mercredi, 29 avril 2009
Les paranos ne datent pas d'hier
Emmanuel Kreis, chercheur en science religieuses à l'Ecole pratique des hautes études, publie Les puissances de l'ombre. Juifs, jésuites, francs-maçons, réactionnaires... La théorie du complot dans les textes (CNRS Editions), un florilège édifiant (et terrifiant) de falsifications utilisées à des fins politiques. Dans une interview à Charlie Hebdo (14/01/2009) il montre que les théories conspirationnistes ne sont pas nées avec le 11 septembre (à ce sujet voire l'article http://www.mapausecafe.net/archive/2008/09/11/les-paranos... ) mais sont récurrentes au cours de l'histoire, dès qu'il s'agit de trouver un bouc émissaire :
« Avant le XIXème siècle, ce sont surtout les francs-maçons qu'on accuse de comploter. Il y a eu aussi les Templiers, les jésuites, les protestants. En 1789 des théories conspirationnistes sont élaborées aussi bien par les révolutionnaires que par les contre-révolutionnaires. À la fin du XIXème siècle, ce sont souvent les occulistes qui sont visés, parce qu'ils étaient très à la mode à cette époque, via le mouvement martiniste, et l'Eglise leur reprochait d'oeuvrer pour le Diable. Puis il y a eu les anarchistes, à la suite d'attentats qu'ils ont commis à Montceau-Les-Mines en 1882, et aussi les communistes, notamment aux Etats-Unis pendant la guerre froide. Bien qu'elles soient fantasmées, les théories conspirationnistes entraînent des conséquences bien réelles : par exemple, dans l'Espagne franquiste, les francs-maçons pouvaient être exécutés sommairement.
Au XIIème siècle, par exemple, à Norwich, en Angleterre, un enfant est retrouvé tué. On accuse aussitôt les Juifs d'avoir réalisé un crime rituel, commandité par un conseil secret de Juifs à Narbonne. Ce sont des prémices, mais le premier texte faisant véritablement l'état d'un complot juif n'apparaît qu'en 1830.
Les théories du complot sont toujours une arme politique. Prenons l'exemple de la Révolution française. Les révolutionnaires, Saint-Just entre autres, accusent les émigrés ou la noblesse étrangère de comploter. Cela leur permet de désigner un ennemi, et également de répondre à un éventuel échec, en disant : « on » nous a empêchés de réussir. Chez les contre-révolutionnaires, c'est différent. Les théories du complot s'ajoutent à la théorie dimension divine. Ils voyaient tout à travers Dieu, et la révolution est un événement brutal qui modifie la société. Est-ce que Dieu peut abandonner la société ? Non, donc c'est forcément un complot diabolique.
Néanmoins, sous l'épaisse couche de fantasme, il y a, dans certains cas, une part de vérité dans ces théories. Par exemple, dans les années 1930, on trouve des théories du complot concernant les communistes. De fait, elles n'étaient pas complétement infondée, car le but des communistes était bien la prise du pouvoir. A coté de ça, il y a évidemment beaucoup de théories fausses de bout en bout, dont les Protocoles des sages de Sion sont l'archétype. Mais entre ces deux extrêmes il y a toute une gamme de théories intermédiaires mêlant une part de réalité au fantasme le plus pur.
Pendant la Seconde guerre mondiale, les milieux collabos parisiens ont développé l'idée de la « synarchie », société secrète d'énarques qui seraient manipulé par les banques internationales et les Juifs. C'est là qu'apparaît l'idée d'un complot fomenté par une élite de technocrates. La théorie a perduré après la Libération, quand elle a été reprise par les milieux communistes qui y voyaient un complot fasciste. Cela montre à quel point les mêmes thèmes se transforment et sont repris par les uns ou les autres.
La plupart des textes conspirationnistes proviennent à l'époque de mileux catholiques traumatisés pa r la Révolution. Il y a cependant des théories conspirationnistes de gauche. Par exemple, de 1870 à 1914, les républicains vont inventer des théories d'un complot fomenté par les cléricaux et les jésuites.
Aujourd'hui, le complot le plus à la mode est l'idée que le 11 septembre est un coup monté [rumeur propagée par l'extrême droite américaine et européenne et les mileux islamistes] mais les théories les plus anciennes perdurent. Ainsi, le complot jésuite se retrouve d'une certaine façon dans le succès du Da Vinci Code, qui met en scène une conspiration de l'Opus Dei [organisation réellement intégriste]. Les mouvements new age ont repris le thème du complot extraterrestre, qui était en vogue aux Etats-Unis dès les années 1950. Dans certains milieux d'extrême droite, on parle beaucoup des « Illuminati », qui seraient la structure supérieue d'une organisation visant à dominer le monde. »
Comme le dit le journaliste, Antonio Fischetti, « il ne suffit pas à une théorie d'être farfelue pour être conspirationniste. Elle doit s'imaginer une organisation transnationale, avec des manipulateurs cachés au sein d'une structure de forme pyramidale, qui ont pour but un changement radical de la société. Même si, au cours de l'histoire, il y a eu des conspirations parfaitement réelles, une « théorie du complot » comporte toujours une dimension fantasmée et délirante. Avec, le plus souvent, des morts à la clé. Finalement, les théories conspirationnistes tuent bien davantage que les vrais complots. »
Sylvain Métafiot
01:20 Publié dans Actualité | Tags : paranos, conspirationnistes, théories du complot, opus dei, emmanuel kreis, 11 septembre, templiers, complotistes, bouc émissaire, charlie hebdo, francs-maçons, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (2)
mardi, 30 décembre 2008
Le politiquement (in)correct
Cela vous a peut-être échappé mais nous sommes dans l’ère (bénie) de la parole décomplexée cher à notre Nicolas Sarkozy national. Ce dernier, lors de ses interventions publiques, a remplacé « Françaises, Français » par « Casse-toi, pauvre con » et « Descends si t’es un homme ». Hum… je crois qu’il est Président de la République Française… Info à vérifier. Bref, on préfère la langue de con (politiquement incorrect) à la langue de bois (politiquement correct).
L’un des meilleurs exemples du politiquement incorrect provient du député UMP du Nord Christian Vanneste (un charmant homme favorable à la peine de mort pour les terroristes et auteur du fameux amendement sur le « rôle positif » de la colonisation). En 2005, dans deux interviews – l’une à La voix du Nord, l’autre à Nord éclair – il avait déclaré que « l’homosexualité est une menace pour la survie de l’humanité » et qu’elle était « inférieure à l’hétérosexualité ». Condamné une 1ère fois en janvier 2006 par le tribunal correctionnel de Lille, puis en janvier 2007 par la cour d’appel de Douai, il vient d’être blanchi par la Cour de cassation, qui a jugé que ses propos « ne dépassent pas les limites de la liberté d’expression ». Pour sa défense, outre les valeurs traditionnelles religieuses et le concept de la « loi naturelle », il a invoqué son mandat de député : « Le parlementaire, c’est le tribun du peuple, celui qui peut parler au nom des autres, alors, qu’on l’empêche de parler, lui, c’est complètement antidémocratique ». Et moi qui croyait que ceux qui incarnent l’Etat, sinon dans les actes du moins par les mots, se devaient d’être exemplaire et non professer les pires ignominies. Naïf que je suis…
Faisons un bref retour historique sur la notion de politiquement incorrect... dans la suite de l'article !!!
23:33 Publié dans Actualité | Tags : politiquement correct, politiquement incorrect, zemmour, soral, sarkozy, liberté, démocratie, expression, sylvain métafiot, céline, fascisme, le pen, racailles, élite, paranos, 11 septembre, dieudonné, front national, robert faurisson, négationnisme, insulte, juifs, arabes, racisme | Lien permanent | Commentaires (4)