lundi, 13 mai 2013
Cinéma : l’immortalité à travers les âges
Article initialement paru sur RAGEMAG
Devenir immortel, traverser les siècles sans conscience du temps, naître à l’âge des premiers hommes et contempler la destruction de la Terre, noyée sous le feu de la géante rouge dans cinq milliards d’années, transcender sa condition et fusionner avec le divin, qui n’en a jamais rêvé ? Succédant à la littérature et à la philosophie, le cinéma a su exploiter et retranscrire ce rêve fou de l’Homme défiant la mort. Un thème fantastique incontournable engageant l’obsession métaphysique suivante : la vie vaut-elle la peine de ne connaître aucune fin ?
« Que risques-tu ? Mourir ? Alors tu ne risques rien ». Les stoïciens ont toujours été de grands blagueurs. Comme si cette sentence ataraxique pouvait nous débarrasser de la peur muette de la mort. N’est pas performatif qui veut. « Aimer la vie et regarder la mort d’un regard tranquille », proclame Jaurès ? Plus facile à dire qu’à faire, mon cher Jean ! Car, qu’on le veuille ou non, personne n’accepte la mort. Tout le monde sait qu’il va mourir mais personne n’y croit. Tout un chacun n’est-il pas « un pauvre homme, comme tous les autres, qui est venu sur la Terre sans savoir pourquoi et qui refuse de croire qu’il va mourir », comme l’énonce tristement Faust dans La Beauté du Diable ? Peu sont ceux qui osent affronter la grande faucheuse en face, la majorité des individus craignant plus le décès de leurs proches que leur propre mort. Ainsi, malgré notre admiration pour le grand homme qu’était Jaurès nous ne pouvons que donner raison à La Rochefoucauld qui affirmait que « rien ne prouve davantage combien la mort est redoutable que la peine que les philosophes se donnent pour persuader qu’on doit la mépriser. » De lui également cette célèbre maxime : « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. » Le contemporain chausse alors les lunettes postmodernes de l’hédonisme scientifique pour se protéger de l’incontrôlable tragédie qu’est la vie. Le vouloir-vivre ne saurait être indomptable. L’Homme a décidé de tromper la mort et va tout mettre en œuvre pour y parvenir, quitte à boire la tasse d’une soupe homogène et indifférente. Sans saveurs.
Pour oublier la mort, qui nous ronge inconsciemment, nous pouvons soit vivre intensément le présent, à l’infini, abolir le temps, aller vers l’anéantissement total et le nirvana des bouddhistes ; soit se lancer dans le travail sans fin, l’accumulation absurde d’argent et la frénésie consumériste. Succès incontestable et effets garantis de la méthode capitaliste tant l’abrutissement par le travail, le divertissement et la consommation sont d’une puissance incomparable. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir pu s’élever spirituellement aux côtés de Bouddha en personne, comme John Oldman, et nombreux sont ceux qui se retrouvent complètement dépourvus lorsque leur dernière heure est arrivée.
15:50 Publié dans Cinéma | Tags : ai, âme, amor fati, andrew nicol, annie le brun, antonin artaud, appel d'air, borgès, darren aronofsky, divin, dorian gray, espérance de vie, éternel retour, fantastique, faust, fontaine de jouvence, gérard philipe, hédonisme, highlander, immortalité, indiana jones, intelligence artificielle, jaurès, john boorman, john oldman, l'homme bicentenaire, la beauté du diable, la rochefoucauld, lucrèce, lyrisme, maladie, matérialisme, michel simon, mort, murnau, nosferatu, oscar wilde, pale rider, posthumanisme, postmoderne, rené clair, richard schenkman, saint graal, science fiction, sokurov, surhomme, sylvain métafiot, the fountain, the man from earth, time out | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 27 novembre 2012
Pourquoi bosser quand on peut aller au ciné ?
« L'homme n'est pas fait pour travailler, la preuve c'est que cela le fatigue »
Voltaire
« Travail », c'est-à-dire, étymologiquement, tripalium : instrument de torture à trois pieux. C'est de cette souffrance fondamentale que traite la grande majorité des films liés à lui. Des Temps modernes de Charlie Chaplin à La question humaine de Nicolas Klotz en passant par The Navigators de Ken Loach et L'Adversaire de Nicole Garcia, tous critiquent, d'une façon ou d'une autre, cette nécessité économique soit-disant incontournable de la vie.
03:38 Publié dans Cinéma | Tags : pourquoi bosser quand on peut aller au ciné ?, tripalium, les temps modernes, charlie chaplin, la question humaine, nicolas klotz, the navigators, it's a free world, ken loach, l'adversaire, nicole garcia, le couperet, costa-gavras, boris vian, déshumanisation, meutre, fascisme, société de consommation, salo ou les 120 journées de sodome, pier paolo pasolini, nazisme, postmoderne, gilles lipovesky, le crépuscule du devoir, ecrits corsaires, gazette, mankpad'ère, voltaire, travail, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (4)