardi, 05 avril 2011
rayon musique : les albums de 2010 [Rétro de l’année musicale, partie 1]
A comme Arcade Fire. Je crois que tout a été dit, sur votre blog préféré (l’EPICier, je précise) par Ad. C’est ici.
B comme les Black… Keys, qui auraient aussi pu s’appeler les Blue Keys, tant certains passages vocaux ou solos de guitare me rappellent Elmore James, Ray Charles ou Muddy Waters (Sinister Kid, I’m Not The One). On peut juste regretter le léger manque de variété de Brothers, par rapport aux albums antérieurs. Par contre, mention spéciale pour la pochette de l’album.
C comme Elvis Costello. Tout comme dans sa carrière, il y a un joyeux melting-pot de personnalités et de chansons dans National Ramson, le dernier album de Costello, tantôt maître dandy crooner, tantôt meneur de ballades psychédéliques. Les univers explorés par l’irlandais sont multiples. Jimmie Standing In The Rain est appelée à devenir un classique.
10:28 Publié dans Insolite, Musique | Tags : musique, sélection, l'épicier, loisel julien, em strasbourg, sky at night, dépeche mode, happiness hurts, warren ellis, jessie james, nick cave, frederic chopin, eels, end times, tommorow morning, hombre lobo, damian marley, friends, arcade fire, black keys | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 17 février 2011
Who the fuck is Arcade Fire?
Cours de rattrapage.
C'est avec ma plus belle voix de Nikos Aliagas que je vous annonce que le twit-buzz-clash du jour, c'est Arcade Fire !
Par Adrien Simonnot article original sur le blog "l'épicier"
Vous connaissez peut-être Arcade Fire. En tout cas, le reste du monde ne les connaît pas. Prenez à titre d'exemple cette comparaison en termes de recherches sur Internet entre Arcade Fire et Justin Bieber. Bieber, qui est étonnement populaire dans les pays reconnus pour l'intégration des transsexuels (Indonésie, Philippines, Brésil...), explose les recherches Google depuis son arrivée sur la scène médiatique en 2009. Alors qu'Arcade Fire ne produit qu'un léger bruit de fond depuis 2004. Seuls les médias semblent avoir un soudain intérêt pour eux depuis ces derniers jours.
15:41 Publié dans Musique | Tags : musique, arcade fire, chez l'épicier, the arcade fire, who is arcade fire, adrien simonnot, win butler, will butler, regine chassagne, barack obama, rebellion lies | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 10 janvier 2011
Suck my d**k or die trying, hos !
Chers amis mélomanes, il est grand de parler d’un mouvement musical largement dénigré et non reconnu à sa juste valeur (notez la poésie du titre). Je veux bien évidemment vous parler du Gangsta rap. Non pas du rap old-school en général (un des quatre piliers du Hip-Hop américain, avec le breakdance, le deejaying et le graffiti), qui ose entacher quelques excellents sons de paroles politiques, symboliques, humoristiques, absurdes, etc. (bref, un truc de lopettes !), mais bien du viril Gansgsta rap et son dérivé beauf original le Crunk (contraction de crazy et drunk, ce qui promet…).
21:20 Publié dans Musique | Tags : gangsta-rap, crunk, hip-hop, mauvais, west coast, pimp, fric, flingues, violence, lil'jon, homophobe, xenophobe, musique, booba, orelsan, ja rule, lil wayne, 50 cent, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (1)
mercredi, 01 décembre 2010
Beatles vs. Rolling Stones
Beatles vs. Rolling Stones
http://www.eatlocalmemphis.org/wp-content/uploads/2010/06...
Le retour de la vengeance !
Aujourd’hui, l’EPICier va traiter d’un sujet qui divise les français. Non, pas les retraites. Ni l’affaire Woerth-Bettencourt. Ni même la nouvelle coupe de cheveux de Jean-Louis Borloo. Le titre a déjà vendu la mèche : il s’agit du sempiternel débat sur qui des Beatles ou des Rolling Stones sont les meilleurs.
Tout est parti d’une discussion lors d’un petit-déjeuner à Strasbourg, entre deux bananes et trois Krisprolls. Un supplément du Point sur les Beatles traînant sur la table, Ju lança un catégorique « Les Stones, c’est mieux que les Beatles ! ». Ce à quoi Ad répondit d’un véhément « Non. ».
- « Si ! » - « Non ! » - « Si ! » - « Non ! » - « Si ! » - « Non ! » - « Si ! » - « Non ! »
Une demi-heure plus tard, le café leur rendant un peu de clairvoyance, nos deux compères eurent l’idée bien plus constructive d’organiser un « Versus » : 10 arguments pour sa paroisse, 10 arguments contre l’autre chapelle, 10 titres pour convaincre vos oreilles. De quoi nourrir un débat houleux mais intemporel, nécessaire mais vain, car qui saurait départager objectivement ces deux légendes de l’histoire du rock ?
16:28 Publié dans Musique | Tags : beattles, rolling stones, bataille, musique, combat du siècle | Lien permanent | Commentaires (2)
jeudi, 19 août 2010
Jack The Ripper – Ladies First
Jack The Ripper – Ladies First
Jack the Ripper est un de ces groupes, pas toujours abordable, mais tellement séduisant pour peu que l'on fasse l'effort de s'y plonger. Car Jack the Ripper possède son ambiance, son univers, mélange d'instruments toujours savamment orchestrés au service du chanteur, Arnaud Mazurel, à la voix torturée mais toujours contrôlée.
07:50 Publié dans Musique | Tags : jack the ripper, ladies first, musique, arnaud mazurel, nick cave, univers mythologique, littérature anglaise et allemande, transexualité, hamlet song, référence à cocteau | Lien permanent | Commentaires (1)
vendredi, 12 septembre 2008
Le Sziget Festival Budapest, j’y étais !
Le Sziget Festival dure une semaine, du 11 au 18 août. Il se situe sur l’île de Sziget en plein cœur de la capitale Hongroise. De très nombreux concerts étaient programmés chaque jour sur une large plage horaire débutant à 15 heures et se terminant à 23 heures.
Les Têtes d’Affiches
L’île proposait 5 scènes principales agrémentées de différents stands publicitaires. Ceux-ci proposaient des « bars musicaux » distillant de la musique jusqu’au petit matin. Le festival affichait d’énormes têtes d’affiches comme Iron Maiden, Sex Pistols ou encore Jamiroquai. Ces trois dernier artistes ont rameuté, vous vous en doutez, un nombre de personnes considérables.
Ainsi, Iron Maiden montre une scène spectaculaire avec jet de flammes et animations ; peut-être pour rendre leur concert moins monotone. Qaunt aux Sex Pistols, ils font peine à voir et ne méritent pas de commentaire plus complet. Bien que nous soyons évidemment passés voir ces trois grands concerts nous ne nous y sommes pas attardés. Il faut dire que le festival regorgeait d’artistes à voir absolument et qui, contrairement aux artistes les plus populaires, n’ont pas déçu.
Dans la suite de l'article :
- Les Perles du Sziget Festival Budapest
- La scène Jazz
- La scène World
15:15 Publié dans Musique | Tags : sziget festival budapest, sziget, festival, budapest, musique, jazz, world | Lien permanent | Commentaires (1)