lundi, 23 avril 2018
Quatre voix capitales : De colère et d’ennui de Thomas Bouchet
Article initialement publié sur Le Comptoir
Paris, 1832. Alors que l’insurrection des républicains fait rage et que le choléra s’insinue dans les foyers, quatre femmes sortent des limbes des petites destinées personnelles pour apparaître, chacune à leur manière, sur la scène de la grande Histoire. C’est Adélaïde, la bourgeoise, qui aime correspondre avec son amie et arpenter le jardin des Plantes mais qui redoute les criminels qui rôdent autour du quartier de la rue de la Seine-Saint-Victor autant que la maladie qui fait effraction dans son quotidien convenu. C’est Émilie, militante farouche de la cause saint-simonienne, haranguant les travailleurs dans les cafés, prêchant la parole du Père, se faisant copieusement insultée par les habitués des estaminets de Ménilmontant. C’est Louise, la marchande ambulante, embrigadée (malgré elle ?) sur les barricades aux côtés des républicains, arrêtée à plusieurs reprises par la police, interrogée sans relâche, emprisonnée plusieurs années à Saint-Lazare pour actions subversives. C’est Lucie, enfin, recluse dans un couvent de la rue Neuve-Sainte-Geneviève, qui jouit intérieurement de sa foi extatique pour le Christ, hallucinant son amour pour Lui, “aidée” en cela par le choléra qui la détruit à petit feu.
Historien spécialisé dans la pensée et les pratiques politiques et sociales de la France du XIXe siècle, Thomas Bouchet (que nous avions interviewé à propos de son ouvrage Les Fruits défendus : Socialismes et sensualité du XIXe siècle à nos jours) s’empare cette fois-ci de la fiction pour relater les bouleversements de l’année 1832. Si le chercheur a parcouru de long en large la monarchie de Juillet pendant des décennies, accumulant un savoir érudit sur cette période charnière de l’histoire de France, l’écrivain se fait fort de donner corps et âme à des personnages qui possèdent les traits de personnalités ayant réellement existé. Comme il l’avoue lui-même : « À bien des égards Adélaïde ressemble à Alphonsine Delaroche épouse Duméril, Émilie à Claire Démar, Louise à Louise Bretagne. » S’appuyant sur une enquête minutieuse des archives de la police, des journaux, des livres et des registres de la morgue, Thomas Bouchet rend plus que vraisemblable les voix de ces quatre femmes qui, bien qu’étant issues de son imagination, révèlent la réalité sensible et tragique de cette époque pleine de révolte et de mélancolie.
Sylvain Métafiot
11:40 Publié dans Littérature, Politique | Tags : de colère et d’ennui, thomas bouchet, le comptoir, quatre voix capitales, sylvain métafiot, 1832, paris | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 25 novembre 2015
Comprendre les attentats du 13 novembre avec Albert Camus
Extraits initialement publiés sur Le Comptoir
Nous avons choisi de reproduire des extraits de L’Homme révolté d’Albert Camus, dont la publication date du milieu du siècle dernier. La fine analyse du ressentiment qui ne trouve d’autre fin que sa mue en haine et meurtre, ainsi que celles, en filigrane, de nos sociétés modernes et de la perte du sacré, résonnent avec acuité dans l’actualité sordide de ces dernières semaines.
Introduction
À partir du moment où, faute de caractère, on court se donner une doctrine, dès l’instant où le crime se raisonne, il prolifère comme la raison elle-même, il prend toutes les figures du syllogisme. Il était solitaire comme le cri, le voilà universel comme la science. Hier jugé, il fait la loi aujourd’hui. […] les camps d’esclaves sous la bannière de la liberté, les massacres justifiés par l’amour de l’homme ou le goût de la surhumanité, désemparent, en un sens, le jugement. Le jour où le crime se pare des dépouilles de l’innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c’est l’innocence qui est sommée de fournir ses justifications.
Il s’agit de savoir si l’innocence, à partir du moment où elle agit, ne peut s’empêcher de tuer. Nous ne pouvons agir que dans le moment qui est le nôtre, parmi les hommes qui nous entourent. Nous ne saurons rien tant que nous ne saurons pas si nous avons le droit de tuer cet autre devant nous ou de consentir qu’il soit tué. Puisque toute action aujourd’hui débouche sur le meurtre, direct ou indirect, nous ne pouvons pas agir avant de savoir si, et pourquoi, nous devons donner la mort. […] Au temps de la négation, il pouvait être utile de s’interroger sur le problème du suicide. Au temps des idéologies, il faut se mettre en règle avec le meurtre. Si le meurtre a ses raisons, notre époque et nous-mêmes sommes dans la conséquence. S’il ne les a pas, nous sommes dans la folie et il n’y a pas d’autre issue que de retrouver une conséquence ou de se détourner. Il nous revient, en tout cas, de répondre clairement à la question qui nous est posée, dans le sang et les clameurs du siècle. Car nous sommes à la question. Il y a trente ans, avant de se décider à tuer, on avait beaucoup nié, au point de se nier par le suicide. Dieu triche, tout le monde avec lui, et moi-même, donc je meurs : le suicide était la question. L’idéologie, aujourd’hui, ne nie plus que les autres, seuls tricheurs. C’est alors qu’on tue. À chaque aube, des assassins chamarrés se glissent dans une cellule : le meurtre est la question.
Se détruire n’était rien pour les fous qui se préparaient dans des terriers une mort d’apothéose. L’essentiel était de ne pas se détruire seul et d’entraîner tout un monde avec soi. […] Suicide et meurtre sont ici deux faces d’un même ordre, celui d’une intelligence malheureuse qui préfère à la souffrance d’une condition limitée la noire exaltation où terre et ciel s’anéantissent.
Je crie que je ne crois à rien et que tout est absurde, mais je ne puis douter de mon cri et il me faut au moins croire à ma protestation. La première et la seule évidence qui me soit ainsi donnée, à l’intérieur de l’expérience absurde, est la révolte. Privé de toute science, pressé de tuer ou de consentir qu’on tue, je ne dispose que de cette évidence qui se renforce encore du déchirement où je me trouve. La révolte naît du spectacle de la déraison, devant une condition injuste et incompréhensible. Mais son élan aveugle revendique l’ordre au milieu du chaos et l’unité au cœur même de ce qui fuit et disparaît. […] Son souci est de transformer. Mais transformer, c’est agir, et agir, demain, sera tuer, alors qu’elle ne sait pas si le meurtre est légitime. Elle engendre justement les actions qu’on lui demande de légitimer. Il faut donc bien que la révolte tire ses raisons d’elle-même, puisqu’elle ne peut les tirer de rien d’autre.
L’homme est la seule créature qui refuse d’être ce qu’elle est. La question est de savoir si ce refus ne peut l’amener qu’à la destruction des autres et de lui-même, si toute révolte doit s’achever en justification du meurtre universel, ou si, au contraire, sans prétention à une impossible innocence, elle peut découvrir le principe d’une culpabilité raisonnable.
18:20 Publié dans Actualité | Tags : comprendre les attentats du 13 novembre avec albert camus, sylvain métafiot, le comptoir, l'homme révolté, anarchistes, terroristes, islamistes, paris, nihilisme, meurtre historique, cain, abel, création et révolution | Lien permanent | Commentaires (3)
mercredi, 18 novembre 2015
13 novembre 2015 – le soir des grands perdants
En 2006, Hans Magnus Enzensberger publiait Le Perdant Radical, essai sur les hommes de la terreur. À la suite des attentats à Paris qui ont causé la mort de plus de 130 personnes (dix mois après le massacre du 7 janvier 2015) il nous semble utile de revenir sur quelques extraits de son ouvrage dans lequel il dresse le portrait de ces hommes à la recherche désespérée du bouc émissaire, mégalomanes et assoiffés de vengeance, chez qui s'allient obsession de la virilité et pulsion de mort : les perdants radicaux.
*
« Le raté peut se résigner à son sort, la victime peut demander compensation, le vaincu peut toujours se préparer au prochain round. Le perdant radical, en revanche, prend un chemin distinct, il devient invisible, cultive ses obsessions, accumule ses énergies et attend son heure. [...]
20:10 Publié dans Actualité | Tags : hans magnus enzensberger, terroristes, paris, massacre, 13 novembre 2015, le soir des grands perdants, irak, califat, daech, sylvain métafiot, afghanistan, gia, algérie, raf, brigades rouges, meurtre | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 03 octobre 2013
62, année onirique
Le Joli Mai de Chris Marker et Pierre Lhomme ressort en salles dans une version restaurée, cinquante ans après sa réalisation, et nous conte un Paris fourmillant et éclectique, une capitale de lumière et d'ombre filmée avec amour et gourmandise. Comme un voyage ethnologique qui déraperait en fable on passe des rues populaires aux grands boulevards, des salles des fêtes aux banlieues toutes fraîches, d'un chat habillé à des amoureux timide en passant par les convives éméchés d'un mariage. On transite ainsi d'un personnage (d'une situation) à un autre avec malignité et élégance. C'est mai 1962 raconté par les Parisiens eux-mêmes, avec leur gouaille, leur joie, leur crainte, leur humanité. C'est Paris en paix, tranquillement observé, sans jugements ni précipitations mais avec une liberté de ton qui colle au plus près des visages et des paroles.
C'est une caméra qui scrute les détails aux marges ou aux arrières plans, saisissant, là des mains qui s'agitent, ici une araignée qui se balade, ailleurs l'allée poisseuse d'un bidonville, ou encore l'air interrogateur des passants. Un regard véritablement décalé sur une époque politiquement convulsive dont l'intérêt est à la marge. Jean-Luc Godard et Anna Karina passent en voiture, nous lancent un regard. Et là, n'est-ce pas Alain Resnais ? La Nouvelle Vague déferle dans les salles obscures et redonne du souffle au cinéma de papa tandis que Marker et Lhomme prennent le pouls de la rue et donnent à voir le caractère d'une ville sous la forme d'un poème urbain.
19:55 Publié dans Cinéma | Tags : 62, année onirique, le joli mai, cinéma, film, documentaire, sylvain métafiot, gazette, mankpadere, chris marker, pierre lhomme, paris, france, fantomas, yves montand, guy debord, andré breton, poème contemplatif, guerre d'algérie, hlm, racisme, foi, dieu, amour, ricochets de l'histoire, nouvelle vague | Lien permanent | Commentaires (2)
dimanche, 17 juillet 2011
Critique de Livre : Douglas Kennedy - La Femme du Ve
Mais voici que la mystérieuse et sensuelle Margit vient bouleverser sa vie en apparaissant lors d'une soirée mondaine.
19:22 Publié dans Insolite, Littérature | Tags : douglas kennedy, la femme du vème, la femme du cinquième, suspens, thriller, livre, critique de livre, paris | Lien permanent | Commentaires (2)
jeudi, 30 septembre 2010
Vu sur les réseaux sociaux ! "Pourquoi j'irai manifester !"
J'irai manifester...
" A deux jours du rassemblement contre les réformes, un article paru sur un réseau social m'a paru très intéressant, le voici pour vous !"
Et qu'est ce qu'on fait hein ? qu'est-ce qu'il se passe ? On "share" des liens, on "like" des infos...
On masturbe notre cérébral via le flux d'une info répugnante, qui en fait sourire plus d'un...
Notre république bafoue un peu plus chaque jour les droits de l'Homme, droit du travail, droit au logement, droit à la santé, droit à l’éducation, droit à la dignité… et nous... On débat, on critique, on regarde, on crie parfois, on se dégoute d'autres fois... et après, il se passe quoi ? Nous, devant nos écrans, à participer finalement indirectement...puisqu'on ne manifeste pas notre désaccord, alors on participe d'une certaine manière à ce déluge qui fait de notre hexagone un exemple de régression démocratique.
11:41 Publié dans Actualité | Tags : manifestation, réseaux sociaux, facebook, retraite, précarité, lutte, peuple, démocratie, réforme de la retraite, paris | Lien permanent | Commentaires (3)
lundi, 10 août 2009
Interview du futur
02:34 Publié dans Littérature | Tags : interview, futur, paris, france, monde, 2050 | Lien permanent | Commentaires (12)
mercredi, 01 avril 2009
La Dame de Fer s'offre une croisière !
La Dame de Fer s'offre une croisière !
Invité de la Matinale de Canal +, Valérie Pecresse interrogé sur les 120 ans de la Tour Eiffel a révélé par ailleurs que la Dame de Fer serait la meilleure représentante de la France en Chine.
C'est ainsi que pour l'exposition universelle de Shanghai en 2010, la France a conclu avec les Chinois la visite d'un de nos joyaux, la Tour Eiffel après 1 an de négociation.
C'est avec une grande fierté que Valérie Pecresse a annoncé à la matinale de Canal + que la tour Eiffel serait « la meilleure représentante de la France » auprès des Chinois.
Obligé de redorer le blason de la France, auprès des chinois; à cause du périlleux passage de la flamme olympique à Paris; la ministre de la culture avec le soutien de plusieurs personnalités politiques tels que le Maire de Paris, ou encore l'ancien ministre Jack Lang, a obtenu l'accord définitif des experts.
La Tour Eiffel sera donc démontée pièce par pièce et transportée à bord de « cargos ultra sécurisés » et la pointe de 32 mètres de hauteur sera quant à elle transportée à bord du Charles de Gaulle.
Ainsi, le 10 octobre prochain, après deux mois de travaux et d'interdiction au public, la dame de fer s'en ira. Elle restera à Shanghai jusqu'au 10 octobre de l'année suivante et sera installée provisoirement à coté de la Tour « Perle d'Orient ».
Suscitant déjà surprise et colère auprès du secteur touristiques, certains architectes y voient l'occasion de renouveler l'espace urbain de Paris. Jean Nouvel reprenant Victor Hugo : « La Tour Eiffel, oui, mais pas en permanence. »
Le président Chinois Hu Jintao, s'est félicité de cet accord, et à d'ores et déjà annoncé que l'emplacement de la Tour Eiffel à Shanghai serait la clé de voute de la grande amitié Sino-Française.
Signalons par ailleurs que la France n'est pas détentrice de la Tour Eiffel bien que classé monument historique, la ville de Paris en reste propriétaire.
L'Exposition Universelle de Shanghaï sera celle de tous les records, après la petite sirène de Copenhague, la Tour Eiffel, d'autres projets encore plus fous voient le jour, on parlerai de Statue de la Liberté ou de Golden Gate Bridge à Shanghaï...
Sources : Valérie Pecresse dans la matinale de Canal +
dépêche reprise et confirmé par l'AFP, article du Monde pour plus de détails : www.lemonde.fr/tour-eiffel-exLpo.shan£ghai_201%/actu
06:15 | Tags : dame de fer, tour eiffel, albanel, paris, shanghai, exposition universelle 2010, la matinale, scoop, dépêche afp, paris chine | Lien permanent | Commentaires (14)