mercredi, 11 mars 2015
Dieu cinématique
Après le questionnaire du Miroir et celui sur la Politique, Ludovic Maubreuil nous propose un questionnaire portant sur les dieux et les mythes au cinéma. L'occasion de mettre sa foi de cinéphile à l’épreuve.
1) Parmi tous ceux qui ont été représentés au cinéma, quel est votre dieu préféré ?
Celui qui créa la femme, pardi !
2) Quel édifice religieux, présent dans un film, vous a donné envie de vous y attarder ?
Celle qu'occupe Andreï Roublev dans le film de Tarkovski.
Bien que je serais curieux de découvrir le mystère de l'église démoniaque de L'Antre de la folie de John Carpenter.
3) Quel personnage de prêtre vous a le plus marqué ?
Don Pietro Pellegrini, l'admirable prêtre résistant dans Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini.
14:24 Publié dans Cinéma | Tags : dieu cinématique, ludovic maubreuil, sylvain métafiot, foi, cinéphilie, rites, diables, chrétien, jésus, islam, juif, mythologie, blasphème, paien | Lien permanent | Commentaires (2)
jeudi, 05 mars 2015
Kingsman : le beauf s’habille chez Henry Poole
Les gentlemen seraient-ils devenus vulgaires ? Telle est la question qui nous titille l’occiput durant le visionnage du dernier film de Matthew Vaughn, réalisateur de l’excellent Kick-Ass (2010) et du très correct X-Men : First Class (2011). Si incongrue que ce soit cette question sa réponse n’en est pas moins malséante : oui, en flattant un public nourrit au relativisme culturel contemporain, l’alliance du beauf et du dandy est réalisée.
21:08 Publié dans Cinéma | Tags : kingsman, cinéma, sylvain métafiot, matthew vaughn, le beauf s’habille chez henry poole, vulgaire, dandy, classe, savile row, big mac, violence, incohérences, agents secrets, espions, james bond, austin powers | Lien permanent | Commentaires (2)
samedi, 14 février 2015
Il est difficile d'être un dieu
S'il est difficile d'être un dieu il est d'autant plus ardu d'écrire sur une œuvre dont l'histoire obscure invite à la glose infinie mais qui happe surtout par une puissance visuelle aussi sublime que répugnante.
À l'image du Faust d'Alexander Sokurov le film d'Alexeï Guerman est une danse infernale éprouvante dans laquelle s'entrechoque les corps sales, puants et dégoulinants d'une cour des miracles d'un autre monde illustrant « à merveille » notre propre enfer médiéval.
Ainsi, c'est aux visions diaboliques de Bosch et de Brueghel que cet univers de folie fangeuse fait songer...
Le Christ aux Limbes
Le jardin des délices (détail)
La Dulle Griet
Sylvain Métafiot
15:50 Publié dans Cinéma | Tags : il est difficile d'être un dieu, sylvain métafiot, alexander sokurov, alexeï guerman, faust, bosch, brueghel, enfer, glose, science fiction | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 11 février 2015
L'invention de Morel ou la projection hallucinée
Quel est ce parfum qui flotte autour du narrateur et l'obsède ? Celui, moite et âpre, de la flore de l'étrange île sur laquelle il s'est réfugié ? Celui de Faustine, ce fantôme charnel qui l'ignore superbement ? Ou bien celui de la folie, cette vapeur empoisonnée qui s'insinue dans son cerveau brûlé par le soleil ?
Le narrateur est pourtant rationnel, son journal en atteste. Mais si la science dépassait le cadre de la réalité, la folie qui en découlerait ne serait-elle pas la norme ? Les machines n'ont pas d'odeur et pourtant l'invention de Morel sent le souffre : diabolique, transgressive, parfaite. Au bout du conte, la question n'est pas de savoir si la frontière entre le réel et l'halluciné a été franchie mais s'il existe encore une frontière.
Le narrateur a fuit la prison des hommes mais se retrouve enfermé dans l'ombre d'un seul, le sien, condamné à revivre éternellement la plus pure des illusions. L'image est immortelle.
Sylvain Métafiot
19:11 Publié dans Littérature | Tags : l'invention de morel, projection hallucinée, littérature, sylvain métafiot, litterarium, gazettarium, adolfo bioy casares, folie, image, parfum, île, machine, frontière, illusions | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 25 janvier 2015
Pasolini : le chant de l’abyme
Article initialement publié sur Le Comptoir
« Scandaliser est un droit. Être scandalisé est un plaisir. Et le refus d’être scandalisé est une attitude moraliste. » Devant le journaliste français qui l’interroge, Pier Paolo Pasolini ne mâche pas ses mots. Il ne l’a jamais fait. Il vient de terminer Salo ou les 120 journées de Sodome. Le lendemain, il sera mort. C’est ainsi que débute le beau film qu’Abel Ferrara a consacré à cet homme qui paya de sa vie son droit sacré au blasphème moderne.
Rassurons d’emblée ceux que les biopics convenus lassent ou exaspèrent : le film de Ferrara n’a pas l’ambition, ni la volonté, d’embrasser toute la vie du poète italien de façon linéaire. Son récit se concentre sur les derniers jours de sa vie, comme si ces ultimes instants recelaient en eux-mêmes toute sa puissance tragique et artistique.
Alternant les scènes de vie familiale avec les interviews politiques, Ferrara s’aventure également, à la manière des récits en cascade des Mille et une nuits, dans le champ de l’imaginaire en illustrant son roman inachevé Pétrole et les premières esquisses du film Porno-Teo-Kolossal racontant le voyage d’Epifanio et de son serviteur Nunzio à travers l’Italie à la recherche du Paradis, guidés par une comète divine. Enchâssant la fiction dans la réalité (et même la fiction dans la fiction), Ferrara trace une ligne de vie viscérale entre Pasolini et ses œuvres : « Pasolini n’était pas un esthète, mais un avant-gardiste non inscrit, affirme Hervé Joubert-Laurencin. Il n’a pas vécu sa vie comme un art mais l’art comme une vie, il n’était pas "décadentiste" mais "réaliste", il n’a pas "esthétisé la politique" mais "politisé l’art". »
15:30 Publié dans Cinéma, Politique | Tags : le comptoir, abel ferrara, assassinat, écrits corsaires, blasphème, cinéma, contre la télévision, fascisme, hédonisme, italie, lettres luthériennes, nous sommes tous en danger, pétrole, pd, pier paolo pasolini, porno-teo-kolossal, ragazzi di vita, rome, salo ou les 120 journées de sodome, scandale, sylvain métafiot | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 13 janvier 2015
À mon ami Charlie – 7 janvier 2015
« Voilà le noyau, le sens de tout le problème, tu ne sais même pas qui, en ce moment, songe peut-être à te tuer. Mets ce titre là si tu veux : Pourquoi nous sommes tous en danger. »
Pier Paolo Pasolini, quelques heures avant son assassinat.
La première fois que j’ai lu Charlie Hebdo j’avais 18 ans. Je connaissais le journal de réputation, mon père possédait des vieux exemplaires d’Hara-Kiri, je commençais à lire Le Canard Enchaîné, ma conscience politique s’affirmait…
J’ai décidé de m’abonner. Pour me marrer en m’informant. Pour soutenir un journal de gauche. Je l’ai été pendant près de dix ans. Pendant toutes ces années, les dessins et les articles de Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, Honoré, Oncle Bernard, Polac, Biard, Luz, Thoret, Pelloux, Riss, Lançon, Val, Cavanna, Nicolino, Siné, Catherine, Sattouf, Fourest, Willem, Jul, Sfar, Fischetti, Kama… furent un joyeux bordel de rires, d’intelligence, d’indignation et de liberté. Une réunion de famille hebdomadaire qui avait pour but de tourner en dérision la connerie humaine.
Le lisant à l'université, les caricatures de Mahomet déclenchèrent un vif débat avec des camarades de ma fac d’Économie : musulmans ils se sentaient insultés, je faisais valoir le droit au blasphème et à la caricature même la plus médiocre. Putain…, j’aimais ces échanges fermes mais respectueux où l’on s’engueulait sans haine.
22:07 Publié dans Actualité, Politique | Tags : charlie hebdo, attentat, islamistes, sylvain métafiot, cabu, charb, honoré, maris, wolinski, tignous, tristesse, colère, jesuischarlie, prophète mahomet, à mn ami charlie, 7 janvier 2015 | Lien permanent | Commentaires (7)
lundi, 29 décembre 2014
Cimes cinéphiliques 2014
Qui succède au Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese au titre de meilleur film de l'année ? La réponse dans notre habituel top 10, suivi de son flop 10 tout aussi subjectif.
Au sommet cette année
1) Alleluia de Fabrice du Welz : un cauchemar sadien dans lequel virevolte Eros, Thanatos et les puissances oniriques du cinéma.
2) Gone Girl de David Fincher : une plongée renversante dans le grand bain du négatif américain.
3) Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch : l’éternelle mélancolie des vampires face à la vulgarité des « zombies » humains.
4) Whiplash de Damien Chazelle : la naissance d’un dieu sous l’égide d’un tyran.
5) Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan : les pérégrinations morales et philosophiques d’un roi seul dans son royaume glacé.
16:38 Publié dans Actualité, Cinéma | Tags : sylvain métafiot, wrong cops, albator, joe, zero theorem, maps to the stars, au nom du fils, the double, mommy, monuments men, godzilla, le conte de la princesse kaguya, under the skin, the rover, les amants électriques, the tribe, only lovers left alive, whiplash, winter sleep, cimes cinéphiliques 2014, top 10, flop 10, alleluia, gone girl | Lien permanent | Commentaires (5)
mercredi, 24 décembre 2014
Noël cinéma contre la gueule de bois
12:31 Publié dans Actualité, Cinéma | Tags : noël cinéma contre la gueule de bois, sylvain métafiot, blow up, top 5, joyeuses fêtes, bad santa | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 19 décembre 2014
Le cercle de la boue : L’Enfer de Verdun de Félicien Champsaur
Après avoir réédité L’Orgie Latine en 2013, c’est une nouvelle curiosité littéraire de Félicien Champsaur que les noctambules du Vampire Actif ont déterré : L’Enfer de Verdun, un court texte écrit en janvier 1917, constituant la préface d’une « pièce de théâtre hybride, au vitriol », L’Assassin innombrable. Un témoignage cru de l’horreur de la guerre de 14, cette grande boucherie rouge et pâteuse.
En 1916, la guerre et son cortège d’armes industrielles a fait 240 000 morts du côté allemand et 260 000 morts français. Et c’est la bataille la plus épouvantable, celle de Verdun, que le jeune écrivain, aujourd’hui oublié, raconte de manière détaillée. Quand il se rend sur place, Verdun est en ruine (« Des rues entières sont effondrées, et la rue Mazelle, entre autres, n’est qu’un charnier de pierres et de poutres, de pans de murs, restes et tronçons de façades écroulées. […] La cathédrale où nous entrons, est mystérieuse, émouvante, avec tant de trous dans sa robe de granit, les dentelles déchirées de ses fenêtres et de ses vitraux… »). Elle a subit une bataille terrible où les poilus se terraient dans des trous humides ou derrière de simples pans de murs effondrés pour échapper à l’orage d’acier de l’artillerie allemande (1250 pièces de tous calibres). Cherchant à faire ployer la citadelle, les Allemands bombardent sans discontinuer une armée qui « devient insomniaque, nerveuse, angoissée, promise à la mort. » (Pierre Miquel). La violence des coups de canon dans la nuit rend l’atmosphère électrique : « nous semblons, les uns aux autres, les seuls êtres vivants, et nous écoutons au cœur de l’angoisse de la nuit, d’ennemis invisibles, l’appréhension de la force des tonnerres humains, de leur gueule sonores et brutales. Pour la première fois, je contemple la Guerre, et je guette avidement ses regards de feu, du côté de Douamont et de Vaux, les beautés espacées et puissantes de son souffle. »
15:35 Publié dans Littérature | Tags : boue, cadavres, charniers, fange, félicien champsaur, guerre de 14-18, l'enfer de verdun, le vampire actif, propagande, sang, soldats, sylvain métafiot, tranchées, littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 11 décembre 2014
Debord cinéaste : la haine de l'image
Article initialement publié sur Le Comptoir
« Le monde est déjà filmé. Il s’agit maintenant de le transformer », affirme Guy Debord, en bon marxiste hétérodoxe, dans son film « La société du spectacle ». Anti-cinéma (à ses yeux un « spectacle dégradé »), considérant le spectateur comme un « homme méprisable », il réalisa pourtant six films. Comment ce génie insupportable et paradoxal a-t-il résolu, voire dépassé, cette contradiction fondamentale ? Essayons d’y voir plus clair derrière les apparences.
À l’instar des surréalistes, les situationnistes admiraient les poètes des ténèbres que sont Lautréamont, Lacenaire, Arthur Cravan, Sade… Et c’est en hommage au divin marquis que Debord réalisa son premier film, en 1952 : Hurlements en faveur de Sade, même si « on ne parle pas de Sade dans ce film ». Dans la préface au scénario d’une première version du film, il écrivait : « L’amour n’est valable que dans une période prérévolutionnaire. J’ai fait ce film pendant qu’il était encore temps d’en parler. Il s’agissait de s’élever avec le plus de violence possible contre un ordre éthique qui sera plus tard dépassé. […] Les arts futurs seront des bouleversements de situations, ou rien. » (Prolégomènes à tout cinéma futur). Alternance d’écrans blancs et noirs, le film témoigne d’un dégoût profond pour l’image, refusant radicalement toute représentation. Au flot de paroles décousues et volontairement inexpressives du blanc — mélange d’aphorismes philosophiques, de dialogues poétiques et d’articles du Code civil — résonne le silence assourdissant du noir. C’est son premier usage des phrases détournées. Mais bien qu’ayant proclamé que « le cinéma est mort », il va continuer à arpenter le paysage cinématographique en faisant évoluer sa pratique du détournement.
Pour Debord, le dadaïsme et le surréalisme furent stoppés dans leur élan car n’engageant leur projet révolutionnaire que d’un seul côté : « Le dadaïsme a voulu supprimer l’art sans le réaliser ; et le surréalisme a voulu réaliser l’art sans le supprimer. La position critique élaborée depuis par les situationnistes a montré que la suppression et la réalisation de l’art sont les aspects inséparables d’un même dépassement de l’art. » (La société du spectacle) C’est dans ce processus de bouleversement et de dépassement qu’intervient le détournement cinématographique.
21:26 Publié dans Cinéma | Tags : debord cinéaste, cinéma, haine de l'image, situationnisme, sylvain métafiot, le comptoir, détournement, maxisme, surréalisme, gone girl, in girum imus nocte et consumimur igni, la société du spectacle, hurlements en faveur de sade, critique radicale, renversement, retournement, hollywood, canal +, message à caractère informatif, la dialectique peut-elle casser des briques, rené viénet, john ford, nicolas ray, raoul walsh, joseph von sternberg, sam wood, orson welles, david fincher | Lien permanent | Commentaires (0)