mardi, 29 mars 2016
High-Rise : there is no alternative
C'est une courte scène, situé au mitan du film, dans laquelle le docteur Robert Laing (Tom Hiddleston) se précipite dans son appartement, affolé, en sueur, les yeux rougis de frayeur, pour s'y barricader. Une anomalie passagère dans le comportement des habitants de la tour car – et c'est sans doute la principale source du malaise inhérent à High-Rise – en dehors de cette exception, personne ne panique. Du moment où la situation dégénère et la violence s'intensifie, personne n'appelle la police ni les secours, personne ne crie ou ne pleure, personne ne quitte la tour (pas même le docteur Laing, finalement résigné à repeindre son appartement).
Le basculement dans le chaos semble l'évolution inéluctable des rapports humains au sein d'une superstructure qui atomise les individus, segmente les catégories sociales, abêti les consciences et pousse à la compétition totale de tous contre tous. Une évolution parfaitement intégrée par ceux qui en subissent les conséquences puisque personne, absolument personne, ne songe à s'en extirper. Dans une folie absurde qui contamine tous les étages, tous les habitants se fondent dans ce nouvel état des choses délétère, comme glissant langoureusement dans un bain d'acide.
Amalgamés dans l'hédonisme de la consommation de masse, les habitants de la tour font du supermarché leur terrain de jeu sanglant, à la fois prémisse et prolongement d'une fête inextinguible et permanente, saturant de sa décadence chaque recoin de ce monstrueux building.
Le message est clair : au sein de ce système il n'y a pas d'autres alternative que de danser frénétiquement au bord du gouffre.
À moins d'en faire sauter les fondations.
Sylvain Métafiot
15:06 Publié dans Cinéma, Politique | Tags : robert laing, tom hiddleston, fête inextinguible et permanente, panique, système capitaliste, folie absurde, sylvain métafiot, cinéma, violence, chaos, tour, building, high-rise, ben wheatley, j.g. ballard | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 05 mars 2015
Kingsman : le beauf s’habille chez Henry Poole
Les gentlemen seraient-ils devenus vulgaires ? Telle est la question qui nous titille l’occiput durant le visionnage du dernier film de Matthew Vaughn, réalisateur de l’excellent Kick-Ass (2010) et du très correct X-Men : First Class (2011). Si incongrue que ce soit cette question sa réponse n’en est pas moins malséante : oui, en flattant un public nourrit au relativisme culturel contemporain, l’alliance du beauf et du dandy est réalisée.
21:08 Publié dans Cinéma | Tags : kingsman, cinéma, sylvain métafiot, matthew vaughn, le beauf s’habille chez henry poole, vulgaire, dandy, classe, savile row, big mac, violence, incohérences, agents secrets, espions, james bond, austin powers | Lien permanent | Commentaires (2)
mercredi, 22 octobre 2014
Bande de filles : diamants noirs sur fond gris
Marieme, 16 ans, se lie d’amitié avec trois filles, petites frappes mais grandes gueules, pour s’extraire d'un quotidien aussi morne que le béton qui l'entoure.
Un énième « film de banlieue » à visée sociale ? Ce serait réducteur. Mettons d’emblée les choses au clair. Si, fait rare, en adoptant le point de vue féminin Bande de filles fait cruellement ressentir l’oppression masculine dans les quartiers, le film ne se limite pas à un pamphlet féministe convenu. C’est avant tout la lutte personnelle d’une fille qui mange le sol, se relève, et frappe à son tour.
18:17 Publié dans Cinéma | Tags : bande de filles, diamants noirs sur fond gris, banlieue, sylvain métafiot, cinéma, violence, émancipation, para one, marieme, céline sciamma, rihanna, light asylum | Lien permanent | Commentaires (1)
mardi, 03 juin 2014
Sarra Grira : « La nuance est nécessaire pour refléter la complexité des situations des révolutions arabes »
Journaliste depuis trois ans sur le site Les Observateurs de France 24, Sarra Grira travaille à partir d'images, de vidéos et de photos amateurs afin de réaliser des articles, en français et en arabe, sur le Maghreb et le Moyen-Orient. Ce travail lui permet de réaliser, notamment, une émission hebdomadaire présenté en arabe. Par ailleurs, doctorante à l'université Paris III Sorbonne nouvelle, elle effectue une thèse sur l'autobiographie et la fiction dans la littérature engagée (Albert Camus, Malraux, Nizan, etc.). État des lieux du journalisme au sortir des révolutions arabes.
Comment s'élabore votre travail de journaliste dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient ? Avez-vous réalisé des reportages en Tunisie ou/et Égypte ?
Nous avons fait un reportage à Beyrouth, au Liban. Mais nous sommes principalement axé sur des sessions de formation de blogueurs, de part la vocation de notre site qui est de travailler avec des journalistes citoyens, des blogueurs, des photographes amateurs, etc. À l'occasion des élections en Tunisie et en Égypte, nous avions monté un site temporaire qui couvrait lesdites élections. En juillet 2012, Le Nouvel Observateur et RFI nous avaient contacté pour reproduire le même modèle de formation en Libye du fait de la force de la société civile dans ce pays. Nous avons donc crée une plate-forme agrégative qui rassemble plusieurs blogs. Nos formations s'axent sur l'écriture web, le montage vidéo.
Le but est d'initier ces jeunes au web journalisme. J'avais participé à deux sessions, en juillet et en octobre 2012, et nous allons repartir en décembre prochain.
14:34 Publié dans Actualité | Tags : sarra grira, sylvain métafiot, égypte, tunisie, simplification, exotisme, envoyé spécial, révolutions, interview, complexité, arabe, médias, maghreb, moyen-orient, france 24, les observateurs, journalistes, liban, blogs, rfi, rsf, violence, viols, presse d'opinion, faits, jeunes journalistes, islamistes, nessma tv, idéologie, ennahdha, moncef marzouki, débats, médiatique | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 25 octobre 2013
Christophe Boudot : « Si je suis maire de Lyon, Marine Le Pen est presidente de la République »
C’est la rentrée. Le CLIC continu son tour des candidats à la mairie de Lyon.
Aujourd’hui nous interrogeons Christophe Boudot candidat FN.
L’entretien a été effectué par Jean-Philippe Bonan du Forum de Lyon, Sébastien Gonzalvez du Lyon Bondy Blog Sylvain Metafiot de Forum de Lyon.
Comme toujours la supervision technique a été faite par Patrice Berger de radio pluriel
Vous pouvez écouter l’intégralité de l’entretien ici
Vidéo : trois questions à Christophe Boudot
17:26 Publié dans Actualité | Tags : politique, forum de lyon, clic, maire, lyon, marine le pen, presidente, république, élections, municipales, identitaires, front national, racisme, transports, violence, police, culture, grand stade, football, roms, expulsion, duchère, musulmans, communautarisme | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 16 octobre 2013
Huis clos, le cinéma sans issue de secours
Article initialement paru sur RAGEMAG
Foin des grands espaces fordiens, des voyages intersidéraux ou des fresques historiques. L'humanité crue se dévoile parfois dans une cellule de six mètres carrés, en présence d'autres compagnons d'infortune, sans échappatoire. S'adaptant aux différents genres, le huis clos en tant que dispositif narratif et scénique confronte impitoyablement l'homme avec ses congénères et, pire, avec lui-même. Un carburant inflammable de situations souvent explosives ingénieusement employé par Hitchcock, Lumet, Friedkin ou Polanski. Craquons une allumette.
D'emblée, passons rapidement sur le lieu commun sartrien « L'enfer c'est les autres », issu de la pièce de théâtre Huis Clos. Dans celle-ci trois personnages se retrouvent après leur mort dans une chambre d’hôtel (l’enfer). Être mort c’est être réduit à l’ensemble de ce que l’on sait sans rien pouvoir y changer. Ce vieux grigou de Sartre ne dénonçait donc pas l’insupportable présence des autres : « Les autres sont, au fond, ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. » La célèbre phrase signifie que la mémoire des vivants est la seule qui persiste au-delà des morts : être mort, c’est devoir incorporer le jugement des vivants, c’est ne plus pouvoir donner un autre sens à ce que l’on a dit, fait, été.
Une adaptation de la pièce a bien été réalisée par Jacqueline Audry en 1954 mais ne respecte pas l'unité de lieu et ne présente pas un grand intérêt, contrairement aux films qui vont suivre. Si enfer il doit y avoir on songera davantage à la chambre d'hôtel poisseuse de Barton Fink (1991) des frères Coen ou à l'appartement de Carnage (2011) de Polanski sur lequel nous reviendrons.
Justice for All
Genre fondamental, d’où provient le terme, les films mettant en scène la justice sont idéalement propices aux huis clos fiévreux. Sans surprise, la plupart des grands films mettant en scène la justice en action sont américains. Les hommes de loi, qu’ils soient juges, avocats ou policiers, fascinent l’Amérique, et provoquent plutôt les railleries en France.
Presque isolé, Raymond Depardon, avec le documentaire 10e chambre, instants d’audience (2004), donne à voir le fonctionnement brut et sans fards de la justice française, le regard fixé sur la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris. L’unité de temps et de lieu permet de cerner au plus près le quotidien des justiciables : drames, absurdités, drôleries se succèdent à la barre sans transition. Mais, contrairement à nous autres Frenchies, les Américains ont le génie de créer des personnages de loi aussi charismatiques que des super-héros (cf. l’article de Claire Mizrahi).
Qui mieux que Sidney Lumet a su filmer les rouages de la justice américaine ? Parmi ses huis clos, on pourrait citer Le Crime de l’Orient-Express (1974) et Un Après-midi de chien (1975), mais celui qui nous intéressera ici est son premier chef-d’œuvre, Douze hommes en colère (1957), qui s’immisce dans l’étouffante salle de délibération d’un jury devant statuer sur le cas d’un jeune homme accusé de meurtre sur son père. Vont-ils le condamner à mort ? Tous sont persuadés de sa culpabilité. Tous sauf un, le juré n°8 (Henry Fonda), simple citoyen tenacement en prise au doute, l’empêchant d’envoyer le gamin à la mort. Semant ce doute au sein des jurés, passablement énervés de devoir revivre le procès à huis clos et pressés de rentrer chez eux, la tension palpable se transforme en suspense sur l’issue du verdict que donneront les jurés. Toute l’intelligence du film tient à cette volonté farouche, démocratique, d’opposer un doute raisonnable aux préjugés expéditifs quand la vie d’un homme est en jeu. Ici, la pièce n’est pas verrouillée physiquement mais mentalement : les jurés ne pourront sortir qu’une fois unanimement d’accord. C’est le degré de volonté à faire émerger la vérité qui leur permettra de se libérer de cette étuve.
02:48 Publié dans Cinéma | Tags : assault, barton fink, bertrand bonello, brian de palma, cinema, claire simon, claustrophobie, cube, douze hommes en colère, étouffement, françois ozon, frères coen, huis clos, huit femmes, john carpenter, justice, l'apollonide, l'enfer c'est les autres, la corde, labyrinthe, le crime de l'orient-express, le diner de cons, le prénom, leos carax, lifeboat, mise en scène, panic room, raymond depardon, roman polanski, snake eyes, the man from earth, thriller, une femme disparaît, vincenzo natali, violence, ragemag, sylvain métafiot, cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 26 juin 2013
« Il y a nécessité de redonner de l’espoir à Lyon » Interview d’Etienne Tête
Après Pierre Hémon le CLIC accueille Étienne Tête candidat à la candidature EELV pour les municipales 2014 à Lyon.
Pour l’interroger, Sebastien Gonzalves du Lyon Bondy blog, Sylvain Métafiot de Forum de Lyon et de Mankpad’ere, Jean-Philippe Bonan de Sens Public et de Forum de Lyon et Patrice Berger de radio Puriel.
Vous pouvez écouter l’intégralité de l’entretien ici
18:40 Publié dans Actualité | Tags : 2014, clic, crèche, culture, écologie, économie, eelv, entreprise, etienne tête, gerard collomb, gouvernance, interview, lyon, lyon bondy blog, maire, métropole, municipales, politique, sécurité, société, verts, violence, sylvain métafiot, forum de lyon | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 15 avril 2013
Ill Manors de Ben Drew
Pour son premier film en tant que réalisateur, le rappeur Plan B, frappe plutôt fort. Avec Ill Manors il nous entraîne dans les bas-fonds de Londres, se frotter à la violence des quartiers Est, là où il a grandi, la rage au cœur et la peur au ventre. Le film navigue avec panache dans les eaux marâtres des « films de banlieues », à l'instar de La Haine, Boyz N the hood ou, plus récemment du viscéral Harry Brown dans lequel Plan B incarnait une racaille frappadingue. Le réalisme saisissant de ces films scotche généralement la rétine comme les papier gras collent aux barres d'immeubles. Ill Manors ne fait pas exception à la règle.
15:46 Publié dans Cinéma | Tags : ill manors, ben drew, cinéma, sylvain métafiot, film, la haine, violence, londres, gangs, drogue, banlieue, réalisme, rap, mankpad'ère, gazette, lutte sociale, enragé, meutre, brutal, crasse, poisseux, plan b, anglais, choral, gangsters, forest gate, caïd, loi du milieu, destins croisés, harry brown | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 26 janvier 2013
En chute libre
« À condition de se poster aux bons endroits, le touriste est plus facile à exterminer que la vipère »
Jonathan Swift
Quel animal plus pernicieux et répugnant que celui de touriste ? Cet être vulgaire et cuistre ayant comme unique but de comparer les merveilles qu’il visite au guide de voyage qu’il trimbale partout, au lieu de les contempler. Ce lourdaud pathétique s’extasiant devant les devantures en toc des magasins censés reproduire la « culture d’origine » du pays qu’il visite. Ce beauf fatiguant, trépignant d’inquiétude s’il ne retrouve pas son McDo et son feuilleton préféré à l’autre bout du monde ; parce que le pauvre bichon est perdu sans les repères qui servent de boussoles à sa vacuité existentielle. Bref, cette part honteuse de l’être humain dont il serait bien prétentieux de s’exclure.
Ben Wheatley semble partager cette opinion puisqu’il nous gratifie, après le terrifiant Kill List, d’une savoureuse comédie, noire comme la gueule d’un mineur d’un film de Ken Loach, drôle comme un sketch de Benny Hill sous acide et méchant comme une rombière un samedi de soldes : le bien nommé Touristes.
14:12 Publié dans Cinéma | Tags : en chute libre, touristes, ben wheatley, kill list, comédie noire, cruelle, gore, violence, médiocrité, god bless america, sylvain métafiot, drame anglais, steve oram, alice lowe, beaufs, mesquins, rouge sang, bêtise ambiante, cinéma, film salvateur, décence ordinaire, orwell, hécatombe, antipathiques, daily mail, ken loach, jonathan swift | Lien permanent | Commentaires (2)
lundi, 24 décembre 2012
Joyeux Noël post-apocalyptique
L'ouverture du cinquième sceau de l'Apocalypse (El Greco)
« Nous sommes l’homme de la grande patience. Nous sommes l’homme de la dernière attente. Assistés par le Souffle, soutenus par le saint Afflux pneumatique, l’Esprit envoyé Dieu par le Dieu qui se fait agonie afin qu’une humanité seule éprise de se dissocier de la mort achemine sa misère en l’unique et miséricordieux giron qui l’exhaussera, portés par l’haleine de Trinité, nous respirons. Archiques et migraineuses, bouillantes de lumière contenue, nos têtes dardent les orages inchoatifs.
La dernière catastrophe immine. À nos oreilles vibrent déjà les basses fondamentales de cieux buccinaux. »
Maxence Caron, Microcéphalopolis (2007)
« L’homme moderne s’est déjà dépersonnalisé si profondément qu’il n’est plus assez homme pour tenir tête à ses machines. L’homme primitif, faisant fond sur la puissance de la magie, avait confiance en sa capacité de diriger les forces naturelles et de les maîtriser. L’homme posthistorique, disposant des immenses ressources de la science, a si peu confiance en lui qu’il est prêt à accepter son propre remplacement, sa propre extinction, plutôt que d’avoir à arrêter les machines ou même seulement à les faire tourner à moindre régime. En érigeant en absolus les connaissances scientifiques et les inventions techniques, il a transformé la puissance matérielle en impuissance humaine : il préfèrera commettre un suicide universel en accélérant le cours de l’investigation scientifique plutôt que de sauver l’espèce humaine en le ralentissant, ne serait-ce que temporairement.
Jamais auparavant l’homme n’a été aussi affranchi des contraintes imposées par la nature, mais jamais non plus il n’a été davantage victime de sa propre incapacité à développer dans leur plénitude ses traits spécifiquement humains ; dans une certaines mesure, comme je l’ai déjà suggéré, il a perdu le secret de son humanisation. Le stade extrême du rationalisme posthistorique, nous pouvons le prédire avec certitude, poussera plus loin un paradoxe déjà visible : non seulement la vie elle-même échappe d’autant plus à la maîtrise de l’homme que les moyens de vivre deviennent automatiques, mais encore le produit ultime – l’homme lui-même – deviendra d’autant plus irrationnel que les méthodes de production se rationaliseront.
En bref, le pouvoir et l’ordre, poussés à leur comble, se renversent en leur contraire : désorganisation, violence, aberration mentale, chaos subjectif. »
Lewis Mumford, Les Transformations de l’homme (1956), « L’homme posthistorique »
Sylvain Métafiot
15:32 Publié dans Actualité | Tags : joyeux noël post-apocalyptique, maxence caron, microcéphalopolis, l'ouverture du cinquième sceau de l'apocalypse, el greco, lewis mumford, les transformations de l’homme, l’homme posthistorique, animatrix, les sales majestés, petit papa noël, chaos subjectif, désorganisation, violence, aberration mentale, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (0)